Secrétaire général honoraire de l’UDPS : Les vérités d’Alexis Mutanda sur la course à la Primature
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Sans tabou, il a répondu aux questions relatives à l’après Etienne Tshisekedi, au Rassemblement et autres « Kamuina Nsapu » tout en réitérant son souci de se rapprocher des déshérités
Le député national Alexis Mutanda a affirmé, jeudi 25 mai, que le pouvoir en place ne lui a jamais proposé la Primature, pour succéder à Samy Badibanga. L’élu de la ville de Mbuji-Mayi, chef-lieu de la province du Kasaï Oriental, a ainsi répondu à une question de la presse, lors d’un entretien avec les hommes des médias, à son bureau sis boulevard du 30 juin, commune de la Gombe, ville de Kinshasa.
Le secrétaire général honoraire de l’Union pour la Démocratie et le Progrès Social (UDPS) a également expliqué le climat régnant depuis un certain temps au sein de cette formation politique et au sein du Rassemblement des Forces Politiques et Sociales Acquises au Changement.
Concernant la nomination de Bruno Tshibala, Alexis Mutanda a demandé à ses interlocuteurs d’aller demander à Joseph Kabila pourquoi il a nommé l’actuel Premier ministre. Il s’est, enfin, gardé de commenter le phénomène « Kamuina Nsapu », autant que l’affaire « Clément Kanku », sans oublier de préciser le sens des actions qu’il mène, depuis belle lurette, en faveur des personnes vulnérables.
Ci-après, l’intégralité de cette interview.
Question : Honorable Alexis Mutanda, depuis le décès d’Etienne Tshisekedi, l’Opposition politique s’affaiblit. Des départs massifs sont enregistrés. Cette situation ne va pas compromettre l’alternance démocratique au sommet de l’Etat ?
Réponse : L’Opposition n’est pas la seule plate-forme concernée par cette situation. La Majorité aussi a été récemment frappée, notamment par le phénomène « G7 », sans oublier d’autres questions qui se posent au sein de cette famille politique. C’est une situation normale.
Surtout lorsqu’on s’approche des élections, des mouvements sont enregistrés dans tous les sens car, les gens veulent se positionner. J’appelle ça une « dynamique » qui dénote l’inconstance. Ces mouvements se fondent sur des intérêts du moment et sont nourris par les mêmes personnes qui étalent leur inconstance au grand jour.
Question : Vous aviez été victime d’une agression physique à Limete. Etes-vous toujours derrière Félix Tshisekedi ? Quelle est votre position face au climat qui prévaut au sein du Rassemblement ?
Réponse : l’UDPS fait partie du Rassemblement qui regorge d’autres partis. C’est le Rassemblement qui a participé au Dialogue Politique. Ma position est tributaire de la vision, de la philosophie et des objectifs de l’UDPS, auxquels j’ai adhéré. En rapport avec la vision, mon parti a examiné, depuis l’époque du maréchal Mobutu, le social du peuple qui ne cesse de décliner tous les jours. Il faut trouver le moyen d’apporter secours à ce peuple qui souffre.
Pour sa part, l’UDPS a mis en place une stratégie consistant à œuvrer pour l’instauration d’un Etat de droit, en démocratisant le pays à travers l’organisation des élections libres et transparentes. Pour quelle raison je peux dire, aujourd’hui, que je ne fais plus partie de l’UDPS ? Est-ce que la vision de l’UDPS a changé ? Non ! Avant sa mort, Etienne Tshisekedi a accepté la vision du Rassemblement et le Dialogue Politique. Je m’inscris aussi dans cette logique.
Deuxièmement, il est à retenir que l’UDPS a connu une longue histoire depuis sa création en 1982. Elle subsiste grâce aux efforts et sacrifices de plusieurs personnes. Comme le parti n’était pas au pouvoir, ces personnes vivaient de leurs convictions et ont tout fait pour que l’UDPS devienne ce qu’elle est.
L’UDPS est un bien commun. Elle appartient à tous ses membres qui se sont battus pour qu’elle existe jusqu’à ce jour. Nous étions partis à Limete, au siège de l’UDPS pour signer le livre d’or mis à la disposition du public après le décès de son président national. Il y a eu un mouvement des jeunes qui ont commencé à vociférer. Ils ont été rapidement maîtrisés. C’est un évènement mineur qui ne peut pas entamer ma conviction politique.
Question : Que pensez-vous du vent qui frappe l’UDPS après la mort d’Etienne Tshisekedi ? Quelles sont les pistes de solution ? Tshisekedi n’a pas laissé un dauphin ?
Réponse : de 2008 à 2011, j’ai été secrétaire général du parti. Avant ces années, j’ai été au département des Relations Extérieures du parti. L’UDPS est le seul parti au monde suffisamment représenté dans les pays étrangers, grâce aux efforts fournis. Bien avant, j’étais président du bureau des Elections du parti.
A cette époque, l’UDPS a sorti 42 députés nationaux lors des élections de 2011, devenant la 2ème force du Parlement. Après la mort d’une personne comme Etienne Tshisekedi, il est normal que des gens s’agitent et se posent des questions sur l’avenir du parti. Souvenez-vous des leaders comme Mao en Chine, Mandela en Afrique du Sud…
Tous ces leaders n’ont pas laissé des dauphins. Ils savaient qu’ils laissaient la « personne la plus digne », sans citer nommément cette personne.
Question : Etienne Tshisekedi faisait l’unanimité comme candidat unique de l’Opposition. On peut encore espérer quelque chose du côté de l’Opposition avec tous ces départs ?
Réponse : chaque parti a sa ligne de conduite, son projet de société. Il pense à présenter un candidat de son choix, capable de défendre son projet de société. Après les élections, le parti qui dispose de la majorité parlementaire va former le Gouvernement. Nulle part, la Constitution ne parle de candidat unique. Sauf si l’Opposition décide de se mettre d’accord autour d’un candidat.
Question : Etes-vous toujours membre de l’UDPS, Si oui, pourquoi vous avez été tabassé à Limete ? De quoi ces jeunes vous reprochaient ?
Réponse : j’ai déjà répondu à cette question. Personne n’a été tabassé à Limete. Il y a eu un mouvement des jeunes qui se bousculaient. S’ils me reprochaient de quelque chose, ils passeraient à la télévision pour le dire. Peut-être, ils ont été instrumentalisés par certaines personnes jalouses des performances que le parti a réalisées. En 2006, l’UDPS a refusé de participer aux élections, à cause des irrégularités qui émaillaient ces échéances. En 2011, l’UDPS a participé.
Elle a été victime de la fraude électorale à grande échelle qui a été décriée par toutes les missions d’observation, alors qu’Etienne Tshisekedi avait gagné les élections. L’UDPS a toujours utilisé la non violence et ne dispose pas de branche armée.
Question : quel est le nom qui était privilégié sur la liste des « primaturables » remise à Joseph Kabila, selon les Accords du 31 décembre 2016 ?
Réponse : Allez poser cette question à la Majorité ou à Joseph Kabila lui-même, qui a préféré nommer Bruno Tshibala au poste de Premier ministre ? Cet Accord stipule que le Premier ministre est proposé par le Rassemblement. Mais, la Majorité a exigé une liste à soumettre à Kabila.
Question : l’article 70 de la Constitution indique que le Premier ministre doit sortir de la majorité parlementaire. Est-ce une violation de la Constitution ? Les Accords n’ont pas été bien négociés ?
Réponse : les Accords bien négociés ou mal négociés, c’est Kabila qui a pris la décision de nommer Bruno Tshibala. Allez lui demander pourquoi il a pris cette décision.
Question : on vous a aussi proposé la Primature ?
Réponse : il y a beaucoup de rumeurs dans ce pays. C’est des spéculations sans fondement. Je n’ai jamais été contacté à ce sujet.
Question : Quel est le vrai problème qui ronge l’Opposition actuellement ?
Réponse : je le répète. Chaque parti a ses spécificités et ses dirigeants. Les partis se mettent ensemble momentanément et forme une plate-forme pour une cause bien définie. Chacun d’entre eux garde sa personnalité.
Question : que dites-vous du phénomène « Kamuina Nsapu » ? Quelles seraient les solutions ?
Réponse : c’est un phénomène bizarre, qui dépasse l’entendement et qui sort de l’ordinaire. Comment expliquer que, partant d’une seule agglomération dont Kamuina Nsapu était chef coutumier, une si petite organisation puisse s’étendre à d’autres provinces, avec des moyens logistiques et assez d’argent pour mener des opérations d’une si grande envergure ?
D’où vient cet argent ? C’est le Gouvernement qui dispose de moyens d’assurer la sécurité et qui doit s’organiser pour y mettre fin. La MONUSCO et les autres pays peuvent aussi intervenir.
Question : quels sont vos impressions sur l’affaire Clément Kanku, telle que contée par The New-York Times ?
Réponse : Les impressions sont les mêmes. Kanku, en tant que parlementaire, devait s’exprimer. Les enquêtes sont en cours. C’est hasardeux d’émettre des jugements maintenant. A la fin des enquêtes, on saura ce qu’on peut tirer comme conclusion.
Question : on vous voit souvent dans les milieux des personnes vulnérables. Etes-vous en train de mener votre campagne électorale ?
Réponse : mon rapprochement avec les personnes vulnérables ne date pas d’aujourd’hui. J’ai créé l’Association des Amis d’Alexis Mutanda (ADAM) à cette fin, depuis 20 ans. J’ai une école rurale en construction en province. A Kinshasa, je rends visite aux personnes handicapées, aux orphelins, aux prisonniers…
Depuis plusieurs années, je suis membre de l’association philanthropique « Lion’s Club » qui a comme devise « servir ». Je suis même devenu responsable du district 409 de cette association, comprenant le Rwanda, le Burundi et la RD Congo. Donc aujourd’hui, c’est la continuation.
Question : quelles sont vos impressions sur l’évasion du Centre Pénitentiaire et de Rééducation de Makala ?
Réponse : c’est la prison la plus sécurisée du pays. Dire que plus de 4 000 détenus s’en sont évadés, c’est très nébuleux. Je ne peux pas commenter sur des choses dont je ne possède pas de précisions. De toutes les évasions du pays, celle de Makala est la plus dangereuse. On risque, dans l’avenir, d’avoir beaucoup de cas d’insécurité.
Par Marcel Tshishiku