Violences au centre de la RDC, Kasaï : l’ONU veut enquêter seule !
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Par cette position, les Nations Unies affirment vouloir envoyer un message fort aux auteurs de ces crimes et mettre fin à l’impunité en RD Congo
L’Organisation des Nations Unies s’oppose à une enquête mixte sur les violences au Kasaï. C’est ce qui ressort de l’appel lancé le vendredi dernier par le Haut-commissaire des Nations Unies aux droits de l’homme, le Prince Zeid Ra’ad Al Hussein, qui a appelé le Conseil des droits de l’homme des Nations Unies à établir une enquête internationale sur les violations graves des droits de l’homme survenues dans les provinces du Kasaï Central et du Kasaï Oriental en RDC, y compris sur l’existence d’au moins 42 fosses communes.
Pourtant, le gouvernement de la RDC par l’entremise de son ministre aux Droits Humains, Marie- Ange Mushobekwa, avait déclaré le 6 juin dernier à Genève que Kinshasa est d’accord pour une enquête internationale mais à condition que son pays garde la direction de celle-ci. Ce à quoi s’oppose catégoriquement l’ONU.
Par cette position, l’ONU voudrait sans doute éviter toute influence des autorités congolaises dans cette enquête, au regard de la gravité des faits, si l’on en juge par le nombre impressionnant de morts et des déplacés tant internes qu’externes.
En effet, depuis août 2016, environ 1,3 million de personnes originaires des Kasaï ont été déplacées suite aux violences, alors que quelque 30.000 réfugiés ont fui vers l’Angola, a rappelé le Haut-commissariat des Nations Unies aux droits de l’homme (HCDH) dans un communiqué de presse.
» C’est le devoir souverain du gouvernement de la RDC de mener des enquêtes judicaires sur les violations des droits de l’homme commises sur son territoire et nous continuerons à appuyer le gouvernement en fournissant des conseils et un soutien technique pour la mise en œuvre de ses obligations « , a déclaré le Haut-commissaire.
» Cependant, les actes odieux commis dans les Kasaï semblent être d’une telle gravité, qu’ils doivent interpeller la communauté internationale, et en particulier le Conseil des droits de l’homme. L’ampleur et la nature de ces violations et abus des droits de l’homme et les réponses systématiquement insuffisantes des autorités nationales nous obligent à demander une enquête internationale pour compléter les efforts nationaux « , déclare encore le Haut-commissariat des Nations Unies aux Droits de l’homme.
» Nous avons un devoir envers les victimes et l’obligation d’envoyer un message aux auteurs de ces crimes que nous observons cela de près et que la communauté internationale s’engage pour mettre un terme à l’impunité endémique en RDC « , a-t-il ajouté.
42 charnières documentées au Kasaï!
Le Bureau conjoint des Nations Unies aux droits de l’homme en RDC (BCNUDH) affirme avoir documenté 42 fosses communes, mais il est possible qu’il en existe d’autres. Selon les informations recueillies par les équipes du BCNUDH, des éléments des Forces armées de la RDC (FARDC) auraient creusé plusieurs tombes après des affrontements avec des présumés miliciens de Kamuina Nsapu au cours des derniers mois.
Des cas d’exécutions sommaires et d’autres meurtres – y compris d’enfants – ainsi que des allégations de violences sexuelles ont été documentés depuis août 2016. Le BCNUDH affirme aussi continuer de recevoir des allégations de violations graves des droits de l’homme, et que les contraintes de sécurité ont entravé la poursuite des enquêtes.
Pour rappel, au début du mois de mai dernier, le Haut-commissaire des Nations Unies aux droits de l’homme a exhorté le gouvernement de la RDC à prendre une série de mesures pour s’assurer qu’une enquête crédible et transparente, respectant les standards internationaux et avec l’implication du BCNUDH, soit établie avant le 8 juin.
Bien que le gouvernement ait demandé un soutien technique et les conseils du BCNUDH et de la Mission des Nations Unies en RDC (MONUSCO), la réponse gouvernementale reste à ce jour insuffisante, selon le prince Zeid Ra’ad Al Hussein, compte tenu de la gravité et de la nature généralisée des violations, et du besoin impérieux de justice pour les victimes.
Tout a commencé en août 2016
La flambée des violences dans les Kasaï a débuté en août 2016, lorsqu’un responsable coutumier a été tué par les FARDC. La milice de Kamuina Nsapu, nommée d’après son chef, a cherché à se venger du meurtre de ce dernier en ciblant la police et les membres de l’armée, les institutions nationales et autres symboles étatiques, comme les bâtiments du gouvernement, les postes de police et les églises, et en recrutant des enfants pour rejoindre ses rangs.
Les FARDC auraient réagi à ces attaques en lançant une contre-attaque extrêmement violente, notamment en tirant sans discernement à la mitrailleuse dans les villes et villages où les milices étaient soupçonnées se cacher et en faisant du porte-à-porte pour traquer à mort les miliciens ou des sympathisants suspects, note l’ONU.
Dans cette situation confuse, deux experts de Nations Unies qui enquêtaient sur les fosses communes dans la région, ont également trouvé la mort dans des circonstances qui restent à élucider. Selon le HCDH, bien qu’un certain nombre d’enquêtes nationales aient été lancées sur les crimes allégués commis par Kamuina Nsapu, le gouvernement n’a pas mené d’enquêtes significatives sur la conduite de la FARDC et de la Police nationale congolaise.
Par Godé Kalonji