A l’approche des élections, Burundi: des experts de l’ONU dénoncent la condamnation de quatre journalistes
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Des experts des droits de l’homme indépendants de l’ONU ont vivement critiqué la condamnation, à deux ans et demi de prison, de quatre journalistes burundais qui s’apprêtaient à couvrir des incidents violents impliquant des forces de défense du Burundi et des membres du groupe rebelle Red-Tabara dans le nord du pays.
« Après un procès entaché d’irrégularités, la condamnation de quatre journalistes à la prison pour avoir simplement exercé leur travail de collecte d’informations n’est pas acceptable », ont déclaré David Kaye, le rapporteur spécial sur la Promotion et Protection du droit à la liberté d’opinion et d’expression; Michel Forst, le rapporteur spécial sur la Situation des défenseurs des droits de l’homme; et le Groupe de travail des Nations-Unies sur la détention arbitraire à l’annonce du verdict.
« Les journalistes doivent pouvoir exercer leur travail de manière indépendante et doivent pouvoir accéder librement aux sources d’information », ont-ils rappelé. Christine Kamikazi, Agnès Ndirubusa, Térence Mpozenzi et Egide Harerimana, défenseurs des droits de l’homme et journalistes du média indépendant Iwacu, ont été arrêtés le 22 octobre 2019 alors qu’ils se rendaient dans la province de Bubanza pour couvrir des affrontements signalés dans cette région.
Le 30 janvier 2020, le Tribunal de grande instance de Bubanza les a condamnés à deux ans et demi de prison et à un million de francs burundais (environ 530 dollars) d’amende chacun pour « tentative impossible d’atteinte à la sûreté intérieure de l’Etat », une infraction prévue par l’article 16 du Code pénal burundais.
Arrêtés avant même de pouvoir commencer leur reportage, les quatre journalistes ont été détenus sans base légale durant plusieurs jours. Ils ont ensuite été inculpés de « complicité d’atteinte à la sûreté intérieure de l’Etat », principalement sur la base d’un message privé envoyé par l’un d’eux à un confrère. Leur procès n’a duré que deux heures.
Selon les informations reçues par l’ONU, l’infraction a été requalifiée en « tentative impossible d’atteinte à la sûreté de l’Etat », sans que les accusés n’en soient informés. Ils n’auraient donc pas eu la possibilité de se défendre contre cette nouvelle accusation.
La liberté de la presse menacée
Notant que cette affaire s’inscrit dans un contexte où la liberté d’information est de plus en plus menacée, notamment à l’approche des élections présidentielles, parlementaires, communales et collinaires prévues entre mai et août 2020. Les rapporteurs spéciaux des Nations-Unies ont appelé à ce que les droits des journalistes et des médias soient respectés.
« Nous sommes vivement préoccupés par les informations reçues, selon lesquelles cette affaire s’inscrit dans un contexte de rétrécissement de l’espace démocratique, et particulièrement de la liberté d’information, à l’approche des élections », ont-ils ajouté. des élections », ont-ils ajouté.
La nouvelle loi sur la presse au Burundi, promulguée le 14 septembre 2018, exige que les journalistes ne présentent que des informations jugées « équilibrées », sous peine de sanctions. Le Conseil national de la communication a également imposé un « Code de bonne conduite des médias et des journalistes en période électorale pour 2020 », qui leur interdit de publier certaines informations d’intérêt public, telles que des sondages ou des informations sur de possibles contestations de résultats électoraux.
En 2019, les autorités burundaises ont retiré la licence d’exploitation d’une radio internationale et ont suspendu pour une période indéterminée la licence d’une autre.
« Le fait que les journalistes aient été condamnés à l’approche des élections alors qu’ils travaillent pour Iwacu, l’un des derniers médias indépendants du pays, soulève des questions sur les motifs véritables du verdict prononcé », ont conclu les experts de l’ONU, qui sont en contact avec les autorités burundaises sur ce sujet.
Par GKM