L’anéantissement du pouvoir d’achat des Congolais inquiète
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Toutes les épargnes des ménages dans ce pays absorbées par des dépenses qui n’ont rien à voir souvent avec le bien-être individuel et collectif…
Par Bamporiki Chamira
Lundi 24 janvier 2020 ! Ce jour-là, les masses populaires de la République Démocratique du Congo attendaient vainement un discours bilan à mi-parcours du Président Félix-Antoine Tshisekedi Tshilombo à l’occasion de son premier anniversaire d’exercice effectif du pouvoir !
Ce jour-là, contrairement aux attentes de beaucoup de Congolais, n’avait rien de particulier à la Présidence de la République, où l’emploi de temps du Chef de l’Etat est resté plutôt axé sur des questions en rapport avec les préoccupations de l’heure de la population dans son ensemble.
D’après des indiscrétions transpirant des milieux gouvernementaux à Kinshasa, l’anéantissement quasi-total du pouvoir d’achat de cette population figure en bonne place parmi lesdites préoccupations. Concernant précisément cet anéantissement quasi-total du pouvoir d’achat de la population, des plaintes émanant de plusieurs organisations de la société civile et même des élus du peuple au niveau des provinces font état des augmentations de prix de bien et de services de première nécessité sans commune mesure avec les revenus des consommateurs potentiels.
Victime de l’inaction du pouvoir ?
A Kinshasa tout avait commencé par le secteur des transports en commun, dont les tarifs varient selon les humeurs des conducteurs de véhicules affectés à cette activité d’importance économique et sociale. A la suite de la capitale sont venues les provinces voisines à celle-ci en offrant à la population des produits vivriers qui changent de prix en changeant de main !
A titre d’exemple, à Kinshasa, une botte de feuilles de manioc « Pondu Kongo » qui coutait 500 FC au lendemain du nouvel an, coûte aujourd’hui 1500 FC à Binza Ozone, 2000FC à Matete et 3000 FC à Bandalungwa ! Privé des moyens de se déplacer à des tarifs de transport abordables, privé d’accéder aux aliments précités généralement réservés aux masses populaires constituées des « gagne-petit », le petit peuple se dit victime de l’indolence du pouvoir face au capitalisme sauvage qui semble s’installer avec force et se consolider au pays malgré et contre tout !
En effet, partout à travers le pays, les plaintes de la population convergent autour des prix qui changent, passant souvent du simple au double, même parfois du simple au triple sans que les responsables de la régulation de la vie nationale s’en émeuvent ! C’est le cas, par exemple, des tarifs de transport qui changent aux arrêts mêmes de bus, au juste moment où des clients s’apprêtent à prendre place à bord au nez et à la barbe des agents chargés de faire respecter les lois du pays, et ce, dans tous les domaines !
C’est le cas aussi des prix de médicaments dans les pharmacies, des soins de santé dans les hôpitaux où des milliers de patients sont abandonnés à eux-mêmes parce qu’incapables de payer les factures extrêmement salées de leurs internements.
Le petit peuple en RDC se dit également victime de la tolérance excessive du pouvoir face au capitalisme sauvage des marchands de pompes funèbres dans les villes et campagnes, avec un accent particulier à Kinshasa, où des milliers de familles préfèrent abandonner leurs défunts à la putréfaction dans les morgues de fortune de la périphérie !
Décourager en réglementant…
En rapport avec cette question qui révolte les bonnes consciences à travers le monde en regardant le train de vie ostentatoire menée par une poignée de Congolais appartenant à la bourgeoisie commerçante, politique, administrative, militaire et religieuse montante une petite enquête effectuée à Kinshasa en 2019 donne une idée approximative sur l’énormité de dépenses funéraires en RDC que l’Etat se doit de décourager en réglementant sévèrement le secteur :
1. Frais d’acheminement à la morgue de dépouilles mortelles de personnes décédées en dehors d’un hôpital : 50 USD
2. Frais d’accès à la morgue : 5 USD
3. Frais d’embaumement de corps : 50 USD
4. Frais de séjour du corps dans la morgue par jour : 20 USD
5. Frais d’enlèvement du corps pour l’enterrement : 10 USD
6. Toilettage complet de corps de défunts hommes : 150 USD
7. Toilettage complet de corps de défunts femmes : 160 USD
8. Achat et aménagement d’un caveau sur un site indiqué par les autorités pour l’enterrement : 1.000 USD
9. Aménagement d’un espace pour la tenue d’un deuil public sécurisé à domicile avec location de tentes, de chaises, d’un groupe électrogène pour l’éclairage et la musique funèbre : 2.500 USD
10. Service d’un buffet froid ou d’un cocktail après enterrement : 2.000 USD
11. Location corbillard : 250 USD
12. Location d’accompagnement du cortège funèbre réservé aux membres de famille, voisins, amis et connaissances : 1.000 USD
13. Achat cercueil : 2.000 USD
14. Divers et autres imprévus : 500 USD
Total : 9.690 USD
Inexistence d’une classe moyenne !
A l’allure où vont les choses, la République Démocratique du Congo où une classe moyenne de citoyens est inexistante demeurera un Etat très affaibli à partir de la base constituée de millions d’individus pauvres incapables de résister à la corruption de puissances d’argent désireuses de balkaniser ou de leur arracher le riche pays hérité de leurs ancêtres !
Nous partons d’une idée bien simple pour fonder notre pessimisme concernant l’avenir : toutes les épargnes de ménages et de l’Etat en RDC sont absorbées par des dépenses qui n’ont rien à avoir souvent avec le bien-être individuel et collectif : faire face aux troubles à répétitions, atténuer les effets pervers de catastrophes naturelles qui frappent plusieurs régions du pays ; payer l’expertise étrangère ; soutenir les dépenses de prestige et de souveraineté ; importer massivement des produits alimentaires et autres intrants que le pays est en mesure de produire grâce à son énorme potentiel agricole ; à payer des dettes au bénéfice de fournisseurs fictifs depuis des temps immémoriaux !
Tout porte donc à croire que le petit peuple de la RDC continuera à gravir son calvaire tant que le nouveau pouvoir ne s’avisera pas de passer effectivement de la théorie à l’action par des réformes courageusement promises par le Chef de l’Etat lors de son investiture le 24 janvier 2019.