Mme Bienvenue Buaba : «pour moi, le journalisme, c’est la concrétisation d’un vieux rêve »
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Mariée et mère de trois enfants, Mme Bienvenue Babua évolue comme journaliste à la chaîne Numerica TV. Après avoir obtenu son diplôme de graduat à l’Institut Facultaire des Sciences de l’information et de la Communication (IFASIC), en 1998, elle va interrompre momentanément ses études pour s’occuper de sa famille.
C’est en 2005 qu’elle décroche sa licence en journalisme, option : politique extérieure. Actuellement, reporter et présentatrice du Journal télévisé (JT) de 19h, la journaliste présente une émission qui traite les questions de santé et de la femme, intitulée «Consultation».
Mme Babua a tout d’abord commencé ses débuts au magazine « Echos de la femme», avant de se retrouver à la chaîne Canal Kin Télévision (CKTV). Ensuite, elle intègre en 2002, Numerica Tv, jadis Tropicana Tv où, elle reconnaît avoir fait un bref passage à la radio.
Membre de plusieurs associations des journalistes dont l’Union Congolaise des Femmes des Médias (UCOFEM), la concernée travaille pour le compte de sa rédaction des reportages traitant des sujets liés à la femme, l’enfant et la santé. S’il fallait choisir un autre métier, Mme Babua pense devenir tout simplement une femme au foyer pour mieux s’occuper de sa maison, ses enfants et son mari qu’elle aime bien.
La Tempête des Tropiques : Avez-vous choisi le journalisme pour emboîter le pas à quelqu’un ou bien c’était le rêve de votre enfance ?
Mme Bienvenue Babua : A vrai dire, c’est un métier que j’aimais déjà toute petite. Je me rappelle, quand j’avais plus au moins 7 ans, mon père me donnait des livres à lire puis je répétais tout ce que je pouvais retenir.
Personnellement, je n’ai pas emboîté le pas à quelqu’un, du moins, il y a des femmes journalistes qui m’ont fasciné dans cette profession. En faisant le journalisme, je n’ai pas non plus connu de résistance de la part de mes parents puisque c’était la concrétisation d’un vieux rêve, et cela n’avait pas non plus surpris ma famille.
LTT : Parlez-nous des difficultés rencontrées puisque vous étiez à la fois mère, étudiante et travailleuse ?
Mme BV : Bien sûr. J’ai eu mon premier enfant, la fille, tout en étant étudiante, et je devais commencer mon stage au magazine «Echos de la femme». Je vous assure que c’était quand même difficile parce que mes enfants, j’en ai trois maintenant, n’ont jamais voulu prendre le lait artificiel, le biberon.
Vous voyez ce que ça fait de pouvoir reprendre le boulot et les études avec un enfant qui ne prend pas le lait artificiel. Ce n’était pas toujours facile parce que des fois, je ne savais pas comment s’y prendre lorsque le lait maternel débordé, ça me gênait, surtout que je devais arrêter les cours pour rentrer à la maison. Malgré cela, j’étais contrainte de continuer à travailler pour le bien de cet enfant.
Par conséquent, il fallait donc consentir beaucoup de sacrifices. C’est ainsi que j’ai dû arrêter momentanément les études en première licence, à l’époque, étant dans l’incapacité à gérer maternité, maison et enfants. Le temps, pour moi, de m’occuper de ma petite famille, de mes enfants et de continuer à travailler. Finalement, lorsque ces derniers ont grandi, j’avais repris les études pour décrocher ma licence car dit-on, il n’y a pas d’âge pour étudier.
LTT : Partagez-vous l’avis selon lequel les femmes constituent un handicap dans le milieu professionnel parce qu’elles doivent s’occuper de leurs familles ?
Mme BV : Pas du tout. Je dirais plutôt que tout est question d’organisation. C’est naturel d’avoir les enfants et travailler en même temps. Les enfants sont un don du ciel et ne peuvent constituer d’handicap quelle que soit la raison. Le problème est de savoir simplement remplir ses obligations en tant que mère et travailleuse.
En rentrant le soir à la maison, il faut s’occuper de sa famille, et le matin avant de venir au bureau, il faut s’assurer que tout est en ordre. Question de remplir son devoir convenablement sans se créer des problèmes de part et d’autre.
LTT : En tant que mère et travailleuse, avez-vous des difficultés particulières ?
Mme BV : Les difficultés sont faites pour être surmontées. C’est pourquoi, je dis souvent s’il faut se réveiller à 4h du matin pour tout préparer avant de quitter la maison afin d’être à l’heure à la rédaction, je suis dans l’obligation de le faire. C’est vrai, il ya des sacrifices, mais l’on peut y arriver.
LTT : Pourquoi avez-vous choisi la télé ?
Mme BV : Je n’ai pas particulièrement choisi la télé puisque j’ai fait premièrement la presse-écrite, la radio puis la télé. Cependant, c’est la télé qui m’a accroché le plus, et des gens m’ont encouragé dans ce sens. A l’IFASIC, on nous apprend les trois filières pour être un journaliste complet. C’est pour dire que je serais à l’aise partout.
LTT : Vous présentez une émission à la télé. Quel genre d’obstacle rencontrez-vous ?
Mme BV : Ce sont les invités qui me causent souvent du tort parce qu’ils fixent le rendez-vous et ne le respectent pas. On a la matière mais c’est toujours mieux de se faire accompagner d’un expert. Quelques fois, ces experts se mettent en tête qu’ils doivent payer pour passer à l’émission, alors que c’est faux.
En tout cas, ce n’est pas mon cas de pouvoir exiger de l’argent à mes invités d’autant plus que l’émission traite des questions de la santé pour le bien-être de la population. Pourquoi demander des sous au préalable du moment où j’ai l’obligation d’informer ?
Pour moi, c’est d’abord l’information qui prime. Il ya tellement des moutons noirs dans la presse ayant terni l’image de notre profession, nous devons changer cette mauvaise image. En clair, l’argent est exigé lorsqu’il s’agit d’une publicité pour que le service commercial puisse intervenir.
LTT : Quel est le reportage qui vous a le plus marqué dans votre carrière professionnelle ?
Mme BV : C’est lorsque je me suis retrouvée à Bunia où Thomas Lubanga régnait en maître, à l’époque, pour couvrir le reportage sur l’enrôlement des enfants soldats. En arrivant sur les lieux, la Représentante de la MONUSCO à Bunia s’était exclamée « vous avez amené une dame, c’est dangereux ».
En ce moment, j’ai eu peur en pensant à ma fille, tout en me disant que c’est un métier qui a ses risques et je suis obligée de faire avec la réalité. Je me réjouis du fait qu’au finish, j’avais fait un bon reportage après avoir passé une semaine dans une zone en conflit. Une femme toute fragile que j’étais à pu braver tout cela, m’a beaucoup marqué.
LTT : Qu’est-ce que vous détestez dans votre métier ?
Mme BV : Le fait que beaucoup de gens dénigrent la femme journaliste. Ces personnes pensent qu’elle est légère, facile et capable de s’offrir à tout le monde parce qu’elle est exposée. Je pense qu’il n’en est rien et nous devons le faire comprendre aux personnes qui ont l’habitude de nous critiquer. Raison pour laquelle, je définis, dès le départ, mes relations avec mes invités censées être purement professionnelles. Je ne mélange pas le sexe avec le travail.
LTT : Accepteriez-vous que votre fille embrasse aussi votre métier ?
Mme BV : Au départ, je ne voulais pas que ma fille fasse le journalisme après avoir obtenu son diplôme d’Etat. Elle-même voulait s’inscrire en Relation internationale, mais elle a fini par opter pour le journalisme. Actuellement, elle est en première année à l’IFASIC et se défend très bien selon les échos qui me parviennent, et je suis encouragée.
En plus, elle m’étonne quand elle rend ses informations en faisant ses exercices quand elle prépare son journal de la radio. Je suis convaincue qu’elle sera sur les traces de son père et de moi, sa mère, puisque nous sommes tous les deux dans le métier. Certainement, elle ne va pas s’écarter de la ligne.
LTT : Que diriez-vous à ceux qui vous considèrent comme modèle dans ce métier ?
Mme BV : Je leur dirais qu’ils n’ont pas tort. C’est toujours difficile de parler de soi-même. Etant un modèle et une référence, je leur dirais de savoir respecter tout le monde et de faire leur travail le plus naturellement possible, au lieu de se transformer en star.
Toutefois, à l’IFASIC où nous étions, on ne nous apprend pas à devenir des stars mais plutôt des journalistes. Dans notre métier, il faut savoir rester soi-même, malheureusement, il y a de ceux qui se déroutent et veulent être ce qu’ils ne sont réellement. Je leur dirais, qu’il faut garder la tête sur les épaules.
Propos recueillis par Tantia Sakata