Inauguration du Musée National de la République Démocratique du Congo : Pas de restitution immédiate des biens culturels à l’ordre du jour
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F. Tshisekedi fait remarquer que « les Belges ont aidé à conserver notre patrimoine congolais »
Par YHR
« Un jour, il faudra bien que ce patrimoine revienne en RDC, mais il faut le faire de manière organisée. Il faut reconnaître que les Belges nous ont aidés à le conserver. Il ne faut pas le faire précipitamment, mais de manière concertée ». C’est ce qu’a déclaré, le samedi 23 novembre dernier le Président de la République, Félix Antoine Tshisekedi Tshilombo, lors de la cérémonie d’inauguration du Musée National de la République démocratique du Congo (MNRDC), à Kinshasa.
Le numéro un congolais demeurait dans la droite ligne d’autres autorités politiques, qui abordent très prudemment le dossier sensible de la restitution des biens culturels congolais qui seraient pillés par l’ancienne puissance coloniale, la Belgique. Ainsi, le directeur du MNRDC, Henry Bundjoko, a expliqué que « les autorités ont remarqué qu’il y avait des problèmes de conservation, et qu’il n’y avait pas aussi une salle assez significative pour montrer l’étendue de la richesse de la collection que portait l’Institut des musées nationaux. C’est alors qu’a commencé vraiment le projet pour qu’il y ait un musée ».
Question sensible
Il faut dire que cette question s’avère épineuse, non seulement en RD Congo, mais aussi en Afrique, ainsi que dans tous les pays ayant eu à subir une domination de type colonial. A titre d’exemple, parmi les objets culturels faisant les beaux jours de divers musées en Occident, il y a notamment les œuvres pillées, celles acquises par tromperie, celles achetées ou encore les œuvres offertes.
Pour les pièces ayant quitté le continent illégalement, il semble évident qu’elles devront être restituées. Encore faut-il que cela soit possible légalement, car en France par exemple, beaucoup d’œuvres se trouvant dans les musées sont légalement inaliénables. Il faudrait que l’Assemblée nationale et le Sénat de ce pays votent des lois spécifiques pour qu’elles puissent quitter pour toujours les salles d’exposition et les réserves où elles sont gardées.
Risque de vols ou de dégradations
De plus, certains spécialistes estiment qu’en Afrique subsaharienne (même si il y a des progrès), les conditions ne sont pas encore réunies pour que ces biens culturels soient conservés dans des conditions optimales et qu’ils demeurent en bon état. Il y a aussi le problème de la sécurité, avec des risque de dégradation, de pillage voire de vol. Il y a eu des œuvres restituées qui ont « disparu », pour se retrouver à l’étranger.
La position congolaise contraste ainsi avec la volonté affichée notamment par le Bénin et le Sénégal qui exigent de récupérer toutes les pièces de son patrimoine conservées en France depuis l’ouverture du Musée des civilisations noires de Dakar, il y a un an.
« On est prêt à tout prendre », a répété son directeur, Hamady Bocoum, dimanche dernier, pendant la très symbolique restitution par la France d’un sabre du XIXe siècle ayant appartenu au leader politico-religieux El Hadj Omar. Le débat sur la restitution du patrimoine africain, pillé pendant l’époque coloniale, est brulant depuis la publication fin 2018 d’un rapport rédigé à la demande du président français Emmanuel Macron. Ses deux auteurs, l’économiste sénégalais Felwine Sarr et la française Bénédicte Savoy recommandent une « restitution rapide ».
Pour la culture
« Le musée éloigne ses visiteurs du tapage kinois dans une imposante architecture entre tradition et modernité ». Jean-Pierre Dikaka, chargé du service éducatif, a décrit la façon dont celles-ci a été réfléchie: « ce qui a de spécial ici, c’est d’abord l’architecture, qui nous renvoie à comment on a construit nos maisons, nos cases, nos villages, qu’on a essayé d’adapter au modernisme ».
Le musée n’accueille pas seulement un espace d’exposition. Il comprend une bibliothèque, une salle de conférence et un espace multimédia. En plus des touristes et des amateurs de culture, cette bâtisse moderne devrait essentiellement être fréquentée par le public scolaire: « il faudrait plus travailler sur cette jeunesse. Elle doit connaître son patrimoine. Pour les autres, nous les prenons avec plus de réserve parce que ces adultes, aujourd’hui, avec les problèmes liés à la religion, qualifient tout ce qui est patrimoine culturel de sorcellerie ». Les 400 pièces exposées ont été choisies parmi les 12 000 fournies par l’INMC.