Liberté de la presse en RDC : les attentes de Washington
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Article d’opinion de Michael A. Hammer, Ambassadeur des États-Unis auprès de la République démocratique du Congo
Il n’existe pas de véritable démocratie sans liberté de la presse et nous saluons aujourd’hui le rôle essentiel des médias dans une société libre. En 1993, l’Assemblée générale des Nations Unies a déclaré le 3 mai Journée mondiale de la liberté de la presse pour reconnaitre l’importance de la liberté de la presse dans le monde et encourager les gouvernements à faire en sorte que la liberté de la presse et les médias indépendants soient respectés.
Après avoir été porte-parole à la Maison-Blanche et secrétaire adjoint aux affaires publiques au département d’État, je suis profondément reconnaissant du courage et de la détermination des journalistes à trouver la vérité et à demander des comptes à leurs gouvernements. Et, même si je n’ai pas toujours aimé leurs reportages, j’ai toujours respecté et apprécié les contributions vitales des médias à la démocratie.
La liberté de la presse est particulièrement importante pour la République démocratique du Congo (RDC), qui vient de connaître sa première passation de pouvoir pacifique et démocratique. Pour que la démocratie se développe, les journalistes doivent pouvoir exercer leur métier librement.
La RDC compte un nombre impressionnant de stations de radio et de télévision indépendantes à travers le pays. J’ai constaté le professionnalisme et le dévouement des journalistes congolais lors d’interviews menées de Bukavu à Butembo, de Kalemie à Kananga, et à Goma, Lubumbashi et Kinshasa. Ces journalistes, femmes et hommes, jeunes et expérimentés, travaillant à la télévision, à la radio, pour des journaux et pour la presse en ligne, posent des questions difficiles, dévoilent la vérité, travaillent pour informer le public et tiennent le gouvernement pour responsable.
Cependant, de nombreux journalistes ont déjà fait l’objet de menaces, d’arrestations ou d’intimidations. En novembre dernier, avec le soutien de l’USAID et d’autres organisations, l’ONG congolaise Journalistes en Danger (JED) a signalé 62 violations de la liberté de la presse en RDC de janvier à août 2018, comprenant notamment le licenciement de trois journalistes de la chaîne de télévision nationale de la RDC, la RTNC, pour avoir tenté de faire des reportages sur les activités des partis d’opposition avant les élections de décembre 2018.
Les élections de décembre ont entrainé des changements et on s’attend maintenant à ce que les médias puissent fonctionner sans crainte. L’engagement déclaré du Président nouvellement élu, Félix Tshisekedi, en faveur de la liberté de la presse et du respect des droits de l’homme marque un tournant majeur et important vers un avenir meilleur pour le Congo.
Depuis son entrée en fonction, le président Tshisekedi a enjoint à la RTNC de couvrir les rassemblements de l’opposition, libéré des prisonniers politiques, fermé des centres de détention illégaux, remplacé le chef de l’Agence nationale de renseignement (ANR), chargé les forces de sécurité de mettre fin aux arrestations arbitraires et fait en sorte que des policiers accusés d’usage excessif de la force soient déférés à la justice en vue d’éventuelles poursuites.
Il est maintenant essentiel que les autorités locales, les forces de sécurité et les politiciens de toute la RDC s’assurent que leur traitement des médias s’aligne sur cette nouvelle vision. Les abus et l’intimidation ne peuvent plus être tolérés. L’ouverture, l’accès et la transparence devraient être la norme.
La RDC se classe actuellement au 154ème rang sur 180 pays listés sur l’indice mondial de la liberté de la presse établi par Reporters Sans Frontières (RSF). Ce n’est pas une bonne chose. En janvier, RSF avait déclaré qu’il y avait « plus d’abus commis contre les journalistes et les médias en RDC en 2018 que dans tout autre pays d’Afrique subsaharienne ». En 2018, RSF a enregistré 110 violations de la liberté de la presse, dont « 53 arrestations arbitraires, 31 actes de violence, six médias fermés ou suspendus et plusieurs jours de coupure de l’Internet. »
La bonne nouvelle est qu’une amélioration rapide est possible. Considérons l’Éthiopie. L’année dernière, RSF a classé l’Éthiopie 150e sur 180 pays en ce qui concerne la liberté de la presse, soit quatre places seulement devant la RDC. Après un transfert pacifique du pouvoir en 2018 et l’adoption de nouvelles réformes, l’Éthiopie a gagné 40 places sur 110. La RDC pourrait faire de même en 2019.
Lors de la récente visite du Président Tshisekedi à Washington, le sous-secrétaire d’État aux affaires africaines du département d’État américain, Tibor Nagy, a déclaré que si 2018 était l’année de l’Éthiopie, 2019 serait celle de la RDC. Les États-Unis sont déterminés à faire leur part pour soutenir le programme de réformes du Président Tshisekedi et aider à défendre la liberté de la presse sur toute l’étendue la RDC. La Voix de l’Amérique (VOA) a récemment lancé un nouveau service en lingala pouvant atteindre plus de 35 millions de Congolais. Entre-temps, l’USAID a dépensé 19 millions de dollars pour soutenir 76 radios communautaires dans 16 provinces et cinq langues différentes.
L’ambassade des États-Unis à Kinshasa a également organisé un certain nombre d’ateliers régionaux au cours desquels des professionnels des médias congolais et américains ont discuté de la méthodologie d’enquête, de la vérification des sources et de la protection des sources. Un atelier récent organisé à Lubumbashi et soutenu par la VOA à l’intention des « journalistes citoyens » congolais a rassemblé des dizaines de Congolais pour une formation portant sur l’éthique des médias, les techniques d’écriture et les tactiques d’interview.
En parcourant le pays, j’ai ressenti l’espoir que le Congo pourrait occuper la place de leader qui lui revient de droit sur le continent, un pays d’importance stratégique en paix et prospère. Je suis optimiste et pense que cette année est bien celle de la RDC. Je suis impatient de voir le Congo dépasser même l’Éthiopie au classement mondial de la liberté de la presse. L’année prochaine, regardons en arrière et soyons fiers de ce que le Congo aura réalisé en permettant à la presse d’être aussi essentielle que nécessaire, sans crainte de représailles.