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Intervention militaire du Rwanda en RDC: le Rapport des experts de l’ONU a fait aussi allusion à l’Etat de siège décrété en Ituri et au Nord-Kivu

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Intervention militaire du Rwanda en RDC: le Rapport des experts de l’ONU a fait aussi allusion à l’Etat de siège décrété en Ituri et au Nord-Kivu

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Le rapport des experts de l’ONU sur l’intervention du Rwanda en RDC, en appui aux éléments du M23, a également fait allusion à l’Etat de siège décrété depuis le 6 mai 2021 par le Président Félix Tshisekedi. Selon ce document, pendant l’état de siège, certains membres des FARDC, y compris du 111e bataillon commando déployé à Libi et du 32062e bataillon  » Léopard  » déployé à Bambu et à Kobu, ont déplacé de force la population civile de ces villages lendu et d’autres villages des environs. Ils ont également tué plusieurs civils, et détruit ou pillé des habitations civiles et des centres de santé, comme cela avait déjà été observé dans d’autres zones du territoire de Djugu.

Certains membres des FARDC ont également procédé à des bombardements aériens indiscriminés dans la zone minière aurifère à l’ouest du territoire de Djugu, notamment à Bambu, Petsi, Kobu, Mongbwalu, Nyangaray et Dhembu et aux alentours, ainsi que dans le secteur de Walendu-Pitsi, notamment à Ndr’li.

Les bombardements ont endommagé des habitations civiles et des écoles, blessé des civils et aurait tué plusieurs civils. Par exemple, le 31 juillet 2021, ou aux alentours de cette date, des hélicoptères d’attaque Mi-24 des FARDC ont largué des bombes sur Bambu, dont l’une a endommagé l’école de la mission catholique, dans laquelle les FARDC avaient demandé à la population de Bambu de s’abriter quelques jours auparavant.

Le 15 janvier 2022, des bombes ont frappé une autre école, à Petsi, blessant au moins deux enfants139. Le 11 janvier 2022, des hélicoptères des FARDC ont largué des roquettes C-8KO sur le village de Ndr’li et autour de celui-ci, mais n’ont pas touché le quartier général de l’URDPC/CODECO à côté, à Ndalo (voir annexe 67) 140. Un officier de haut rang des FARDC a expliqué que les cibles avaient été soigneusement identifiées, même si des erreurs ou des dommages collatéraux se sont produits, notamment lorsque des combattants de la CODECO étaient à proximité

Rapport final du Groupe d’experts
Crimes commis contre des civils par des membres des Forces armées de la République démocratique du Congo déployées dans le territoire de Djugu pendant l’état de siège

  1. Certains membres des FARDC déployés dans le territoire de Djugu pendant l’état de siège ont commis des crimes contre des civils, notamment contre des civils lendu, que certains ont continué d’assimiler systématiquement à la CODECO, comme indiqué précédemment (voir S/2021/560, par. 113 à 120, S/2020/1283, par. 51, et S/2019/974, par. 93 à 100). Meurtres et déplacements forcés de civils lendu, pillage de villages lendu et bombardements aériens indiscriminés
  2. Pendant l’état de siège, certains membres des FARDC, y compris du 111e bataillon commando déployé à Libi et du 32062e bataillon « léopard » déployé à Bambu et à Kobu, ont déplacé de force la population civile de ces villages lendu et d’autres villages des environs. Ils ont également tué plusieurs civils 134, et détruit ou pillé des habitations civiles et des centres de santé, comme cela avait déjà été observé dans d’autres zones du territoire de Djugu (voir annexe 65, et S/2021/560, par. 116 et 118).
  3. Certains membres des FARDC ont également procédé à des bombardements aériens indiscriminés dans la zone minière aurifère à l’ouest du territoire de Djugu, notamment à Bambu, Petsi, Kobu, Mongbwalu, Nyangaray et Dhembu et aux alentours, ainsi que dans le secteur de Walendu-Pitsi, notamment à Ndr’li. Les bombardements ont endommagé des habitations civiles et des écoles, blessé des civils et aurait tué plusieurs civils.
  4. Par exemple, le 31 juillet 2021, ou aux alentours de cette date, des hélicoptères d’attaque Mi-24 des FARDC ont largué des bombes sur Bambu, dont l’une a endommagé l’école de la mission catholique, dans laquelle les FARDC avaient demandé à la population de Bambu de s’abriter quelques jours auparavant (voir annexe 66) 138. Le 15 janvier 2022, des bombes ont frappé une autre école, à Petsi, blessant au moins deux enfants.
    Le 11 janvier 2022, des hélicoptères des FARDC ont largué des roquettes C-8KO sur le village de Ndr’li et autour de celui-ci, mais n’ont pas touché le quartier général de l’URDPC/CODECO à côté, à Ndalo (voir annexe 67).
    Un officier de haut rang des FARDC a expliqué que les cibles avaient été soigneusement identifiées, même si des erreurs ou des dommages collatéraux se sont produits, notamment lorsque des combattants de la CODECO étaient à proximité de bâtiments civils. Violence sexuelle liée au conflit.
  5. Au cours de la période considérée, le nombre de viols commis par certains membres des FARDC est resté élevé sur l’ensemble du territoire de Djugu (voir S/2021/560, par. 114) 141, comme l’illustrent les cas mentionnés aux paragraphes 135 à 139 ci-après et à l’annexe 68.
  6. Certains membres des FARDC déployés pendant l’état de siège, y compris du 312e bataillon voltigeurs, sous le commandement du colonel Joseph Nganzole Olikwa, alias Tipi Ziro Ziro (voir S/2021/560, par. 35 et 97), ont violé, parfois en réunion, au moins 10 femmes142 à Lopa et dans les environs entre juin et décembre 2021143. Toutes les victimes de viol que le Groupe d’experts a rencontrées, ainsi qu’un chef local et un acteur de la société civile connaissaient d’autres femmes ou filles qui avaient été violées autour de la même période et au même endroit par des membres des FARDC, y compris du 312e bataillon voltigeurs.
  7. Par exemple, en novembre ou décembre 2021, plusieurs membres du 312e bataillon voltigeurs ont demandé de l’argent à deux des victimes interrogées par le Groupe, à un poste de contrôle situé à proximité de leur camp, à Kpadole, avant de violer en réunion l’une d’elles à l’intérieur du camp et de violer l’autre à proximité du camp, tandis que leurs maris étaient tenus en joue.
  8. Lorsque les autorités locales l’ont questionné au sujet du nombre élevé de viols depuis le déploiement des troupes dans la région, le colonel Tipi Ziro Ziro a demandé que, pour tout cas de viol, le dossier médical de la victime et l’identité complète du ou des auteurs soient fournis, bien que la plupart des victimes ne connaissent pas l’identité de la ou des personnes qui les ont violées. Le colonel Tipi Ziro Ziro a ajouté que ses soldats étaient « tentés » puisqu’ils n’étaient pas accompagnés de femmes, et que la population devait donc être prudente, mais il a tout de même abordé le sujet avec ses soldats. Deux membres des FARDC pris sur le fait auraient été arrêtés .
    Lors d’une rencontre avec le Groupe d’experts, le colonel Tipi Ziro Ziro a contesté les dates de son déploiement à Lopa et affirmé qu’il ne tolérerait aucun viol de la part de ses soldats.
  9. Certains membres des FARDC, dont des membres du 111e bataillon commando déployés pendant l’état de siège, ont violé, y compris en réunion, au moins sept femmes lendu et une jeune fille lendu de 15 ans à Libi et dans les environs entre mai et octobre 2021 . Les agresseurs ont expliqué à trois victimes qu’ils les avaient violées parce que leurs maris ou leurs frères appartenaient à des factions de la CODECO et avaient tué des membres des FARDC.
  10. Le 4 août 2021, trois membres du 111e bataillon commando ont violé une femme et commis un viol collectif sur deux autres. Ils ont tué une des femmes alors qu’elle s’enfuyait après le viol. Les FARDC ont mené des enquêtes et arrêté les auteurs dans cette affaire ainsi que dans une autre. Cependant, il n’est pas clair si des poursuites ont été engagées dans le cadre de ces affaires ou des affaires évoquées aux paragraphes 135 à 137.
  11. Les actes décrits dans la présente section sont passibles de sanctions en application des dispositions de l’alinéa e) du paragraphe 7 de la résolution 2293 (2016), reconduit par la résolution 2582 (2021). F. Présence de groupes armés Maï-Maï et de membres des Forces armées de la République démocratique du Congo dans des mines d’or du territoire de Mambasa.
  12. Le Groupe d’experts a constaté que la production d’or dans la réserve de faune à okapis et aux alentours, dans le territoire de Mambasa (voir S/2021/560, annexe 91, et S/2016/1102, par. 69 à 72), avait bénéficié à des groupes Maï-Maï et à certains membres des FARDC. L’or a été exporté en contrebande par des réseaux criminels ou, dans un cas, exporté légalement en Ouganda, au cours de l’année 2021. 142. Des groupes Maï-Maï, dont les Maï-Maï Simba, dirigés par Mangaribi (voir S/2016/466, note de bas de page 23), ont exploité de l’or et prélevé des taxes dans les mines d’or de la réserve à okapis et au sein des limites contestées de la réserv e (voir annexe 69). Depuis au moins 2017, un réseau criminel composé de membres de la 31e brigade du 311e bataillon voltigeurs des FARDC, commandé par le colonel David Mushaila Kapelo et assisté du capitaine John Chiza, a taxé des mineurs, exploité de l’or et assuré la garde des mineurs exploitant de façon semi-industrielle148 dans les sites d’exploitation minière de la zone (voir S/2021/560, annexe 91, et S/2016/1102, par. 69 à 72). On trouvera les réponses du colonel Kapelo et du capitaine Chiza à l’annexe 70.
  13. En particulier, sur le chemin menant à la mine d’or de Muchacha, dans les limites contestées de la réserve à okapis, une barrière installée à Penge et exploitée par des FARDC générait plus de 1 000 dollars par jour pour certains membres des FARDC présents sur le site (carte et informations détaillées à l’annexe 71). 144. Selon des autorités de l’État, certains membres des FARDC administraient les sites d’exploitation minière comme des « fiefs », portaient atteinte à l’intégrité physique des creuseurs et, aux côtés des éco-gardes de l’ICCN, ont expulsé de force des creuseurs artisanaux des mines d’or (voir annexe 72). Les populations locales ont cependant fait observer que
    Crimes commis contre des civils par des membres des Forces armées de la République démocratique du Congo déployées dans le territoire de Djugu pendant l’état de siège
  14. Certains membres des FARDC déployés dans le territoire de Djugu pendant l’état de siège ont commis des crimes contre des civils, notamment contre des civils lendu, que certains ont continué d’assimiler systématiquement à la CODECO, comme indiqué précédemment (voir S/2021/560, par. 113 à 120, S/2020/1283, par. 51, et S/2019/974, par. 93 à 100). Meurtres et déplacements forcés de civils lendu, pillage de villages lendu et bombardements aériens indiscriminés
  15. Pendant l’état de siège, certains membres des FARDC, y compris du 111e bataillon commando déployé à Libi et du 32062e bataillon « léopard » déployé à Bambu et à Kobu, ont déplacé de force la population civile de ces villages lendu et d’autres villages des environs. Ils ont également tué plusieurs civils 134, et détruit ou pillé des habitations civiles et des centres de santé, comme cela avait déjà été observé dans d’autres zones du territoire de Djugu (voir annexe 65, et S/2021/560, par. 116 et 118).
  16. Certains membres des FARDC ont également procédé à des bombardements aériens indiscriminés dans la zone minière aurifère à l’ouest du territoire de Djugu, notamment à Bambu, Petsi, Kobu, Mongbwalu, Nyangaray et Dhembu et aux alentours, ainsi que dans le secteur de Walendu-Pitsi, notamment à Ndr’li. Les bombardements ont endommagé des habitations civiles et des écoles, blessé des civils et aurait tué plusieurs civils.
  17. Par exemple, le 31 juillet 2021, ou aux alentours de cette date, des hélicoptères d’attaque Mi-24 des FARDC ont largué des bombes sur Bambu, dont l’une a endommagé l’école de la mission catholique, dans laquelle les FARDC avaient demandé à la population de Bambu de s’abriter quelques jours auparavant (voir annexe 66) 138. Le 15 janvier 2022, des bombes ont frappé une autre école, à Petsi, blessant au moins deux enfants.
    Le 11 janvier 2022, des hélicoptères des FARDC ont largué des roquettes C-8KO sur le village de Ndr’li et autour de celui-ci, mais n’ont pas touché le quartier général de l’URDPC/CODECO à côté, à Ndalo (voir annexe 67).
    Un officier de haut rang des FARDC a expliqué que les cibles avaient été soigneusement identifiées, même si des erreurs ou des dommages collatéraux se sont produits, notamment lorsque des combattants de la CODECO étaient à proximité de bâtiments civils. Violence sexuelle liée au conflit.
  18. Au cours de la période considérée, le nombre de viols commis par certains membres des FARDC est resté élevé sur l’ensemble du territoire de Djugu (voir S/2021/560, par. 114) 141, comme l’illustrent les cas mentionnés aux paragraphes 135 à 139 ci-après et à l’annexe 68.
  19. Certains membres des FARDC déployés pendant l’état de siège, y compris du 312e bataillon voltigeurs, sous le commandement du colonel Joseph Nganzole Olikwa, alias Tipi Ziro Ziro (voir S/2021/560, par. 35 et 97), ont violé, parfois en réunion, au moins 10 femmes142 à Lopa et dans les environs entre juin et décembre 2021143. Toutes les victimes de viol que le Groupe d’experts a rencontrées, ainsi qu’un chef local et un acteur de la société civile connaissaient d’autres femmes ou filles qui avaient été violées autour de la même période et au même endroit par des membres des FARDC, y compris du 312e bataillon voltigeurs.
  20. Par exemple, en novembre ou décembre 2021, plusieurs membres du 312e bataillon voltigeurs ont demandé de l’argent à deux des victimes interrogées par le Groupe, à un poste de contrôle situé à proximité de leur camp, à Kpadole, avant de violer en réunion l’une d’elles à l’intérieur du camp et de violer l’autre à proximité du camp, tandis que leurs maris étaient tenus en joue.
  21. Lorsque les autorités locales l’ont questionné au sujet du nombre élevé de viols depuis le déploiement des troupes dans la région, le colonel Tipi Ziro Ziro a demandé que, pour tout cas de viol, le dossier médical de la victime et l’identité complète du ou des auteurs soient fournis, bien que la plupart des victimes ne connaissent pas l’identité de la ou des personnes qui les ont violées. Le colonel Tipi Ziro Ziro a ajouté que ses soldats étaient « tentés » puisqu’ils n’étaient pas accompagnés de femmes, et que la population devait donc être prudente, mais il a tout de même abordé le sujet avec ses soldats. Deux membres des FARDC pris sur le fait auraient été arrêtés .
    Lors d’une rencontre avec le Groupe d’experts, le colonel Tipi Ziro Ziro a contesté les dates de son déploiement à Lopa et affirmé qu’il ne tolérerait aucun viol de la part de ses soldats.
  22. Certains membres des FARDC, dont des membres du 111e bataillon commando déployés pendant l’état de siège, ont violé, y compris en réunion, au moins sept femmes lendu et une jeune fille lendu de 15 ans à Libi et dans les environs entre mai et octobre 2021 . Les agresseurs ont expliqué à trois victimes qu’ils les avaient violées parce que leurs maris ou leurs frères appartenaient à des factions de la CODECO et avaient tué des membres des FARDC.
  23. Le 4 août 2021, trois membres du 111e bataillon commando ont violé une femme et commis un viol collectif sur deux autres. Ils ont tué une des femmes alors qu’elle s’enfuyait après le viol. Les FARDC ont mené des enquêtes et arrêté les auteurs dans cette affaire ainsi que dans une autre. Cependant, il n’est pas clair si des poursuites ont été engagées dans le cadre de ces affaires ou des affaires évoquées aux paragraphes 135 à 137.
  24. Les actes décrits dans la présente section sont passibles de sanctions en application des dispositions de l’alinéa e) du paragraphe 7 de la résolution 2293 (2016), reconduit par la résolution 2582 (2021). F. Présence de groupes armés Maï-Maï et de membres des Forces armées de la République démocratique du Congo dans des mines d’or du territoire de Mambasa.
  25. Le Groupe d’experts a constaté que la production d’or dans la réserve de faune à okapis et aux alentours, dans le territoire de Mambasa (voir S/2021/560, annexe 91, et S/2016/1102, par. 69 à 72), avait bénéficié à des groupes Maï-Maï et à certains membres des FARDC. L’or a été exporté en contrebande par des réseaux criminels ou, dans un cas, exporté légalement en Ouganda, au cours de l’année 2021. 142. Des groupes Maï-Maï, dont les Maï-Maï Simba, dirigés par Mangaribi (voir S/2016/466, note de bas de page 23), ont exploité de l’or et prélevé des taxes dans les mines d’or de la réserve à okapis et au sein des limites contestées de la réserv e (voir annexe 69). Depuis au moins 2017, un réseau criminel composé de membres de la 31e brigade du 311e bataillon voltigeurs des FARDC, commandé par le colonel David Mushaila Kapelo et assisté du capitaine John Chiza, a taxé des mineurs, exploité de l’or et assuré la garde des mineurs exploitant de façon semi-industrielle148 dans les sites d’exploitation minière de la zone (voir S/2021/560, annexe 91, et S/2016/1102, par. 69 à 72). On trouvera les réponses du colonel Kapelo et du capitaine Chiza à l’annexe 70.
  26. En particulier, sur le chemin menant à la mine d’or de Muchacha, dans les limites contestées de la réserve à okapis, une barrière installée à Penge et exploitée par des FARDC générait plus de 1 000 dollars par jour pour certains membres des FARDC présents sur le site (carte et informations détaillées à l’annexe 71). 144. Selon des autorités de l’État, certains membres des FARDC administraient les sites d’exploitation minière comme des « fiefs », portaient atteinte à l’intégrité physique des creuseurs et, aux côtés des éco-gardes de l’ICCN, ont expulsé de force des creuseurs artisanaux des mines d’or (voir annexe 72). Les populations locales ont cependant fait observer que des mineurs semi-industriels continuaient de travailler, tandis que les expulsions forcées favorisaient le banditisme local et étaient susceptibles d’inciter les mineurs chassés du site à se rallier à des groupes armés.
  27. Certains membres des FARDC ont également taxé des creuseurs et assuré la garde dans la concession minière appartenant à MCC Resources, dans laquelle se trouve la mine d’or de Muchacha et où, en 2021, Kimia Mining Investment Sarl, 150 une société enregistrée en République démocratique du Congo, figurait parmi les sociétés minières qui y étaient actives (voir l’annexe 73 pour la réponse de KGOR Sarl, une société holding représentant Kimia).
  28. Des mines d’or du groupement Enjewa, au sein duquel se trouve Muchacha, ont également été contrôlées par les Maï-Maï Simba, dirigés par Mangaribi, en octobre et novembre 2021. Au cours de la même période, ces derniers ont également pris le contrôle des groupements de Badumbisa et de Basiri dans la chefferie de Bombo, que les combattants Maï-Maï ont vidé de leur population afin d’y extraire de l’or (voir annexe 74).
  29. Les Maï-Maï et certains membres des FARDC présents dans les mines d’or de la zone ont régulièrement empêché les autorités étatiques d’accéder aux mines en 2021 et 2022. Par conséquent, de grandes quantités d’or produites à Muchacha et dans ses environs n’ont pas été déclarées (voir annexe 75). Cette situation a occasionné des pertes importantes151 pour l’État congolais et a compromis les efforts visant à assurer la traçabilité de l’or, conformément aux directives issues par la Conférence internationale sur la région des Grands Lacs (CIRGL) et à la législation cong olaise.
  30. Après que les autorités congolaises ont procédé à une saisie (voir annexe 76), en novembre 2021 Kimia a officiellement exporté 32 kilogrammes d’or de Muchacha vers la Simba Gold Refinery en Ouganda, en utilisant les certificats de la CIRGL (voir également par. 174). 149. Le Groupe d’experts se félicite de l’utilisation des certificats de la CIRGL pour les exportations d’or, mais constate que l’or a été produit par Kimia dans une zone où un groupe Maï-Maï prélevait des taxes et produisait de l’or, et où certains membres des FARDC se livraient illégalement à l’extraction et à la taxation de l’or.
  31. Le Groupe d’experts a demandé à la Simba Gold Refinery de lui fournir un exemplaire de son rapport sur la diligence raisonnable concernant la chaîne d’approvisionnement eu égard à l’or acheté en République démocratique du Congo en 2021. La Gold Refiners, Exporters and Dealers Association Uganda Limited, dont la Simba Gold Refinery est membre, a indiqué au Groupe d’experts que ses membres appliquaient des politiques et des procédures en matière de chaîne d’approvisionnement, qu’ils procédaient à des vérifications pour connaître leurs clients et qu’ils ne pouvaient pas traiter avec des personnes figurant sur la liste noire du Gouvernement ougandais.
  32. Les « importations de minerais (à l’exclusion du pétrole) » en provenance de la République démocratique du Congo et à destination de l’Ouganda ont considérablement diminué en juillet 2021, et les exportations d’or en provenance de l’Ouganda ont cessé jusqu’en décembre 2021 après l’introduction de nouvelles taxes sur les exportations d’or par le Gouvernement du pays (voir annexe 77).

V. Sud-Kivu
A. Conflit dans les Moyens et les Hauts-Plateaux des territoires
de Mwenga, de Fizi et d’Uvira 152. Dans les Moyens et les Hauts-Plateaux des territoires de Mwenga, de Fizi et d’Uvira, des coalitions de groupes armés Maï-Maï, d’une part, et de groupes armés Twirwaneho et Gumino, d’autre part, ont continué de se livrer à des séries de représailles et de cibler les communautés adverses, tuant des civils, pillant du bétail et détruisant des biens, ce qui a encore renforcé l’ethnicisation du territoire et la radicalisation des opinions (voir S/2021/560, par. 132 et 153.

Twirwaneho

  1. À partir d’août 2021, les FARDC ont lancé des opérations contre les Twirwaneho154, parfois avec le soutien des Maï-Maï155, ce qui a considérablement affaibli le groupe, qui a perdu plusieurs positions et s’est retiré principalement aux environs de Bijabo.
    . 154. Néanmoins, à la fin de l’année 2021, les Twirwaneho ont intensifié leurs attaques contre les FARDC et ont regagné certaines positions. Au cours de ces attaques, le groupe a saisi des armes, notamment fin décembre 2021 à Kamombo, lorsqu’il a décapité et démembré un officier des FARDC, le colonel Yaoundé Kyembe Melchior, qui appartenait au 121e bataillon158
    . 155. Un certain nombre de déserteurs des FARDC ont rejoint les Twirwaneho en 2021 et 2022, le plus notable étant le colonel Joseph Mitabo160 (voir annexe 78, et S/2021/560, par. 135, et annexes 95 et 104).
  2. Plusieurs sources ont fait état de séances de propagande et de campagnes de recrutement forcé menées, entre autres, par le colonel Charles Sematama, déserteur des FARDC161. Des chefs de villages banyamulenge se sont vu demander instamment de fournir des recrues pour renforcer les effectifs des Twirwaneho. Ceux qui s’y opposaient étaient menacés et parfois tués. Au moins trois membres de la communauté Banyamulenge, dont des autorités locales autour de Minembwe, ont été tués depuis septembre 2021. Le chef du camp de déplacés internes banyamulenge à Mikenge a été enlevé en octobre 2021 163 . Ceci témoigne d’un certain climat de tensions au sein de la communauté Banyamulenge, car les Twirwaneho considéraient que les personnes tuées soutenaient les Gumino (voir S/2021/560, par. 133) ou qu’elles ne souscrivaient pas à l’opinion de la majorité, qui considère Minembwe comme une commune autonome164. Selon certaines sources, des luttes internes ont également éclaté au sein des Twirwaneho, comme l’illustre le récent départ du « colonel » Gakunzi165, qui s’est probablement rangé du côté du groupe Gumino.
  3. Les Twirwaneho a mené des attaques contre des civils, notamment dans le village de Mikenge les 14 et 15 novembre 2021, tuant au moins six civils, en l’occurrence une femme enceinte et cinq enfants 167. En représailles, les Maï-Maï ont attaqué le camp de personnes déplacées internes de Banyamulenge, situé à proximité.

Coalitions Maï-Maï

  1. Dans les Hauts-Plateaux, les groupes Maï-Maï les plus actifs sont resté les MaïMaï Yakutumba et leur Coalition nationale du peuple pour la souveraineté du Congo (CNPSC), les Forces armées « Biloze Bishambuke » (FABB) et les Forces des patriotes pour la défense du Congo (FPDC)-Mouvement de libération, communément appelés Maï-Maï Ebuela, qui se sont regroupés en 2020 pour former une coalition ad hoc.
  2. La coalition Maï-Maï a continué d’affronter les Twirwaneho et Gumino, attaquant des civils banyamulenge, notamment des éleveurs à l’occasion de vols de bétail. Au cours de la seconde moitié de 2021, les attaques Maï-Maï, menées par la CNPSC et les FABB en particulier, se sont intensifiées plus au sud, dans les Moyens- Plateaux, près de Baraka.
    En octobre 2021, la coalition Maï-Maï a notamment lancé des attaques contre plusieurs villages autour de Bibokoboko, qui était l’une des dernières zones où les communautés continuaient de coexister, tuant une trentaine de civils banyamulenge, dont des femmes et des enfants, et provoquant des déplacements massifs (voir également par. 200). La coalition Maï-Maï a également tué deux membres des FARDC appartenant à la communauté Banyamulenge, dont le major Kaminzobe, qui a été extrait d’un convoi des FARDC, lynché et brûlé en décembre 2021 près de Lweba, dans le territoire de Fizi.
  3. Ces attaques ont contribué à déclencher une nouvelle vague de représailles et à étendre la crise puisque peu de temps après, les Twirwaneho se sont également déplacés dans la zone.
  4. Depuis mars 2021, les attaques dirigées contre les villages banyamulenge ont également augmenté plus au nord, dans les Moyens et Hauts-Plateaux d’Uvira, notamment autour de Kahololo et Rurambo, des zones qui avaient jusqu’alors été relativement épargnées172. Les attaques ont été menées principalement par les FABB, les Maï-Maï Ilunga, les Maï-Maï Kashumba et les Maï-Maï Mushombe173, opérant parfois conjointement avec la Résistance pour un État de droit au Burundi (RED Tabara) (voir par. 167). En conséquence, la zone autour de Kahololo s’est presque totalement vidée de sa population174, avec moins de 100 Banyamulenge qui sont restés sous protection de la MONUSCO.
    B. Incursions en République démocratique du Congo de membres de la Force de défense nationale du Burundi et des Imbonerakure Incursions en République démocratique du Congo de membres de la Force de défense nationale du Burundi et des Imbonerakure en vue d’attaquer RED Tabara162. Des membres de la Force de défense nationale du Burundi (FDN) et des Imbonerakure ont continué de mener des incursions dans les territoires de Fizi et d’Uvira (voir S/2020/1283, par. 76 à 79), où ils ont établi une présence plus permanente et plus importante à partir de décembre 2021. La FDN et les Imbonerakure ont lancé des opérations ciblées contre RED Tabara afin de l’empêcher de mener des opérations au Burundi 175 . Depuis décembre 2021, la plupart des affrontements armés ont eu lieu dans le territoire d’Uvira, autour de Sange, où la FDN a établi des positions temporaires et des bases de transit, notamment à Kabere, Mubere et Rukobero, à l’ouest de Sange (voir annexe 79).
  5. La FDN a mené des incursions dans les plaines de Ruzizi et de part et d ’autre du lac Tanganyika, au départ de la ville côtière de Rumonge, au Burundi. La FDN et les Imbonerakure ont également été régulièrement observés en train de traverser la rivière Ruzizi en direction de Bwegera et plus au sud, vers Sange 0et ses environs, dans le territoire d’Uvira. Par exemple, dans la nuit du 2 au 3 mars 2022, des centaines de membres de la FDN et d’Imbonerakure ont traversé la rivière Ruzizi dans les environs de Rwenena. Tôt dans la matinée du 3 mars, ils ont été observés aux côtés de combattants Maï-Maï Kijangala à Kabere (voir annexe 80 concernant la liste des incursions).
  6. La FDN et les Imbonerakure ont été aidés par des groupes armés congolais qui ont fait office d’éclaireurs ou se sont joints aux attaques contre RED Tabara. Ces groupes, dont les Gumino, les FPDC, les Maï-Maï Kijangala et les Maï-Maï Buhirwa, ont reçu à plusieurs reprises un soutien matériel de la part d’officiers de la FDN dans le cadre de cette collaboration.
  7. Depuis au moins 2020, les Gumino étaient en contact
    Crimes commis contre des civils par des membres des Forces armées de la République démocratique du Congo déployées dans le territoire de Djugu pendant l’état de siège
  8. Certains membres des FARDC déployés dans le territoire de Djugu pendant l’état de siège ont commis des crimes contre des civils, notamment contre des civils lendu, que certains ont continué d’assimiler systématiquement à la CODECO, comme indiqué précédemment (voir S/2021/560, par. 113 à 120, S/2020/1283, par. 51, et S/2019/974, par. 93 à 100). Meurtres et déplacements forcés de civils lendu, pillage de villages lendu et bombardements aériens indiscriminés
  9. Pendant l’état de siège, certains membres des FARDC, y compris du 111e bataillon commando déployé à Libi et du 32062e bataillon « léopard » déployé à Bambu et à Kobu, ont déplacé de force la population civile de ces villages lendu et d’autres villages des environs. Ils ont également tué plusieurs civils 134, et détruit ou pillé des habitations civiles et des centres de santé, comme cela avait déjà été observé dans d’autres zones du territoire de Djugu (voir annexe 65, et S/2021/560, par. 116 et 118).
  10. Certains membres des FARDC ont également procédé à des bombardements aériens indiscriminés dans la zone minière aurifère à l’ouest du territoire de Djugu, notamment à Bambu, Petsi, Kobu, Mongbwalu, Nyangaray et Dhembu et aux alentours, ainsi que dans le secteur de Walendu-Pitsi, notamment à Ndr’li. Les bombardements ont endommagé des habitations civiles et des écoles, blessé des civils et aurait tué plusieurs civils.
  11. Par exemple, le 31 juillet 2021, ou aux alentours de cette date, des hélicoptères d’attaque Mi-24 des FARDC ont largué des bombes sur Bambu, dont l’une a endommagé l’école de la mission catholique, dans laquelle les FARDC avaient demandé à la population de Bambu de s’abriter quelques jours auparavant (voir annexe 66) 138. Le 15 janvier 2022, des bombes ont frappé une autre école, à Petsi, blessant au moins deux enfants.
    Le 11 janvier 2022, des hélicoptères des FARDC ont largué des roquettes C-8KO sur le village de Ndr’li et autour de celui-ci, mais n’ont pas touché le quartier général de l’URDPC/CODECO à côté, à Ndalo (voir annexe 67).
    Un officier de haut rang des FARDC a expliqué que les cibles avaient été soigneusement identifiées, même si des erreurs ou des dommages collatéraux se sont produits, notamment lorsque des combattants de la CODECO étaient à proximité de bâtiments civils. Violence sexuelle liée au conflit.
  12. Au cours de la période considérée, le nombre de viols commis par certains membres des FARDC est resté élevé sur l’ensemble du territoire de Djugu (voir S/2021/560, par. 114) 141, comme l’illustrent les cas mentionnés aux paragraphes 135 à 139 ci-après et à l’annexe 68.
  13. Certains membres des FARDC déployés pendant l’état de siège, y compris du 312e bataillon voltigeurs, sous le commandement du colonel Joseph Nganzole Olikwa, alias Tipi Ziro Ziro (voir S/2021/560, par. 35 et 97), ont violé, parfois en réunion, au moins 10 femmes142 à Lopa et dans les environs entre juin et décembre 2021143. Toutes les victimes de viol que le Groupe d’experts a rencontrées, ainsi qu’un chef local et un acteur de la société civile connaissaient d’autres femmes ou filles qui avaient été violées autour de la même période et au même endroit par des membres des FARDC, y compris du 312e bataillon voltigeurs.
  14. Par exemple, en novembre ou décembre 2021, plusieurs membres du 312e bataillon voltigeurs ont demandé de l’argent à deux des victimes interrogées par le Groupe, à un poste de contrôle situé à proximité de leur camp, à Kpadole, avant de violer en réunion l’une d’elles à l’intérieur du camp et de violer l’autre à proximité du camp, tandis que leurs maris étaient tenus en joue.
  15. Lorsque les autorités locales l’ont questionné au sujet du nombre élevé de viols depuis le déploiement des troupes dans la région, le colonel Tipi Ziro Ziro a demandé que, pour tout cas de viol, le dossier médical de la victime et l’identité complète du ou des auteurs soient fournis, bien que la plupart des victimes ne connaissent pas l’identité de la ou des personnes qui les ont violées. Le colonel Tipi Ziro Ziro a ajouté que ses soldats étaient « tentés » puisqu’ils n’étaient pas accompagnés de femmes, et que la population devait donc être prudente, mais il a tout de même abordé le sujet avec ses soldats. Deux membres des FARDC pris sur le fait auraient été arrêtés .
    Lors d’une rencontre avec le Groupe d’experts, le colonel Tipi Ziro Ziro a contesté les dates de son déploiement à Lopa et affirmé qu’il ne tolérerait aucun viol de la part de ses soldats.
  16. Certains membres des FARDC, dont des membres du 111e bataillon commando déployés pendant l’état de siège, ont violé, y compris en réunion, au moins sept femmes lendu et une jeune fille lendu de 15 ans à Libi et dans les environs entre mai et octobre 2021 . Les agresseurs ont expliqué à trois victimes qu’ils les avaient violées parce que leurs maris ou leurs frères appartenaient à des factions de la CODECO et avaient tué des membres des FARDC.
  17. Le 4 août 2021, trois membres du 111e bataillon commando ont violé une femme et commis un viol collectif sur deux autres. Ils ont tué une des femmes alors qu’elle s’enfuyait après le viol. Les FARDC ont mené des enquêtes et arrêté les auteurs dans cette affaire ainsi que dans une autre. Cependant, il n’est pas clair si des poursuites ont été engagées dans le cadre de ces affaires ou des affaires évoquées aux paragraphes 135 à 137.
  18. Les actes décrits dans la présente section sont passibles de sanctions en application des dispositions de l’alinéa e) du paragraphe 7 de la résolution 2293 (2016), reconduit par la résolution 2582 (2021). F. Présence de groupes armés Maï-Maï et de membres des Forces armées de la République démocratique du Congo dans des mines d’or du territoire de Mambasa.
  19. Le Groupe d’experts a constaté que la production d’or dans la réserve de faune à okapis et aux alentours, dans le territoire de Mambasa (voir S/2021/560, annexe 91, et S/2016/1102, par. 69 à 72), avait bénéficié à des groupes Maï-Maï et à certains membres des FARDC. L’or a été exporté en contrebande par des réseaux criminels ou, dans un cas, exporté légalement en Ouganda, au cours de l’année 2021. 142. Des groupes Maï-Maï, dont les Maï-Maï Simba, dirigés par Mangaribi (voir S/2016/466, note de bas de page 23), ont exploité de l’or et prélevé des taxes dans les mines d’or de la réserve à okapis et au sein des limites contestées de la réserv e (voir annexe 69). Depuis au moins 2017, un réseau criminel composé de membres de la 31e brigade du 311e bataillon voltigeurs des FARDC, commandé par le colonel David Mushaila Kapelo et assisté du capitaine John Chiza, a taxé des mineurs, exploité de l’or et assuré la garde des mineurs exploitant de façon semi-industrielle148 dans les sites d’exploitation minière de la zone (voir S/2021/560, annexe 91, et S/2016/1102, par. 69 à 72). On trouvera les réponses du colonel Kapelo et du capitaine Chiza à l’annexe 70.
  20. En particulier, sur le chemin menant à la mine d’or de Muchacha, dans les limites contestées de la réserve à okapis, une barrière installée à Penge et exploitée par des FARDC générait plus de 1 000 dollars par jour pour certains membres des FARDC présents sur le site (carte et informations détaillées à l’annexe 71). 144. Selon des autorités de l’État, certains membres des FARDC administraient les sites d’exploitation minière comme des « fiefs », portaient atteinte à l’intégrité physique des creuseurs et, aux côtés des éco-gardes de l’ICCN, ont expulsé de force des creuseurs artisanaux des mines d’or (voir annexe 72). Les populations locales ont cependant fait observer que des mineurs semi-industriels continuaient de travailler, tandis que les expulsions forcées favorisaient le banditisme local et étaient susceptibles d’inciter les mineurs chassés du site à se rallier à des groupes armés.
  21. Certains membres des FARDC ont également taxé des creuseurs et assuré la garde dans la concession minière appartenant à MCC Resources, dans laquelle se trouve la mine d’or de Muchacha et où, en 2021, Kimia Mining Investment Sarl, 150 une société enregistrée en République démocratique du Congo, figurait parmi les sociétés minières qui y étaient actives (voir l’annexe 73 pour la réponse de KGOR Sarl, une société holding représentant Kimia).
  22. Des mines d’or du groupement Enjewa, au sein duquel se trouve Muchacha, ont également été contrôlées par les Maï-Maï Simba, dirigés par Mangaribi, en octobre et novembre 2021. Au cours de la même période, ces derniers ont également pris le contrôle des groupements de Badumbisa et de Basiri dans la chefferie de Bombo, que les combattants Maï-Maï ont vidé de leur population afin d’y extraire de l’or (voir annexe 74).
  23. Les Maï-Maï et certains membres des FARDC présents dans les mines d’or de la zone ont régulièrement empêché les autorités étatiques d’accéder aux mines en 2021 et 2022. Par conséquent, de grandes quantités d’or produites à Muchacha et dans ses environs n’ont pas été déclarées (voir annexe 75). Cette situation a occasionné des pertes importantes151 pour l’État congolais et a compromis les efforts visant à assurer la traçabilité de l’or, conformément aux directives issues par la Conférence internationale sur la région des Grands Lacs (CIRGL) et à la législation cong olaise.
  24. Après que les autorités congolaises ont procédé à une saisie (voir annexe 76), en novembre 2021 Kimia a officiellement exporté 32 kilogrammes d’or de Muchacha vers la Simba Gold Refinery en Ouganda, en utilisant les certificats de la CIRGL (voir également par. 174). 149. Le Groupe d’experts se félicite de l’utilisation des certificats de la CIRGL pour les exportations d’or, mais constate que l’or a été produit par Kimia dans une zone où un groupe Maï-Maï prélevait des taxes et produisait de l’or, et où certains membres des FARDC se livraient illégalement à l’extraction et à la taxation de l’or.
  25. Le Groupe d’experts a demandé à la Simba Gold Refinery de lui fournir un exemplaire de son rapport sur la diligence raisonnable concernant la chaîne d’approvisionnement eu égard à l’or acheté en République démocratique du Congo en 2021. La Gold Refiners, Exporters and Dealers Association Uganda Limited, dont la Simba Gold Refinery est membre, a indiqué au Groupe d’experts que ses membres appliquaient des politiques et des procédures en matière de chaîne d’approvisionnement, qu’ils procédaient à des vérifications pour connaître leurs clients et qu’ils ne pouvaient pas traiter avec des personnes figurant sur la liste noire du Gouvernement ougandais.
  26. Les « importations de minerais (à l’exclusion du pétrole) » en provenance de la République démocratique du Congo et à destination de l’Ouganda ont considérablement diminué en juillet 2021, et les exportations d’or en provenance de l’Ouganda ont cessé jusqu’en décembre 2021 après l’introduction de nouvelles taxes sur les exportations d’or par le Gouvernement du pays (voir annexe 77).

V. Sud-Kivu
A. Conflit dans les Moyens et les Hauts-Plateaux des territoires
de Mwenga, de Fizi et d’Uvira 152. Dans les Moyens et les Hauts-Plateaux des territoires de Mwenga, de Fizi et d’Uvira, des coalitions de groupes armés Maï-Maï, d’une part, et de groupes armés Twirwaneho et Gumino, d’autre part, ont continué de se livrer à des séries de représailles et de cibler les communautés adverses, tuant des civils, pillant du bétail et détruisant des biens, ce qui a encore renforcé l’ethnicisation du territoire et la radicalisation des opinions (voir S/2021/560, par. 132 et 153.

Twirwaneho

  1. À partir d’août 2021, les FARDC ont lancé des opérations contre les Twirwaneho154, parfois avec le soutien des Maï-Maï155, ce qui a considérablement affaibli le groupe, qui a perdu plusieurs positions et s’est retiré principalement aux environs de Bijabo.
    . 154. Néanmoins, à la fin de l’année 2021, les Twirwaneho ont intensifié leurs attaques contre les FARDC et ont regagné certaines positions. Au cours de ces attaques, le groupe a saisi des armes, notamment fin décembre 2021 à Kamombo, lorsqu’il a décapité et démembré un officier des FARDC, le colonel Yaoundé Kyembe Melchior, qui appartenait au 121e bataillon158
    . 155. Un certain nombre de déserteurs des FARDC ont rejoint les Twirwaneho en 2021 et 2022, le plus notable étant le colonel Joseph Mitabo160 (voir annexe 78, et S/2021/560, par. 135, et annexes 95 et 104).
  2. Plusieurs sources ont fait état de séances de propagande et de campagnes de recrutement forcé menées, entre autres, par le colonel Charles Sematama, déserteur des FARDC161. Des chefs de villages banyamulenge se sont vu demander instamment de fournir des recrues pour renforcer les effectifs des Twirwaneho. Ceux qui s’y opposaient étaient menacés et parfois tués. Au moins trois membres de la communauté Banyamulenge, dont des autorités locales autour de Minembwe, ont été tués depuis septembre 2021. Le chef du camp de déplacés internes banyamulenge à Mikenge a été enlevé en octobre 2021 163 . Ceci témoigne d’un certain climat de tensions au sein de la communauté Banyamulenge, car les Twirwaneho considéraient que les personnes tuées soutenaient les Gumino (voir S/2021/560, par. 133) ou qu’elles ne souscrivaient pas à l’opinion de la majorité, qui considère Minembwe comme une commune autonome164. Selon certaines sources, des luttes internes ont également éclaté au sein des Twirwaneho, comme l’illustre le récent départ du « colonel » Gakunzi165, qui s’est probablement rangé du côté du groupe Gumino.
  3. Les Twirwaneho a mené des attaques contre des civils, notamment dans le village de Mikenge les 14 et 15 novembre 2021, tuant au moins six civils, en l’occurrence une femme enceinte et cinq enfants 167. En représailles, les Maï-Maï ont attaqué le camp de personnes déplacées internes de Banyamulenge, situé à proximité.

Coalitions Maï-Maï

  1. Dans les Hauts-Plateaux, les groupes Maï-Maï les plus actifs sont resté les MaïMaï Yakutumba et leur Coalition nationale du peuple pour la souveraineté du Congo (CNPSC), les Forces armées « Biloze Bishambuke » (FABB) et les Forces des patriotes pour la défense du Congo (FPDC)-Mouvement de libération, communément appelés Maï-Maï Ebuela, qui se sont regroupés en 2020 pour former une coalition ad hoc.
  2. La coalition Maï-Maï a continué d’affronter les Twirwaneho et Gumino, attaquant des civils banyamulenge, notamment des éleveurs à l’occasion de vols de bétail. Au cours de la seconde moitié de 2021, les attaques Maï-Maï, menées par la CNPSC et les FABB en particulier, se sont intensifiées plus au sud, dans les Moyens- Plateaux, près de Baraka.
    En octobre 2021, la coalition Maï-Maï a notamment lancé des attaques contre plusieurs villages autour de Bibokoboko, qui était l’une des dernières zones où les communautés continuaient de coexister, tuant une trentaine de civils banyamulenge, dont des femmes et des enfants, et provoquant des déplacements massifs (voir également par. 200). La coalition Maï-Maï a également tué deux membres des FARDC appartenant à la communauté Banyamulenge, dont le major Kaminzobe, qui a été extrait d’un convoi des FARDC, lynché et brûlé en décembre 2021 près de Lweba, dans le territoire de Fizi.
  3. Ces attaques ont contribué à déclencher une nouvelle vague de représailles et à étendre la crise puisque peu de temps après, les Twirwaneho se sont également déplacés dans la zone.
  4. Depuis mars 2021, les attaques dirigées contre les villages banyamulenge ont également augmenté plus au nord, dans les Moyens et Hauts-Plateaux d’Uvira, notamment autour de Kahololo et Rurambo, des zones qui avaient jusqu’alors été relativement épargnées172. Les attaques ont été menées principalement par les FABB, les Maï-Maï Ilunga, les Maï-Maï Kashumba et les Maï-Maï Mushombe173, opérant parfois conjointement avec la Résistance pour un État de droit au Burundi (RED Tabara) (voir par. 167). En conséquence, la zone autour de Kahololo s’est presque totalement vidée de sa population174, avec moins de 100 Banyamulenge qui sont restés sous protection de la MONUSCO.
    B. Incursions en République démocratique du Congo de membres de la Force de défense nationale du Burundi et des Imbonerakure Incursions en République démocratique du Congo de membres de la Force de défense nationale du Burundi et des Imbonerakure en vue d’attaquer RED Tabara162. Des membres de la Force de défense nationale du Burundi (FDN) et des Imbonerakure ont continué de mener des incursions dans les territoires de Fizi et d’Uvira (voir S/2020/1283, par. 76 à 79), où ils ont établi une présence plus permanente et plus importante à partir de décembre 2021. La FDN et les Imbonerakure ont lancé des opérations ciblées contre RED Tabara afin de l’empêcher de mener des opérations au Burundi 175 . Depuis décembre 2021, la plupart des affrontements armés ont eu lieu dans le territoire d’Uvira, autour de Sange, où la FDN a établi des positions temporaires et des bases de transit, notamment à Kabere, Mubere et Rukobero, à l’ouest de Sange (voir annexe 79).
  5. La FDN a mené des incursions dans les plaines de Ruzizi et de part et d ’autre du lac Tanganyika, au départ de la ville côtière de Rumonge, au Burundi. La FDN et les Imbonerakure ont également été régulièrement observés en train de traverser la rivière Ruzizi en direction de Bwegera et plus au sud, vers Sange 0et ses environs, dans le territoire d’Uvira. Par exemple, dans la nuit du 2 au 3 mars 2022, des centaines de membres de la FDN et d’Imbonerakure ont traversé la rivière Ruzizi dans les environs de Rwenena. Tôt dans la matinée du 3 mars, ils ont été observés aux côtés de combattants Maï-Maï Kijangala à Kabere (voir annexe 80 concernant la liste des incursions).
  6. La FDN et les Imbonerakure ont été aidés par des groupes armés congolais qui ont fait office d’éclaireurs ou se sont joints aux attaques contre RED Tabara. Ces groupes, dont les Gumino, les FPDC, les Maï-Maï Kijangala et les Maï-Maï Buhirwa, ont reçu à plusieurs reprises un soutien matériel de la part d’officiers de la FDN dans le cadre de cette collaboration.
  7. Depuis au moins 2020, les Gumino étaient en contact avec certains officiels burundais pour préparer des opérations179. Un commandant des FPDC a signalé, et d’autres sources ont confirmé180, que les FPDC étaient présentes à Bujumbura en 2020 pour participer à plusieurs réunions de coordination, au cours desquelles il a été demandé aux FPDC leur soutien pour neutraliser RED Tabara. Au début de l’année 2021, les FPDC, les Gumino et la FDN ont mené des opérations conjointes en République démocratique du Congo 181 . Si les FPDC ont rapidement cessé de collaborer, le Groupe d’experts a établi qu’au moment de la rédaction du présent rapport, les Gumino menaient toujours des opérations conjointes avec la FDN et les Imbonerakure.
  8. Les Maï-Maï Kijangala et les Maï-Maï Buhirwa ont principalement été utilisés comme éclaireurs pour aider la FDN et les Imbonerakure à entrer et à s’orienter dans la zone. Les Maï-Maï Kijangala ont également participé occasionnellement aux opérations contre RED Tabara. Le général de la FDN Marius Ngendabanka et le colonel Niyonzima, alias Kazungu (voir S/2015/19, par. 89, et note de bas de page 20), étaient les principaux points de contact des Gumino et des Maï-Maï Kijangala 184 . Plusieurs sources ont rapporté que depuis mars 2022, les Maï-Maï Kashumba et les Maï-Maï Mushombe ont changé de camp et ont commencé à collaborer avec la FDN et les Imbonerakure.
  9. Au moment de la rédaction du présent rapport, RED Tabara, qui opérait également aux côtés de groupes Maï-Maï lorsqu’elle affrontait la FDN, les Imbonerakure et leurs alliés, avait été repoussée vers le territoire de Mwenga et Kipupu, dans la province du Maniema, où RED Tabara tentait de se réorganiser (voir annexe 81).
  10. Au moment de la rédaction du présent rapport, le Gouvernement de la République démocratique du Congo n’avait pas communiqué officiellement ni réagi sur les mouvements et opérations transfrontaliers de la FDN et des Imbonerakure (voir également par. 19 et 22). Des officiers des FARDC se sont toutefois plaints de l’absence de notification officielle ou d’instructions claires émanant de leur hiérarchie concernant la présence de la FDN dans leur zone d’opérations186. Le Gouvernement du Burundi, en réponse à une lettre du Groupe d’experts, a rejeté les allégations faisant état de la présence d’Imbonerakure et de la FDN sur le sol congolais, et a souligné que cette dernière défendait plutôt l’intégrité territoriale, l’indépendance et la souveraineté du Burundi strictement à l’intérieur des frontières du pays. Le Groupe d’experts a contacté les deux gouvernements et a fait observer, entre autres, que ces incursions non notifiées constituaient une violation du régime de sanctions prévu au paragraphe 1 de la résolution 1807 (2008) du Conseil de sécurité, tel que reconduit au paragraphe 1 de la résolution 2293 (2016) et au paragraphe 1 de la résolution 2582 (2021).
    C. Soutien local et international aux groupes armés opérant dans les Moyens et Hauts-Plateaux des territoires de Mwenga, de Fizi et d’Uvira. En 2020 et 2021, des membres de la coalition Maï-Maï, notamment les FABB, les Maï-Maï Ebuela et les Maï-Maï Yakutumba, ainsi que les Twirwaneho et Gumino, ont reçu un soutien financier substantiel pour leurs opérations provenant de l’extérieur de la République démocratique du Congo. Certains ont également bénéficié d’un soutien local bien structuré provenant de leurs communautés au sein du pays (voir annexe 82).
    D. Implication des groupes armés dans l’exploitation de l’or. Dans le territoire de Fizi et pendant la période considérée, les Maï-Maï Yakutumba et les membres de la CNPSC (voir par. 158 et S/2021/560, par. 139) ont travaillé aux côtés de réseaux criminels de négociants non déclarés et ont tiré profit de l’exploitation, du commerce et de la taxation illicites de l’or.
  11. Les Maï-Maï Yakutumba contrôlaient les mines d’or de Makungu, Kuwa et Mitondo situées autour de la ville de Misisi (voir S/2021/560, par. 165). En décembre 2021, le groupe armé a forcé les autorités gouvernementales à quitter la mine de Mitondo et a nommé une administration parallèle pour gouverner la mine. Les combattants des Maï-Maï Yakutumba y ont exploité les mines et prélevé une taxe hebdomadaire sur les 120 à 150 creuseurs du site, qui produisaient chacun entre 1 et 2 grammes d’or par semaine.
  12. Les Maï-Maï Yakutumba avaient en outre la mainmise sur l’activité d’autres mines autour de Mitondo, des membres de la CNPSC contrôlant les routes qui menaient aux sites miniers des Hauts-Plateaux, notamment celle reliant à Misisi à Uvira. Ils contrôlaient également de vastes tronçons de la route allant de Misisi à Baraka (voir par. 159), qui était utilisée par des contrebandiers travaillant à leurs côtés pour transporter l’or depuis les mines de Misisi et ses environs (voir S/2021/560, par. 165 et annexe 121).
  13. Par ailleurs, les trois coopératives minières actives de Misisi qui s’approvisionnaient auprès des mines contrôlées par les Maï-Maï Yakutumba et leurs alliés, ont continué de transporter de l’or semi-transformé de Misisi à Baraka, puis à Uvira et enfin à Bukavu (voir S/2021/560, par. 169) sans toutefois le déclarer aux autorités. Il s’agissait de la Coopérative minière de traitement des déchets (COMITRAID), de la Coopérative minière de Kimbi (COOMIKI) et de la Coopérative d’exploitation minière et de recyclage des régions aurifères (CEMIRERA).
  14. À son arrivée à Uvira et Baraka, une partie de l’or passé en contrebande intégrait les chaînes d’approvisionnement légales. Cela se faisait de deux façons : soit au moyen de déclarations officielles au Service d’assistance et d’encadrement de l’exploitation minière artisanale et à petite échelle (SAEMAPE) 189, c’est-à-dire par l’obtention d’un bordereau légal d’achat d’or (voir annexe 83), soit via une vente directe par des contrebandiers190 à des comptoirs d’achat d’or enregistrés à Baraka, à Uvira et à Bukavu, ces derniers pouvant exporter l’or légalement en utilisant des certificats de la CIRGL (voir S/2021/560, par. 166 à 168).
  15. Bien que les mines de Misisi et de ses environs aient produit entre 55 et 60 kilogrammes d’or par an191, la majorité de l’or a été sortie en contrebande de la République démocratique du Congo, notamment via Bujumbura et Kigoma, en République-Unie de Tanzanie.
  16. Compte tenu de cette situation, en août 2021, le SAEMAPE a procédé à une analyse des risques liés au secteur minier à Fizi, et a constaté que les groupes armés, les réseaux criminels et les FARDC étaient largement impliqués dans le secteur. Il a également observé que des enfants étaient présents sur les sites 0miniers et que des femmes exploitaient des mines alors qu’elles étaient enceintes (voir annexe 84). Dans le cadre des réformes entreprises à l’issue de l’analyse, le SAE0MAPE a lancé, en novembre 2021, un nouveau système de tenue de registres dans les coopératives minières de Misisi. Néanmoins, seuls 5,1 kilogrammes d’or y ont été déclarés entre novembre 2021 et avril 2022, puisque la majeure partie de l’or continuait d’être passée en contrebande.
  17. En 2021, les exportations officielles d’or pour l’ensemble du Sud-Kivu n’ont pas dépassé les 30,23 kilogrammes, qui ont été exportés vers des entreprises au Burundi, au Rwanda et aux Émirats arabes unis (voir annexe 85).
  18. Compte tenu des problèmes liés à la chaîne d’approvisionnement, le Groupe d’experts est d’avis que la Congo Gold Raffinerie (voir S/2021/560, annexe 125, et S/2020/482, par. 89), qui a prévu d’ouvrir en 2022 et d’acheter de l’or dans le SudKivu, doit procéder à une vérification préalable rigoureuse de la chaîne d’approvisionnement pour s’assurer qu’elle n’achète, ne raffine ni ne commercialise de l’or qui finance des groupes armés ou des réseaux criminels opérant au Sud-Kivu.
    La Congo Gold Raffinerie a informé le Groupe d’experts qu’elle ne s’approvisionnerait qu’auprès de mines d’or dites « vertes »
    193, dont le nombre était inférieur à 30 dans le Sud-Kivu au moment de la rédaction du présent rapport (voir annexe 86).
  19. Dragline Sarl est une nouvelle joint-venture qui réunit SAKIMA SA (enregistrée en République démocratique du Congo) et Dither Limited (enregistrée au Rwanda).
    Dragline a été créée et enregistrée en République démocratique du Congo le 12 novembre 2021. Dragline s’est engagée à mettre en place une raffinerie consacrée aux « métaux nobles », qui pourrait contribuer à établir des chaînes d’approvisionnement en or plus transparentes. Le Groupe d’experts a contacté SAKIMA SA et Macefield Ventures Limited, l’unique actionnaire de Dither Limited, pour leur demander des informations concernant la diligence raisonnable prévue par Dragline en matière de chaîne d’approvisionnement et l’utilisation des certificats de la CIRGL. Toutefois, Macefield a répondu que le projet avait été suspendu parce que le Gouvernement de la République démocratique du Congo était revenu sur sa décision et avait récupéré les concessions minières que la joint-venture envisageait d’exploiter (voir annexe 87).

VI. Tanganyika
A. Or
Les Maï-Maï Apa Na Pale et leurs alliés, notamment Perci Moto Moto, les MaïMaï Kabeke, le Mouvement 42, les Maï-Maï Kisanola, les Maï-Maï Cœur de lion et les Maï-Maï Fimbo na Fimbo contrôlaient au moins six mines d’or dans le territoire de Nyunzu et au moins six autres dans le territoire de Kalemie (voir annexe 88), comme indiqué précédemment (voir S/2021/560, par. 156 à 158).

  1. La présence de groupes Maï-Maï et de réseaux criminels, notamment de contrebandiers travaillant avec des groupes armés 196, a empêché les autorités minières congolaises de surveiller la chaîne d’approvisionnement depuis janvier 2019.
    Les groupes armés vendaient de l’or à des revendeurs informels de Kalemie par l’intermédiaire de contrebandiers.
  2. À la fin de 2021, le contrôle des sites miniers par des groupes armés et la perte de leurs marchés par les comptoirs d’achat au profit des contrebandiers ont contribué à la fermeture de tous les comptoirs d’achat à Kalemie, sauf un, enregistré en
    République démocratique du Congo, à savoir Densahal Sarl.
  3. La dernière exportation officielle d’or en provenance de la province du Tanganyika remonte à janvier 2021, lorsque Densahal a exporté 1 099,600 grammes d’or d’une valeur de 64 341 dollars à destination d’AU Jewellery LLC à Doubaï (Émirats arabes unis) (voir annexe 89). Cependant, les registres du SAEMAPE indiquaient que la production officielle d’or sur le territoire de Kalemie se chiffrait à 3 016,2 grammes pour 2019 et qu’elle était nulle en 2020 et 2021 (voir annexe 90).
  4. Densahal a confirmé que l’or exporté, extrait en décembre 2020 du secteur de Maibaridi (territoire de Kalemie) était son unique exportation destinée à AU Jewellery (voir annexe 91). Bien qu’à cette époque, Maibaridi ait été un site agréé, les Maï-Maï Apa Na Pale y taxaient des mineurs artisanaux depuis septembre 2020201. En outre, dans le formulaire de déclaration officiel qu’elle a rempli concernant l’origine et la vente de l’or, Densahal a omis d’indiquer le nom et l’emplacement du site minier.
    L’entreprise a déclaré que son rapport visant à rendre compte de son devoir de diligence raisonnable pour l’année 2021 Crimes commis contre des civils par des membres des Forces armées de la République démocratique du Congo déployées dans le territoire de Djugu pendant l’état de siège
  5. Certains membres des FARDC déployés dans le territoire de Djugu pendant l’état de siège ont commis des crimes contre des civils, notamment contre des civils lendu, que certains ont continué d’assimiler systématiquement à la CODECO, comme indiqué précédemment (voir S/2021/560, par. 113 à 120, S/2020/1283, par. 51, et S/2019/974, par. 93 à 100). Meurtres et déplacements forcés de civils lendu, pillage de villages lendu et bombardements aériens indiscriminés
  6. Pendant l’état de siège, certains membres des FARDC, y compris du 111e bataillon commando déployé à Libi et du 32062e bataillon « léopard » déployé à Bambu et à Kobu, ont déplacé de force la population civile de ces villages lendu et d’autres villages des environs. Ils ont également tué plusieurs civils 134, et détruit ou pillé des habitations civiles et des centres de santé, comme cela avait déjà été observé dans d’autres zones du territoire de Djugu (voir annexe 65, et S/2021/560, par. 116 et 118).
  7. Certains membres des FARDC ont également procédé à des bombardements aériens indiscriminés dans la zone minière aurifère à l’ouest du territoire de Djugu, notamment à Bambu, Petsi, Kobu, Mongbwalu, Nyangaray et Dhembu et aux alentours, ainsi que dans le secteur de Walendu-Pitsi, notamment à Ndr’li. Les bombardements ont endommagé des habitations civiles et des écoles, blessé des civils et aurait tué plusieurs civils.
  8. Par exemple, le 31 juillet 2021, ou aux alentours de cette date, des hélicoptères d’attaque Mi-24 des FARDC ont largué des bombes sur Bambu, dont l’une a endommagé l’école de la mission catholique, dans laquelle les FARDC avaient demandé à la population de Bambu de s’abriter quelques jours auparavant (voir annexe 66) 138. Le 15 janvier 2022, des bombes ont frappé une autre école, à Petsi, blessant au moins deux enfants.
    Le 11 janvier 2022, des hélicoptères des FARDC ont largué des roquettes C-8KO sur le village de Ndr’li et autour de celui-ci, mais n’ont pas touché le quartier général de l’URDPC/CODECO à côté, à Ndalo (voir annexe 67).
    Un officier de haut rang des FARDC a expliqué que les cibles avaient été soigneusement identifiées, même si des erreurs ou des dommages collatéraux se sont produits, notamment lorsque des combattants de la CODECO étaient à proximité de bâtiments civils. Violence sexuelle liée au conflit.
  9. Au cours de la période considérée, le nombre de viols commis par certains membres des FARDC est resté élevé sur l’ensemble du territoire de Djugu (voir S/2021/560, par. 114) 141, comme l’illustrent les cas mentionnés aux paragraphes 135 à 139 ci-après et à l’annexe 68.
  10. Certains membres des FARDC déployés pendant l’état de siège, y compris du 312e bataillon voltigeurs, sous le commandement du colonel Joseph Nganzole Olikwa, alias Tipi Ziro Ziro (voir S/2021/560, par. 35 et 97), ont violé, parfois en réunion, au moins 10 femmes142 à Lopa et dans les environs entre juin et décembre 2021143. Toutes les victimes de viol que le Groupe d’experts a rencontrées, ainsi qu’un chef local et un acteur de la société civile connaissaient d’autres femmes ou filles qui avaient été violées autour de la même période et au même endroit par des membres des FARDC, y compris du 312e bataillon voltigeurs.
  11. Par exemple, en novembre ou décembre 2021, plusieurs membres du 312e bataillon voltigeurs ont demandé de l’argent à deux des victimes interrogées par le Groupe, à un poste de contrôle situé à proximité de leur camp, à Kpadole, avant de violer en réunion l’une d’elles à l’intérieur du camp et de violer l’autre à proximité du camp, tandis que leurs maris étaient tenus en joue.
  12. Lorsque les autorités locales l’ont questionné au sujet du nombre élevé de viols depuis le déploiement des troupes dans la région, le colonel Tipi Ziro Ziro a demandé que, pour tout cas de viol, le dossier médical de la victime et l’identité complète du ou des auteurs soient fournis, bien que la plupart des victimes ne connaissent pas l’identité de la ou des personnes qui les ont violées. Le colonel Tipi Ziro Ziro a ajouté que ses soldats étaient « tentés » puisqu’ils n’étaient pas accompagnés de femmes, et que la population devait donc être prudente, mais il a tout de même abordé le sujet avec ses soldats. Deux membres des FARDC pris sur le fait auraient été arrêtés .
    Lors d’une rencontre avec le Groupe d’experts, le colonel Tipi Ziro Ziro a contesté les dates de son déploiement à Lopa et affirmé qu’il ne tolérerait aucun viol de la part de ses soldats.
  13. Certains membres des FARDC, dont des membres du 111e bataillon commando déployés pendant l’état de siège, ont violé, y compris en réunion, au moins sept femmes lendu et une jeune fille lendu de 15 ans à Libi et dans les environs entre mai et octobre 2021 . Les agresseurs ont expliqué à trois victimes qu’ils les avaient violées parce que leurs maris ou leurs frères appartenaient à des factions de la CODECO et avaient tué des membres des FARDC.
  14. Le 4 août 2021, trois membres du 111e bataillon commando ont violé une femme et commis un viol collectif sur deux autres. Ils ont tué une des femmes alors qu’elle s’enfuyait après le viol. Les FARDC ont mené des enquêtes et arrêté les auteurs dans cette affaire ainsi que dans une autre. Cependant, il n’est pas clair si des poursuites ont été engagées dans le cadre de ces affaires ou des affaires évoquées aux paragraphes 135 à 137.
  15. Les actes décrits dans la présente section sont passibles de sanctions en application des dispositions de l’alinéa e) du paragraphe 7 de la résolution 2293 (2016), reconduit par la résolution 2582 (2021). F. Présence de groupes armés Maï-Maï et de membres des Forces armées de la République démocratique du Congo dans des mines d’or du territoire de Mambasa.
  16. Le Groupe d’experts a constaté que la production d’or dans la réserve de faune à okapis et aux alentours, dans le territoire de Mambasa (voir S/2021/560, annexe 91, et S/2016/1102, par. 69 à 72), avait bénéficié à des groupes Maï-Maï et à certains membres des FARDC. L’or a été exporté en contrebande par des réseaux criminels ou, dans un cas, exporté légalement en Ouganda, au cours de l’année 2021. 142. Des groupes Maï-Maï, dont les Maï-Maï Simba, dirigés par Mangaribi (voir S/2016/466, note de bas de page 23), ont exploité de l’or et prélevé des taxes dans les mines d’or de la réserve à okapis et au sein des limites contestées de la réserv e (voir annexe 69). Depuis au moins 2017, un réseau criminel composé de membres de la 31e brigade du 311e bataillon voltigeurs des FARDC, commandé par le colonel David Mushaila Kapelo et assisté du capitaine John Chiza, a taxé des mineurs, exploité de l’or et assuré la garde des mineurs exploitant de façon semi-industrielle148 dans les sites d’exploitation minière de la zone (voir S/2021/560, annexe 91, et S/2016/1102, par. 69 à 72). On trouvera les réponses du colonel Kapelo et du capitaine Chiza à l’annexe 70.
  17. En particulier, sur le chemin menant à la mine d’or de Muchacha, dans les limites contestées de la réserve à okapis, une barrière installée à Penge et exploitée par des FARDC générait plus de 1 000 dollars par jour pour certains membres des FARDC présents sur le site (carte et informations détaillées à l’annexe 71). 144. Selon des autorités de l’État, certains membres des FARDC administraient les sites d’exploitation minière comme des « fiefs », portaient atteinte à l’intégrité physique des creuseurs et, aux côtés des éco-gardes de l’ICCN, ont expulsé de force des creuseurs artisanaux des mines d’or (voir annexe 72). Les populations locales ont cependant fait observer que des mineurs semi-industriels continuaient de travailler, tandis que les expulsions forcées favorisaient le banditisme local et étaient susceptibles d’inciter les mineurs chassés du site à se rallier à des groupes armés.
  18. Certains membres des FARDC ont également taxé des creuseurs et assuré la garde dans la concession minière appartenant à MCC Resources, dans laquelle se trouve la mine d’or de Muchacha et où, en 2021, Kimia Mining Investment Sarl, 150 une société enregistrée en République démocratique du Congo, figurait parmi les sociétés minières qui y étaient actives (voir l’annexe 73 pour la réponse de KGOR Sarl, une société holding représentant Kimia).
  19. Des mines d’or du groupement Enjewa, au sein duquel se trouve Muchacha, ont également été contrôlées par les Maï-Maï Simba, dirigés par Mangaribi, en octobre et novembre 2021. Au cours de la même période, ces derniers ont également pris le contrôle des groupements de Badumbisa et de Basiri dans la chefferie de Bombo, que les combattants Maï-Maï ont vidé de leur population afin d’y extraire de l’or (voir annexe 74).
  20. Les Maï-Maï et certains membres des FARDC présents dans les mines d’or de la zone ont régulièrement empêché les autorités étatiques d’accéder aux mines en 2021 et 2022. Par conséquent, de grandes quantités d’or produites à Muchacha et dans ses environs n’ont pas été déclarées (voir annexe 75). Cette situation a occasionné des pertes importantes151 pour l’État congolais et a compromis les efforts visant à assurer la traçabilité de l’or, conformément aux directives issues par la Conférence internationale sur la région des Grands Lacs (CIRGL) et à la législation cong olaise.
  21. Après que les autorités congolaises ont procédé à une saisie (voir annexe 76), en novembre 2021 Kimia a officiellement exporté 32 kilogrammes d’or de Muchacha vers la Simba Gold Refinery en Ouganda, en utilisant les certificats de la CIRGL (voir également par. 174). 149. Le Groupe d’experts se félicite de l’utilisation des certificats de la CIRGL pour les exportations d’or, mais constate que l’or a été produit par Kimia dans une zone où un groupe Maï-Maï prélevait des taxes et produisait de l’or, et où certains membres des FARDC se livraient illégalement à l’extraction et à la taxation de l’or.
  22. Le Groupe d’experts a demandé à la Simba Gold Refinery de lui fournir un exemplaire de son rapport sur la diligence raisonnable concernant la chaîne d’approvisionnement eu égard à l’or acheté en République démocratique du Congo en 2021. La Gold Refiners, Exporters and Dealers Association Uganda Limited, dont la Simba Gold Refinery est membre, a indiqué au Groupe d’experts que ses membres appliquaient des politiques et des procédures en matière de chaîne d’approvisionnement, qu’ils procédaient à des vérifications pour connaître leurs clients et qu’ils ne pouvaient pas traiter avec des personnes figurant sur la liste noire du Gouvernement ougandais.
  23. Les « importations de minerais (à l’exclusion du pétrole) » en provenance de la République démocratique du Congo et à destination de l’Ouganda ont considérablement diminué en juillet 2021, et les exportations d’or en provenance de l’Ouganda ont cessé jusqu’en décembre 2021 après l’introduction de nouvelles taxes sur les exportations d’or par le Gouvernement du pays (voir annexe 77).

V. Sud-Kivu
A. Conflit dans les Moyens et les Hauts-Plateaux des territoires
de Mwenga, de Fizi et d’Uvira 152. Dans les Moyens et les Hauts-Plateaux des territoires de Mwenga, de Fizi et d’Uvira, des coalitions de groupes armés Maï-Maï, d’une part, et de groupes armés Twirwaneho et Gumino, d’autre part, ont continué de se livrer à des séries de représailles et de cibler les communautés adverses, tuant des civils, pillant du bétail et détruisant des biens, ce qui a encore renforcé l’ethnicisation du territoire et la radicalisation des opinions (voir S/2021/560, par. 132 et 153.

Twirwaneho

  1. À partir d’août 2021, les FARDC ont lancé des opérations contre les Twirwaneho154, parfois avec le soutien des Maï-Maï155, ce qui a considérablement affaibli le groupe, qui a perdu plusieurs positions et s’est retiré principalement aux environs de Bijabo.
    . 154. Néanmoins, à la fin de l’année 2021, les Twirwaneho ont intensifié leurs attaques contre les FARDC et ont regagné certaines positions. Au cours de ces attaques, le groupe a saisi des armes, notamment fin décembre 2021 à Kamombo, lorsqu’il a décapité et démembré un officier des FARDC, le colonel Yaoundé Kyembe Melchior, qui appartenait au 121e bataillon158
    . 155. Un certain nombre de déserteurs des FARDC ont rejoint les Twirwaneho en 2021 et 2022, le plus notable étant le colonel Joseph Mitabo160 (voir annexe 78, et S/2021/560, par. 135, et annexes 95 et 104).
  2. Plusieurs sources ont fait état de séances de propagande et de campagnes de recrutement forcé menées, entre autres, par le colonel Charles Sematama, déserteur des FARDC161. Des chefs de villages banyamulenge se sont vu demander instamment de fournir des recrues pour renforcer les effectifs des Twirwaneho. Ceux qui s’y opposaient étaient menacés et parfois tués. Au moins trois membres de la communauté Banyamulenge, dont des autorités locales autour de Minembwe, ont été tués depuis septembre 2021. Le chef du camp de déplacés internes banyamulenge à Mikenge a été enlevé en octobre 2021 163 . Ceci témoigne d’un certain climat de tensions au sein de la communauté Banyamulenge, car les Twirwaneho considéraient que les personnes tuées soutenaient les Gumino (voir S/2021/560, par. 133) ou qu’elles ne souscrivaient pas à l’opinion de la majorité, qui considère Minembwe comme une commune autonome164. Selon certaines sources, des luttes internes ont également éclaté au sein des Twirwaneho, comme l’illustre le récent départ du « colonel » Gakunzi165, qui s’est probablement rangé du côté du groupe Gumino.
  3. Les Twirwaneho a mené des attaques contre des civils, notamment dans le village de Mikenge les 14 et 15 novembre 2021, tuant au moins six civils, en l’occurrence une femme enceinte et cinq enfants 167. En représailles, les Maï-Maï ont attaqué le camp de personnes déplacées internes de Banyamulenge, situé à proximité.

Coalitions Maï-Maï

  1. Dans les Hauts-Plateaux, les groupes Maï-Maï les plus actifs sont resté les MaïMaï Yakutumba et leur Coalition nationale du peuple pour la souveraineté du Congo (CNPSC), les Forces armées « Biloze Bishambuke » (FABB) et les Forces des patriotes pour la défense du Congo (FPDC)-Mouvement de libération, communément appelés Maï-Maï Ebuela, qui se sont regroupés en 2020 pour former une coalition ad hoc.
  2. La coalition Maï-Maï a continué d’affronter les Twirwaneho et Gumino, attaquant des civils banyamulenge, notamment des éleveurs à l’occasion de vols de bétail. Au cours de la seconde moitié de 2021, les attaques Maï-Maï, menées par la CNPSC et les FABB en particulier, se sont intensifiées plus au sud, dans les Moyens- Plateaux, près de Baraka.
    En octobre 2021, la coalition Maï-Maï a notamment lancé des attaques contre plusieurs villages autour de Bibokoboko, qui était l’une des dernières zones où les communautés continuaient de coexister, tuant une trentaine de civils banyamulenge, dont des femmes et des enfants, et provoquant des déplacements massifs (voir également par. 200). La coalition Maï-Maï a également tué deux membres des FARDC appartenant à la communauté Banyamulenge, dont le major Kaminzobe, qui a été extrait d’un convoi des FARDC, lynché et brûlé en décembre 2021 près de Lweba, dans le territoire de Fizi.
  3. Ces attaques ont contribué à déclencher une nouvelle vague de représailles et à étendre la crise puisque peu de temps après, les Twirwaneho se sont également déplacés dans la zone.
  4. Depuis mars 2021, les attaques dirigées contre les villages banyamulenge ont également augmenté plus au nord, dans les Moyens et Hauts-Plateaux d’Uvira, notamment autour de Kahololo et Rurambo, des zones qui avaient jusqu’alors été relativement épargnées172. Les attaques ont été menées principalement par les FABB, les Maï-Maï Ilunga, les Maï-Maï Kashumba et les Maï-Maï Mushombe173, opérant parfois conjointement avec la Résistance pour un État de droit au Burundi (RED Tabara) (voir par. 167). En conséquence, la zone autour de Kahololo s’est presque totalement vidée de sa population174, avec moins de 100 Banyamulenge qui sont restés sous protection de la MONUSCO.
    B. Incursions en République démocratique du Congo de membres de la Force de défense nationale du Burundi et des Imbonerakure Incursions en République démocratique du Congo de membres de la Force de défense nationale du Burundi et des Imbonerakure en vue d’attaquer RED Tabara162. Des membres de la Force de défense nationale du Burundi (FDN) et des Imbonerakure ont continué de mener des incursions dans les territoires de Fizi et d’Uvira (voir S/2020/1283, par. 76 à 79), où ils ont établi une présence plus permanente et plus importante à partir de décembre 2021. La FDN et les Imbonerakure ont lancé des opérations ciblées contre RED Tabara afin de l’empêcher de mener des opérations au Burundi 175 . Depuis décembre 2021, la plupart des affrontements armés ont eu lieu dans le territoire d’Uvira, autour de Sange, où la FDN a établi des positions temporaires et des bases de transit, notamment à Kabere, Mubere et Rukobero, à l’ouest de Sange (voir annexe 79).
  5. La FDN a mené des incursions dans les plaines de Ruzizi et de part et d ’autre du lac Tanganyika, au départ de la ville côtière de Rumonge, au Burundi. La FDN et les Imbonerakure ont également été régulièrement observés en train de traverser la rivière Ruzizi en direction de Bwegera et plus au sud, vers Sange 0et ses environs, dans le territoire d’Uvira. Par exemple, dans la nuit du 2 au 3 mars 2022, des centaines de membres de la FDN et d’Imbonerakure ont traversé la rivière Ruzizi dans les environs de Rwenena. Tôt dans la matinée du 3 mars, ils ont été observés aux côtés de combattants Maï-Maï Kijangala à Kabere (voir annexe 80 concernant la liste des incursions).
  6. La FDN et les Imbonerakure ont été aidés par des groupes armés congolais qui ont fait office d’éclaireurs ou se sont joints aux attaques contre RED Tabara. Ces groupes, dont les Gumino, les FPDC, les Maï-Maï Kijangala et les Maï-Maï Buhirwa, ont reçu à plusieurs reprises un soutien matériel de la part d’officiers de la FDN dans le cadre de cette collaboration.
  7. Depuis au moins 2020, les Gumino étaient en contact avec certains officiels burundais pour préparer des opérations179. Un commandant des FPDC a signalé, et d’autres sources ont confirmé180, que les FPDC étaient présentes à Bujumbura en 2020 pour participer à plusieurs réunions de coordination, au cours desquelles il a été demandé aux FPDC leur soutien pour neutraliser RED Tabara. Au début de l’année 2021, les FPDC, les Gumino et la FDN ont mené des opérations conjointes en République démocratique du Congo 181 . Si les FPDC ont rapidement cessé de collaborer, le Groupe d’experts a établi qu’au moment de la rédaction du présent rapport, les Gumino menaient toujours des opérations conjointes avec la FDN et les Imbonerakure.
  8. Les Maï-Maï Kijangala et les Maï-Maï Buhirwa ont principalement été utilisés comme éclaireurs pour aider la FDN et les Imbonerakure à entrer et à s’orienter dans la zone. Les Maï-Maï Kijangala ont également participé occasionnellement aux opérations contre RED Tabara. Le général de la FDN Marius Ngendabanka et le colonel Niyonzima, alias Kazungu (voir S/2015/19, par. 89, et note de bas de page 20), étaient les principaux points de contact des Gumino et des Maï-Maï Kijangala 184 . Plusieurs sources ont rapporté que depuis mars 2022, les Maï-Maï Kashumba et les Maï-Maï Mushombe ont changé de camp et ont commencé à collaborer avec la FDN et les Imbonerakure.
  9. Au moment de la rédaction du présent rapport, RED Tabara, qui opérait également aux côtés de groupes Maï-Maï lorsqu’elle affrontait la FDN, les Imbonerakure et leurs alliés, avait été repoussée vers le territoire de Mwenga et Kipupu, dans la province du Maniema, où RED Tabara tentait de se réorganiser (voir annexe 81).
  10. Au moment de la rédaction du présent rapport, le Gouvernement de la République démocratique du Congo n’avait pas communiqué officiellement ni réagi sur les mouvements et opérations transfrontaliers de la FDN et des Imbonerakure (voir également par. 19 et 22). Des officiers des FARDC se sont toutefois plaints de l’absence de notification officielle ou d’instructions claires émanant de leur hiérarchie concernant la présence de la FDN dans leur zone d’opérations186. Le Gouvernement du Burundi, en réponse à une lettre du Groupe d’experts, a rejeté les allégations faisant état de la présence d’Imbonerakure et de la FDN sur le sol congolais, et a souligné que cette dernière défendait plutôt l’intégrité territoriale, l’indépendance et la souveraineté du Burundi strictement à l’intérieur des frontières du pays. Le Groupe d’experts a contacté les deux gouvernements et a fait observer, entre autres, que ces incursions non notifiées constituaient une violation du régime de sanctions prévu au paragraphe 1 de la résolution 1807 (2008) du Conseil de sécurité, tel que reconduit au paragraphe 1 de la résolution 2293 (2016) et au paragraphe 1 de la résolution 2582 (2021).
    C. Soutien local et international aux groupes armés opérant dans les Moyens et Hauts-Plateaux des territoires de Mwenga, de Fizi et d’Uvira. En 2020 et 2021, des membres de la coalition Maï-Maï, notamment les FABB, les Maï-Maï Ebuela et les Maï-Maï Yakutumba, ainsi que les Twirwaneho et Gumino, ont reçu un soutien financier substantiel pour leurs opérations provenant de l’extérieur de la République démocratique du Congo. Certains ont également bénéficié d’un soutien local bien structuré provenant de leurs communautés au sein du pays (voir annexe 82).
    D. Implication des groupes armés dans l’exploitation de l’or. Dans le territoire de Fizi et pendant la période considérée, les Maï-Maï Yakutumba et les membres de la CNPSC (voir par. 158 et S/2021/560, par. 139) ont travaillé aux côtés de réseaux criminels de négociants non déclarés et ont tiré profit de l’exploitation, du commerce et de la taxation illicites de l’or.
  11. Les Maï-Maï Yakutumba contrôlaient les mines d’or de Makungu, Kuwa et Mitondo situées autour de la ville de Misisi (voir S/2021/560, par. 165). En décembre 2021, le groupe armé a forcé les autorités gouvernementales à quitter la mine de Mitondo et a nommé une administration parallèle pour gouverner la mine. Les combattants des Maï-Maï Yakutumba y ont exploité les mines et prélevé une taxe hebdomadaire sur les 120 à 150 creuseurs du site, qui produisaient chacun entre 1 et 2 grammes d’or par semaine.
  12. Les Maï-Maï Yakutumba avaient en outre la mainmise sur l’activité d’autres mines autour de Mitondo, des membres de la CNPSC contrôlant les routes qui menaient aux sites miniers des Hauts-Plateaux, notamment celle reliant à Misisi à Uvira. Ils contrôlaient également de vastes tronçons de la route allant de Misisi à Baraka (voir par. 159), qui était utilisée par des contrebandiers travaillant à leurs côtés pour transporter l’or depuis les mines de Misisi et ses environs (voir S/2021/560, par. 165 et annexe 121).
  13. Par ailleurs, les trois coopératives minières actives de Misisi qui s’approvisionnaient auprès des mines contrôlées par les Maï-Maï Yakutumba et leurs alliés, ont continué de transporter de l’or semi-transformé de Misisi à Baraka, puis à Uvira et enfin à Bukavu (voir S/2021/560, par. 169) sans toutefois le déclarer aux autorités. Il s’agissait de la Coopérative minière de traitement des déchets (COMITRAID), de la Coopérative minière de Kimbi (COOMIKI) et de la Coopérative d’exploitation minière et de recyclage des régions aurifères (CEMIRERA).
  14. À son arrivée à Uvira et Baraka, une partie de l’or passé en contrebande intégrait les chaînes d’approvisionnement légales. Cela se faisait de deux façons : soit au moyen de déclarations officielles au Service d’assistance et d’encadrement de l’exploitation minière artisanale et à petite échelle (SAEMAPE) 189, c’est-à-dire par l’obtention d’un bordereau légal d’achat d’or (voir annexe 83), soit via une vente directe par des contrebandiers190 à des comptoirs d’achat d’or enregistrés à Baraka, à Uvira et à Bukavu, ces derniers pouvant exporter l’or légalement en utilisant des certificats de la CIRGL (voir S/2021/560, par. 166 à 168).
  15. Bien que les mines de Misisi et de ses environs aient produit entre 55 et 60 kilogrammes d’or par an191, la majorité de l’or a été sortie en contrebande de la République démocratique du Congo, notamment via Bujumbura et Kigoma, en République-Unie de Tanzanie.
  16. Compte tenu de cette situation, en août 2021, le SAEMAPE a procédé à une analyse des risques liés au secteur minier à Fizi, et a constaté que les groupes armés, les réseaux criminels et les FARDC étaient largement impliqués dans le secteur. Il a également observé que des enfants étaient présents sur les sites 0miniers et que des femmes exploitaient des mines alors qu’elles étaient enceintes (voir annexe 84). Dans le cadre des réformes entreprises à l’issue de l’analyse, le SAE0MAPE a lancé, en novembre 2021, un nouveau système de tenue de registres dans les coopératives minières de Misisi. Néanmoins, seuls 5,1 kilogrammes d’or y ont été déclarés entre novembre 2021 et avril 2022, puisque la majeure partie de l’or continuait d’être passée en contrebande.
  17. En 2021, les exportations officielles d’or pour l’ensemble du Sud-Kivu n’ont pas dépassé les 30,23 kilogrammes, qui ont été exportés vers des entreprises au Burundi, au Rwanda et aux Émirats arabes unis (voir annexe 85).
  18. Compte tenu des problèmes liés à la chaîne d’approvisionnement, le Groupe d’experts est d’avis que la Congo Gold Raffinerie (voir S/2021/560, annexe 125, et S/2020/482, par. 89), qui a prévu d’ouvrir en 2022 et d’acheter de l’or dans le SudKivu, doit procéder à une vérification préalable rigoureuse de la chaîne d’approvisionnement pour s’assurer qu’elle n’achète, ne raffine ni ne commercialise de l’or qui finance des groupes armés ou des réseaux criminels opérant au Sud-Kivu.
    La Congo Gold Raffinerie a informé le Groupe d’experts qu’elle ne s’approvisionnerait qu’auprès de mines d’or dites « vertes »
    193, dont le nombre était inférieur à 30 dans le Sud-Kivu au moment de la rédaction du présent rapport (voir annexe 86).
  19. Dragline Sarl est une nouvelle joint-venture qui réunit SAKIMA SA (enregistrée en République démocratique du Congo) et Dither Limited (enregistrée au Rwanda).
    Dragline a été créée et enregistrée en République démocratique du Congo le 12 novembre 2021. Dragline s’est engagée à mettre en place une raffinerie consacrée aux « métaux nobles », qui pourrait contribuer à établir des chaînes d’approvisionnement en or plus transparentes. Le Groupe d’experts a contacté SAKIMA SA et Macefield Ventures Limited, l’unique actionnaire de Dither Limited, pour leur demander des informations concernant la diligence raisonnable prévue par Dragline en matière de chaîne d’approvisionnement et l’utilisation des certificats de la CIRGL. Toutefois, Macefield a répondu que le projet avait été suspendu parce que le Gouvernement de la République démocratique du Congo était revenu sur sa décision et avait récupéré les concessions minières que la joint-venture envisageait d’exploiter (voir annexe 87).

VI. Tanganyika
A. Or
Les Maï-Maï Apa Na Pale et leurs alliés, notamment Perci Moto Moto, les MaïMaï Kabeke, le Mouvement 42, les Maï-Maï Kisanola, les Maï-Maï Cœur de lion et les Maï-Maï Fimbo na Fimbo contrôlaient au moins six mines d’or dans le territoire de Nyunzu et au moins six autres dans le territoire de Kalemie (voir annexe 88), comme indiqué précédemment (voir S/2021/560, par. 156 à 158).

  1. La présence de groupes Maï-Maï et de réseaux criminels, notamment de contrebandiers travaillant avec des groupes armés 196, a empêché les autorités minières congolaises de surveiller la chaîne d’approvisionnement depuis janvier 2019.
    Les groupes armés vendaient de l’or à des revendeurs informels de Kalemie par l’intermédiaire de contrebandiers.
  2. À la fin de 2021, le contrôle des sites miniers par des groupes armés et la perte de leurs marchés par les comptoirs d’achat au profit des contrebandiers ont contribué à la fermeture de tous les comptoirs d’achat à Kalemie, sauf un, enregistré en
    République démocratique du Congo, à savoir Densahal Sarl.
  3. La dernière exportation officielle d’or en provenance de la province du Tanganyika remonte à janvier 2021, lorsque Densahal a exporté 1 099,600 grammes d’or d’une valeur de 64 341 dollars à destination d’AU Jewellery LLC à Doubaï (Émirats arabes unis) (voir annexe 89). Cependant, les registres du SAEMAPE indiquaient que la production officielle d’or sur le territoire de Kalemie se chiffrait à 3 016,2 grammes pour 2019 et qu’elle était nulle en 2020 et 2021 (voir annexe 90).
  4. Densahal a confirmé que l’or exporté, extrait en décembre 2020 du secteur de Maibaridi (territoire de Kalemie) était son unique exportation destinée à AU Jewellery (voir annexe 91). Bien qu’à cette époque, Maibaridi ait été un site agréé, les Maï-Maï Apa Na Pale y taxaient des mineurs artisanaux depuis septembre 2020201. En outre, dans le formulaire de déclaration officiel qu’elle a rempli concernant l’origine et la vente de l’or, Densahal a omis d’indiquer le nom et l’emplacement du site minier.
    L’entreprise a déclaré que son rapport visant à rendre compte de son devoir de diligence raisonnable pour l’année 2021 n’avait pas encore été finalisé.
  5. Les enquêtes menées par le Groupe d’experts ont révélé que quatre anciens négociants de Densahal ont acheté de l’or à des agents des Maï-Maï Apa Na Pale et à leurs alliés dans la ville de Bendera (territoire de Kalemie). Après la fermeture de Densahal, tous les négociants ont vendu de l’or à des acheteurs clandestins de Kalemie et se sont parfois rendus à Uvira pour vendre à des acheteurs du Burundi et de la République-Unie de Tanzanie, ceux-ci payant en espèces et à des tarifs plus élevés. Les quatre anciens négociants de Densahal ont déclaré qu’ils ne jugeaient pas nécessaire de renouveler leur cotisation annuelle car ils pouvaient toujours écouler l’or auprès de contrebandiers.
  6. L’or quittait la République démocratique du Congo en contrebande à bord de bateaux privés et publics en empruntant les itinéraires suivants : du port de Kalemie aux ports de Kalundu, Kivovo et Kasenga/Olga House à Uvira, avant de faire cap sur Bujumbura et Kigoma, en République-Unie de Tanzanie203. Les ports de Kalundu, Kivovo et Kasenga n’appliquaient aucune mesure élémentaire de lutte contre la contrebande, comme indiqué précédemment (voir S/2021/560, par. 174 et 175 et annexe 129).
  7. Deux contrebandiers d’or basés à Uvira ont vendu de l’or à Emmanuel Samuel Imana, un négociant en or basé à Bujumbura et cité dans un rapport précédent (voir S/2020/482, par. 82). Selon leurs déclarations, Imana ne s’était pas enquis de l’origine de l’or. En cas de retard dans l’approvisionnement en or à Uvira, les deux contrebandiers se rendaient à Kalemie ou à Misisi pour en acheter.
  8. En juin 2021, dans le but d’assainir la chaîne d’approvisionnement en or et de lutter contre la contrebande d’or issue de l’exploitation artisanale, le SAEMAPE a lancé un projet pilote mené par la Coopérative minière pour le développement intégral du Congo (CMDIC) dans la mine d’or de Mulolwa, dans le territoire de Kalemie.
    Cependant, le projet a été interrompu et déplacé à Toya, dans le territoire de Moba (voir annexe 92), en raison des attaques perpétrées par les Maï-Maï Apa Na Pale et leurs alliés, qui ont pillé l’or des mineurs artisanaux et menacé les représentants du Gouvernement.

B. Charbon

  1. Les Maï-Maï Apa Na Pale et leurs alliés (voir par. 180) contrôlaient des mines de charbon dans les territoires de Nyunzu et de Kalemie depuis janvier 2019. En particulier, les Maï-Maï Fimbo na Fimbo contrôlaient les mines de charbon artisanales abandonnées dans les villages de Mulange et de Kabimba, au sud-ouest et au nordouest de la ville de Kalemie.
  2. Les Maï-Maï Fimbo na Fimbo contrôlaient les deux villages depuis une attaque menée en janvier 2019, au cours de laquelle le groupe armé avait tué et déplacé des civils, notamment à Mulange. Depuis, ils taxaient des quantités variables de charbon provenant de la production hebdomadaire des mineurs artisanaux.
  3. Le 26 août 2020, les autorités minières de la province du Tanganyika ont délivré un document d’exportation à Ngandu Mining Sarlu, une société enregistrée en République démocratique du Congo. Selon le document, en janvier 2021, Ngandu a exporté 300 tonnes de charbon à Bujumbura, qu’elle a déclarées comme étant un échantillon (voir annexe 93). Par conséquent, la valeur de cette cargaison n’a pas été déclarée. Le charbon avait été extrait à Kabimba. Ngandu a informé le Groupe d’experts que la présence de groupes armés n’entravait pas ses activités, mais qu’après l’exportation de charbon à Bujumbura, elle avait interrompu ses activités dans l’attente de nouvelles ressources à investir. Le Groupe d’experts a écrit aux autorités burundaises pour s’enquérir au sujet du charbon mais n’a reçu aucune réponse.
    VII. Attaques contre du personnel humanitaire en Ituri, au Nord-Kivu et au Sud-Kivu. La République démocratique du Congo est restée l’un des pays les plus dangereux pour les acteurs humanitaires au cours de la période considérée. Entre janvier et octobre 2021, 260 incidents de sécurité ont directement affecté le personnel ou des biens humanitaires. Sept humanitaires ont été tués, 26 blessés et 23 enlevés, l’Ituri et le Nord-Kivu étant les zones les plus affectées207. Les attaques perpétrées contre le personnel humanitaire ont conduit à la suspension voire à la fermeture de projets, empêchant ainsi l’accès à l’assistance humanitaire ou sa distribution, un acte passible de sanctions conformément aux dispositions de l’alinéa f) du paragraphe 7 de la résolution 2293 (2016), tel que reconduit dans la résolution 2582 (2021).
  4. Les attaques contre le personnel humanitaire, passibles de sanctions en application des dispositions du paragraphe 3 de la résolution 2582 (2021), ont, entre autres, été motivées par un manque d’acceptation local des organisations humanitaires, par une perception de partialité, par la volonté d’empêcher la communauté considérée comme « ennemie » de recevoir de l’assistance, par l’appât du gain et par la confusion entre le personnel humanitaire et celui de la MONUSCO.
    Par conséquent, les auteurs des attaques avaient des profils variés. Les cas abordés ci-après illustrent certaines des attaques les plus graves commises contre le personnel humanitaire en 2021 et 2022.
    Ituri
  5. Le 28 octobre 2021, des hommes armés, dont certains portaient des treillis militaires, ont tendu une embuscade à deux véhicules clairement identifiés comme appartenant à Médecins sans frontières (MSF), à Boku, près de Bambu (territoire de Djugu), et ont tiré sur les véhicules dans l’intention manifeste de tuer. Deux membres du personnel de MSF ont été gravement blessés208. Le Groupe d’experts a recueilli des preuves indiquant que les auteurs de ces actes appartenaient soit aux FARDC, soit aux factions de la CODECO. Au moment de la rédaction du présent rapport, le Groupe d’experts n’avait pas pu déterminer plus précisément leur identité (voir annexe 94).
    L’attaque a entraîné la fermeture du projet de MSF, qui était l’un des rares projets humanitaires dans la région (voir annexe 95).
    Nord-Kivu
  6. La zone située au nord de Goma a été marquée par une série de kidnappings ou de tentatives de kidnappings d’agents humanitaires à la suite de l’attaque perpétrée contre le Programme alimentaire mondial (PAM) le 22 février 2021, au cours de laquelle l’Ambassadeur d’Italie, son garde du corps et un membre du personnel du PAM ont été tués (voir S/2021/560, par. 75 et 76). Les ravisseurs ont ciblé le personnel expatrié à des fins lucratives, dans un contexte général marqué par un nombre élevé d’enlèvements au sein de la population civile congolaise, notamment d’hommes d’affaires et d’enfants.
  7. Six enlèvements ou tentatives d’enlèvement ont eu lieu sur la route reliant Goma à Sake et Kingi et celle reliant Goma à Kibumba et Rutshuru (voir annexe 96). Les ravisseurs, munis de fusils d’assaut de type AK, de machettes et, dans un cas, d’un lance-roquettes, opéraient en petits groupes comptant jusqu’à huit éléments et recouraient à des guetteurs pour surveiller les mouvements de leurs cibles. Ils tiraient systématiquement sur les véhicules qui ne s’arrêtaient pas lors d’une embuscade. Ils avaient en outre organisé la logistique liée aux otages durant toute la durée de la plupart des détentions et, dans certains cas, utilisaient des techniques révélatrices d’un entraînement militaire.
  8. Les preuves recueillies par le Groupe d’experts attestent de l’implication de plusieurs réseaux criminels comprenant, entre autres, d’anciens membres de groupes armés. Plusieurs sources ont indiqué qu’Ikiguhaye Mutaka, alias Aspirant, était impliqué dans l’attaque dirigée contre le PAM du 22 février 2021 et dans au moins deux autres attaques. Aspirant serait un ex-combattant du M23 qui avait déjà été condamné en 2015 pour une attaque contre MSF212. Bahati Antoine Kiboko, qui serait également un ex-combattant du M23 et membre du groupe d’Aspirant, aurait été impliqué dans deux attaques visant le personnel humanitaire.
  9. Les otages étaient souvent emmenés dans le parc national des Virunga pendant leur détention. Plusieurs sources ont souligné qu’il était impossible pour quiconque d’opérer dans le parc sans au moins le consentement tacite des FDLR-FOCA ou de certains de leurs membres, le parc étant contrôlé par ce groupe armé (voir par. 73 et 74)
  10. Des sources ont également souligné que toutes les attaques se sont produites à quelques centaines de mètres des positions des FARDC.
  11. Toutes les sources ont dénoncé l’impunité dont jouissaient la plupart de ces réseaux criminels, même si les autorités congolaises ont arrêté plusieurs suspects, dont Bahati, au début de l’année 2022.

Sud-Kivu

  1. Dans les Moyens et les Hauts-Plateaux, plusieurs attaques ont visé à empêcher la communauté « ennemie » de recevoir de l’assistance. Par exemple, le 24 novembre 2021, un convoi du PAM s’est vu refuser l’accès à la population banyamulenge de Bibokoboko et a été contraint de regagner Baraka sous prétexte qu’il transportait des armes destinées aux Twirwaneho. Le 1er décembre, dans la même zone, un camion privé transportant également des denrées alimentaires à destination de la communauté Banyamulenge de Bibokoboko a été détruit et quatre personnes ont été tuées (voir également par. 159).
    VIII. Recommandations
  2. Le Groupe d’experts formule les recommandations ci-après.
    Gouvernement de la République démocratique du Congo 202. Le Groupe d’experts recommande que le Gouvernement de la République démocratique du Congo :
    a) Mette en œuvre les Déclarations de Nairobi de 2013 ou entame une nouvelle phase de négociations avec le M23 (voir par. 58 et 69) ;
    b) Renforce les capacités de sensibilisation et de réaction des FARDC, des populations locales et des parties prenantes en ce qui concerne l’utilisation d’engins explosifs improvisés, notamment avec le soutien de la communauté internationale, selon qu’il conviendra (voir par. 48 à 54) ;
    c) Réalise un audit des coopératives d’or enregistrées à Baraka et des comptoirs d’achat d’or à Uvira et Bukavu pour vérifier que les processus de production et de commerce sont légaux et conformes au Mécanisme régional de certification de la CIRGL (voir par. 173, 174, 176 et 183) ;
    d) Mette en place un dispositif de traçabilité de l’or conforme au Mécanisme régional de certification de la CIRGL dans les mines d’or du territoire de Mambasa, y compris à Muchacha (voir par. 147 et 148) ;
    e) Prenne des mesures urgentes pour prévenir et réprimer les incitations à la discrimination, à l’hostilité et à la violence, ainsi que les actes de cette nature, dans les Hauts et les Moyens-Plateaux des territoires de Mwenga, d’Uvira et de Fizi, et dans les territoires d’Irumu et de Djugu (voir les par. 30, 32, 87 à 93, 95, 105, 130 à 133, 138, 139, 152, 159 et 200) ;
    f) Lance, cordonne et/ou soutienne des actions de médiation, y compris avec l’appui de la MONUSCO et des parties prenantes concernées, selon qu’il conviendra, pour désamorcer les tensions intercommunautaires dans les Hauts et les MoyensPlateaux des territoires de Mwenga, d’Uvira et de Fizi, et dans les territoires d’Irumu et de Djugu (voir par. 30, 32, 87 à 93, 95, 105, 152, 159 et 200) ;
    g) Mène des enquêtes et, le cas échéant, poursuive, dans le cadre de procédures qui garantissent pleinement le droit à un procès équitable :
    i) les personnes qui se livrent au commerce illicite et à la contrebande d’or provenant de Misisi (territoire de Fizi) et de Bendera (territoire de Kalemie) (voir par. 170 à 176 et 180 à 187) ;
    ii) les réseaux criminels constitués de membres des FARDC opérant dans la mine d’or de Muchacha (territoire de Mambasa) (voir par. 143 à 147). (A suivre)