Depuis hier lundi : Fatshi au Nord-Kivu sur fond de tensions !
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Au menu de cette visite, les questions sécuritaires, la question houleuse de la reconnaissance administrative de la commune rurale de Minembwe, le mini-sommet des chefs d’Etat de la région des Grands lacs.
Par Lucien Kazadi T.
Le Président de la République, Félix-Antoine Tshisekedi Tshilombo, a atterri à l’aéroport international de Goma, chef-lieu de la province du Nord-Kivu, hier lundi 05 octobre 2020, en provenance de Kinshasa la capitale. Fatshi concrétise ainsi la visite qu’il devait effectuer dernièrement dans cette région du pays, mais qui a été reporté suite à son agenda très chargé.
La visite du Chef de l’Etat au Nord-Kivu intervient alors que cette province vient de faire face à des inondations meurtrières causées par des pluies diluviennes qui s’abattent actuellement sur cette région.
A cette catastrophe naturelle s’ajoute l’insécurité chronique entretenue par des groupes armés nationaux et étrangers qui continuent à semer la mort et la désolation dans cette partie du pays, malgré la forte présence des FARDC et de la police. C’est tout dire du message de compassion que l’actuel locataire du Palais de la Nation veut envoyer aux populations traumatisées de l’ex-Grand Kivu et même de l’Ituri. Une grande mobilisation a été observée à Goma pour accueillir le premier citoyen qui est accompagné dans ce périple de son directeur de cabinet, le professeur Casimir Eberande.
Sur place, la sécurité du Président de la République a été renforcée. Pour preuve, 3 hélicoptères survolaient l’aéroport de Goma avant l’atterrissage de l’avion présidentiel.Le Gouverneur de province, Carly Nzanzu Kasivita, plusieurs personnalités civiles et militaires, ainsi que des notabilités du Nord-Kivu étaient à l’aéroport pour accueillir le Président de la République. Celui-ci a eu droit aux honneurs militaires de la garde républicaine, avant de procéder aux salutations de toutes ces personnalités.
L’agenda du Chef de l’Etat durant son séjour dans cette partie du pays prévoit une série de rencontres avec des représentants des forces vives locales, les responsables sécuritaires, ainsi que des notabilités.Le Chef de l’Etat devrait aussi inaugurer un grand hôtel de haut standing sur place à Goma.
Il aura également à présider plusieurs réunions sur la situation sécuritaire à l’Est du pays concernant notamment le territoire de Beni, pour le Nord-Kivu. Le commandant suprême des FARDC ne manquera pas d’évoquer avec le haut commandement de l’Armée l’état de lieu du front de l’Est, en vue des solutions pour renforcer le moral des forces loyalistes qui servent sous le drapeau national pour décourager les ennemis de la paix.
La ville de Goma est donc la première étape de cette tournée d’inspection au Nord-Kivu et qui pourrait le conduire aussi au Sud-Kivu où une vive tension règne autour de la nomination d’un bourgmestre à Minembwe, circonscription revendique depuis longtemps par les Banyamulenge.
Mini-sommet de la sous-région
Il est aussi possible que le Chef de l’Etat mette à profit ce déplacement pour s’entretenir en visioconférence avec ses homologues des pays voisins, notamment le Rwandais Paul Kagame, l’Ougandais Yoweri Museveni, le Burundais Evariste Ndayishimiye, ainsi que l’Angolais Joao Lourenço.
Sauf nouveau report, ce mini-sommet de Chefs d’Etat de la sous-région des Grands-Lacs aura probablement lieu ce mercredi 07 octobre à partir de la ville congolaise de Goma. En attendant, une réunion des ministres des pays concernés est annoncée un jour avant, soit aujourd’hui mardi 6 octobre à Goma.
Dossier Minembwe au menu
Félix Tshisekedi ne manquera pas d’évoquer, au cours de cette visite d’inspection, la question administrative de Minembwe, un dossier houleux qui divise actuellement les Kivusiens. Et pour en donner l’illustration, l’évêque d’Uvira, dans la province du Sud-Kivu, Monseigneur Sébastien Muyengo, a fait une sortie médiatique hier à partir de Kinshasa, pour interpeller le Président de la République sur cette épineuse question relative à l’installation officielle des autorités administratives de la commune rurale de Minembwe.
La reconnaissance de cette commune rurale occupée par les banyamulenge est contestée par la plupart des ressortissants de cette province de l’Est du pays.Pour Mgr Sébastien Muyengo, l’érection de Minembwe en commune rurale est une tentative de créer tout un territoire pour les membres de la communauté Banyamulenge, identifiés comme des Congolais d’origine rwandaise et d’ethnie tutsi.
Ce qu’il qualifie d’une humiliation. « Pour nos populations, la commune de Minembwe est le dernier coup de maître après l’échec du pouvoir du Rassemblement pour la Démocratie (RCD), d’obédience rwandaise à l’époque, de créer tout un territoire dans la province pour nos frères Banyamulenge, identifiés comme des Congolais d’origine rwandaise et d’ethnie tutsi. Hier, c’était la question de la nationalité, aujourd’hui, c’est celle de la terre. Mais si on peut attribuer la nationalité à qui la demande et la mérite, on ne distribue pas la terre sous n’importe quelle condition. Aussi, plutôt que parler de commune rurale, nos populations considèrent qu’il s’agit de « terres ou territoires occupés », par défi. Ce qui constitue une humiliation pour elles », a-t-il déclaré.
L’évêque d’Uvira demande au Chef de l’Etat Félix Tshisekedi de prendre ses responsabilités, afin de réglementer cette affaire. « Avec nos populations, nous nous posons dès lors ces questions: 1. Que dit le président de la République, Monsieur Félix Antoine Tshisekedi, à ce sujet? Va-t-il continuer à affirmer qu’il n’y est pour rien dans cette situation parce qu’elle date d’avant son arrivée au pouvoir?
Lorsqu’on devient Président de la République, on prend en charge le destin du pays avec aussi bien son passé, son présent et son futur. Concernant la commune de Minembwe, on ne cessera pas de s’interroger sur la responsabilité du Président Félix Tshisekedi, quand on sait que le maître d’œuvre de l’entreprise est celui-là même qui est à la tête de ministère de la Décentralisation et Réforme Institutionnelle depuis le règne de son prédécesseur jusqu’au sien. Plus que le programme de 100 jours, le problème de la commune de Minembwe constitue un test pour le Chef de l’Etat: pour qui roule-t-il finalement? Pour le « peuple d’abord », comme le jurait son père, ou pour ceux qui, comme on l’entend, l’ont placé au trône afin de se servir de lui pour en arriver là?
Nous craignons que s’il laisse faire le cas de Minembwe, le processus de démembrement du pays, ou de ce que l’on appelle « balkanisation », soit amorcé avec sa complicité. Ce qui en droit constitutionnel constitue une « haute trahison », a ajouté Mgr Sébastien Muyengo.