Ebola emporte un ministre du Gouvernement Tshibala !
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Dans sa lettre de démission, le ministre Oly Ilunga dit déplorer le fait que le Secrétariat Technique du Comité Multisectoriel de la Riposte à la MVE ait été mis en place par un Décret du Premier ministre antidaté au 18 mai 2019, et contresigné à son insu par le Ministre assurant son intérim, alors qu’il était en mission à Goma
Par TSM
Le Ministre de la Santé du Gouvernement Tshibala, Oly Ilunga, a déposé sa démission auprès du Chef de l’Etat, hier lundi 22 juillet.
Dans sa correspondance, le ministre Ilunga a commencé par rappeler qu’en faisant partie d’un Gouvernement démissionnaire et en affaires courantes, il ne pouvait pas continuer à engager les politiques de long terme nécessaires au renforcement du système de santé.
Raison pour laquelle, ces derniers mois, a-t-il poursuivi, ont été consacrés à la gestion des différentes crises sanitaires qui sévissent dans notre pays, dont celle d’Ebola qui constitue l’épidémie la plus complexe de l’histoire, et la seconde plus meurtrière après celle de l’Afrique de l’Ouest.
Toujours dans ses explications, le ministre démissionnaire a fait savoir qu’après plusieurs tentatives entreprises dans ce sens depuis le mois de février 2019, le Président de la République a décidé, à la date de 20 juillet 2019, de placer la conduite de la riposte à l’épidémie de la Maladie à Virus Ebola (MVE) sous sa supervision directe, par le truchement d’un Secrétariat Technique qui a reçu la mission de coordonner l’ensemble des activités de la riposte.
Cette situation ne semble pas plaire au Dr Ilunga qui l’a fait savoir dans sa lettre de démission, en déclarant : » je déplore que ce Secrétariat Technique du Comité Multisectoriel de la Riposte à la MVE ait été mis en place par un Décret du Premier ministre antidaté au 18 mai 2019, et contresigné à mon insu par le Ministre assurant mon intérim, alors que je me trouvais le 18 juillet 2019 en mission de supervision de la riposte à Goma « .
Selon le Ministre démissionnaire, la composition de ce Comité ne reflète pas la multisectorialité nécessaire à la gestion de la crise sanitaire en cours, accusant les membres d’avoir pris des initiatives ayant suscité des interférences dans la conduite de la riposte.
» Tirant ainsi les conséquences de votre décision de placer la conduite de la riposte à l’épidémie de la MVE sous votre supervision directe, et anticipant la cacophonie préjudiciable à la riposte qui découlera inévitablement de cette décision, je viens par la présente vous présenter ma démission de mes fonctions de Ministre de la Santé « , pouvons-nous lire dans le document.
Une crise de santé publique et non humanitaire
Dans cette lettre de démission, le ministre de la Santé fait un constat selon lequel, la crise d’Ebola en cours n’est pas une crise humanitaire. Selon lui, c’est une crise de santé publique qui intervient dans un environnement caractérisé par des problèmes de sécurité, de développement et de carences du système de santé « .
Et d’ajouter : » Depuis quelques semaines des pressions de toutes parts tendent à en faire une crise humanitaire, dont les logiques d’intervention consacrent la mise en place d’un système parallèle qui ne renforce jamais le système de santé existant « . Il a, ensuite, demandé à la partie gouvernementale de veiller à ce que » nous ne basculons pas dans une riposte humanitaire, en exigeant de tous les acteurs impliqués dans la riposte de la redevabilité opérationnelle et financière « .
Quid d’un autre vaccin ?
Pour le Dr Oly Ilunga, l’introduction d’un nouveau vaccin dans le cadre de cette riposte demeure un autre enjeu majeur, avant d’indiquer que de fortes pressions sont également exercées depuis plusieurs mois pour la mise en œuvre d’une nouvelle expérimentation en République Démocratique du Congo. » Le vaccin actuellement utilisé dans le cadre de cette épidémie est le seul qui a démontré son efficacité et qui donne une protection immunitaire en dix jours.
Il serait illusoire de croire que le nouveau vaccin (à deux doses administrées à 56 jours d’intervalle) proposé, par des acteurs qui ont fait preuve d’un manque d’éthique manifeste en cachant volontairement des informations importantes aux autorités sanitaires, puisse avoir une incidence déterminante sur le contrôle de l’épidémie en cours « , a-t-il révélé.
Outre les différents enjeux liés à cette épidémie, le Ministre démissionnaire demande, dans sa lettre, au Gouvernement Congolais de faire preuve de leadership et de cohérence dans le dialogue stratégique avec les partenaires et les options prises en rapport avec la riposte. En plus, les lignes de commandement doivent être clairement identifiées et définies. Il ne peut y avoir plusieurs centres de décision au risque de créer des confusions et une cacophonie préjudiciables pour la riposte, a prévenu le Dr Oly Ilunga.
Ce Ministre qui vient de quitter le navire Tshibala est aussi d’avis que l’unicité dans la gestion d’une telle riposte répond ainsi au triple impératif de l’efficacité, de la cohérence des décisions prises et de la redevabilité.
Mais au delà des raisons évoquées par le ministre démissionnaire pour justifier son départ, certains observateurs voient derrière cet acte une fuite en avant du concerné, afin de ne pas rendre éventuellement compte sur la gestion des fonds importants qui auraient été mis à la disposition du ministère dans le cadre de la riposte contre l’épidémie qui sévit à l’est du pays.