Double assassinat de Chebeya et Bazana : Paul Mwilambwe charge encore Numbi
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Par GKM
Le Major Paul Mwilambwe, ancien chef du protocole et de la sécurité des installations de l’inspection générale de la police, a comparu hier mercredi 8 décembre en tant que renseignant devant la Haute Cour militaire, siégeant au second degré sur le double assassinat de Floribert Chebeya et de Fidèle Bazana, deux militants des droits humains, membres de l’Ongdh la Voix des Sans Voix pour les Droits de l’homme (VSV).
Au cours de l’audience foraine à la prison militaire de Ndolo, Mwilambwe a révélé qu’une cagnotte de 500.000 dollars américains a été mise en jeu par le général John Numbi en faveur du commandant du bataillon Simba, Christian Ngoy Kenga Kenga, pour éliminer Chebeya.
L’homme a fait savoir que lui n’a reçu que 10.000 dollars américains. D’après lui, le général John Numbi avait donné l’ordre à Christian Ngoy de le tuer, d’autant plus qu’il était témoin oculaire de la mise à mort de Chebeya. Vedette de l’audience publique d’hier, Paul Mwilambwe a indiqué que la cause de l’exécution de Chebeya était le rapport de ses investigations sur les massacres des adeptes du mouvement Bundu Dia Kongo au Kongo Central, dans lequel les noms du Général John Numbi et Christian Ngoy Kenga Kenga avaient été cités.
C’est ainsi que l’ordre est venu que toute personne qui accompagnerait Chebeya, même si c’était sa femme, doit subir le même sort, a expliqué le policier. Le directeur exécutif de l’ONG La Voix des Sans Voix (VSV), Floribert Chebeya, a été retrouvé mort le 1er juin 2010 à Mitendi, sur la banquette arrière de sa voiture. Le corps de son compagnon, Fidèle Bazana, demeure introuvable jusqu’à ce jour.
Chronologie des faits
Le 3 septembre 2020, Christian Ngoy Kenga Kenga, condamné par contumace en première instance et en cavale depuis les faits, a été arrêté à Lubumbashi, pour des accusations de « détention d’armes de guerre », puis transféré à Kinshasa. Hergile Ilunga wa Ilunga, à l’époque des faits adjudant de la police au service du colonel Daniel Mukalay et Alain Kayeye Longwa, lui-même chauffeur du major Christian Ngoy Kenga Kenga, tous deux actuellement en exil, ont fait de nouvelles révélations sur l’affaire à Radio France Internationale (RFI) au début de l’année 2021.
En effet, tous deux se sont présentés comme deux exécutants de l’assassinat de Floribert Chebeya et la disparition de Fidèle Bazana. Ils ont notamment expliqué comment les deux victimes ont été tuées le 1er juin 2010 par une équipe de policiers mise sur pied par de haut gradés de l’Inspection générale de la PNC à Kinshasa, Daniel Mukalay et Christian Ngoy, sur ordre du général John Numbi, alors Inspecteur général de la PNC. Ces révélations sont ainsi venues conforter les déclarations déjà faites par Paul Mwilambwe à RFI en 2012.
Le major Christian Ngoy Kenga Kenga et le colonel Daniel Mukalay auraient alors constitué un commando de policiers composé entre autres de Hergil Ilunga, Jacques Mugabo, Bruno Nyembo Soti, Alain Kayeye Longwa, Jeancy Mulang et Doudou Ngoy Ilunga, qui aurait procédé à la mise à mort des deux défenseurs.
Le policier Paul Mwilambwe est le principal témoin de ces assassinats, qu’il a pu observer depuis ses caméras de surveillance. Également cité dans le cadre de cet assassinat politique, le général Djadjidja est accusé d’avoir cédé une partie de sa concession privée sur les hauteurs de Mitendi, dans la banlieue de Kinshasa, pour enterrer le corps de Fidèle Bazana.
A la suite des déclarations d’Hergile Ilunga et d’Alain Kayeye Longwa en 2021, d’autres policiers ont été arrêtés. En octobre 2021, au cours de son audience, le lieutenant Jacques Mugabo, condamné par contumace en 2011 et arrêté et emprisonné en février 2021 à Lubumbashi, a avoué avoir participé au meurtre des deux défenseurs.
En août 2021, c’est le brigadier-chef Ngoy Ilunga Doudou qui était arrêté à Lubumbashi, et transféré à Kinshasa, où il est détenu depuis. Le général Djadjidja, qui serait le propriétaire des parcelles où serait enterré le corps de Fidèle Bazana, a quant à lui été placé en détention en juin 2021, à la prison militaire de Ndolo.
Depuis la reprise du procès en septembre 2021, plusieurs des policiers inquiétés et des témoins ont été entendus tous les mercredis, dans le cadre de l’instruction :
Le mercredi 13 octobre 2021, Jacques Mugabo a reconnu avoir exécuté les deux défenseurs des droits humains. Il a détaillé comment, tour à tour, Fidèle Bazana et Floribert Chebeya ont été maîtrisés, les mains menottées derrière le dos et comment ils ont été exécutés par asphyxie avec des sacs sur la tête.
Le mercredi 20 octobre 2021, Daniel Mukalay a comparu en audience publique, à titre de renseignant et a accusé le général John Numbi d’avoir commandité l’assassinat. Doudou Ilunga, membre du commando d’exécution, a quant à lui avoué avoir mis les menottes aux deux victimes et Jacques Mugabo a confirmé avoir pris part à leur mise à mort par étouffement.
Le mercredi 27 octobre 2021, le lieutenant Katebere a été entendu comme témoin. Il supervisait les travaux de construction de deux parcelles du général Djadjidja, où serait enfouie la dépouille de Fidèle Bazana, mais a affirmé qu’il était absent le jour du meurtre pour des raisons familiales.
Le mercredi 3 novembre 2021, le général Djadjidja a comparu comme renseignant. Il devait déposer des documents démontrant qu’il n’était plus le propriétaire de certaines de ses parcelles à Mitendi mais a déposé à la place un mémo indiquant ne pas pouvoir s’exprimer sans la présence de son avocat, une démarche rejetée par la Haute Cour militaire.
Il a par ailleurs réfuté la thèse selon laquelle il serait complice de l’assassinat de Fidèle Bazana et que le corps de ce dernier aurait été enterré sur une de ses parcelles à Mitendi. Le mercredi 10 novembre 2021, la Haute Cour militaire a effectué une descente sur une des cinq parcelles du général Djadjidja à Mitendi, lieu où serait enfouie la dépouille de Fidèle Bazana.
Cependant, le général lui-même est resté évasif dans ses réponses aux questions de la Cour. Les parties civiles dénoncent le fait qu’à ce jour, malgré la clôture de l’instruction, le général Djadidja n’ait toujours pas déposé les titres des propriétés de ses parcelles de Mitendi à la Haute Cour militaire.
Le mercredi 17 novembre 2021, le policier Jeancy Mulang a été auditionné. Il est l’un des gardes à l’Inspection générale de la police, affirmant avoir remis « Chebeya entre les mains de Jacques Mugabo sur ordre de Christian Ngoy Kenga Kenga ». Le verdict dans l’affaire est attendu dans les prochaines semaines.
Mais notons que la deuxième plainte déposée par les avocats des parties civiles contre John Numbi a été transmise à la Haute Cour militaire et la fixation d’un deuxième procès est donc attendue, signale une source proche des Ongdh.