17 mai 1997- 17 mai 2017 : Les vingt ans du pouvoir AFDL !
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Deux décennies après l’éviction du régime Mobutu les Congolais de nouveau face à des autorités qui s’accrochent aux manettes
La prise de pouvoir par l’Alliance des forces démocratiques pour la libération du Congo-Zaïre (A.F.D.L.) est le fruit d’un long processus. Il est aussi la conséquence d’un contexte géopolitique bien particulier.
En effet, après le génocide au Rwanda d’avril à juillet 1994, quelques 2 millions de réfugiés Hutu rwandais, fuyant les troupes du Front Patriotique Rwandais (FPR),
avaient traversé la frontière de leur pays pour le Zaïre d’alors, où ils s’étaient rassemblés dans de grands camps de circonstance.
De nombreux participants au génocide, dont des membres des Forces Armées Rwandaises (FAR) et des miliciens interahamwe, avaient profité de l’anonymat offert par ces campements pour s’y réorganiser dans le mouvement
Rassemblement pour le Retour et la Démocratie au Rwanda (RDR). Le RDR commença à utiliser les camps comme base arrière pour son infiltration au-delà de la frontière et conduire une insurrection.
Malgré les protestations du tout nouveau gouvernement du Rwanda, le gouvernement zaïrois, et les organisations internationales apportant l’aide
humanitaire aux camps ne purent pas séparer ces militants des populations de réfugiés. Le régime de Mobutu, alors en froid avec la communauté internationale, se servait des hutu rwandais réfugiés sur son territoire pour continuer à jouer un rôle dans le concert des nations.
La poudrière du Kivu
Pendant ce temps, la situation des Banyamulenge, des Tutsis présents au Zaïre depuis des générations, devenait de plus en plus incertaine. Objets de discriminations, étant des arrivants relativement récents dans le pays, de culture et de langue différents des ethnies voisines, ils étaient instrumentalisés par Mobutu pour entretenir des dissensions dans le pays, afin d’asseoir son pouvoir.
L’arrivée massive de Hutu, qui s’en prirent naturellement aux Banyamulenge, accroissaient les tensions. Kigali pour sa part, voyait dans les Banyamulenge comme des alliés naturels, leur apportant un soutien militaire, en prévision d’une escalade éventuelle et désormais probable.
C’est dans cette atmosphère de guerre larvée que nait officiellement le 18 octobre 1996 dans l’enceinte de l’hôtel Lemera, dans une localité du Sud-Kivu portant le même nom, l’Alliance des Forces Démocratiques pour la Libération du Congo-Zaïre (A.F.D.L.). Mais certains font naitre l’AFDL en septembre 1996 à Gisenyi, au Rwanda.
Toujours-est il que ce sont quatre mouvements rebelles, le Parti pour la Révolution des Peuples (PRP) de Laurent Désiré Kabila, le Conseil national de la résistance pour la démocratie (CNRD) dirigé par André Kisase Ngandu, le Mouvement révolutionnaire pour la Libération du Zaïre (MPRLP), conduit par Anselme Masusu Nindaga, et l’Alliance démocratique des Peuples (ADP) de Déogratias Bugera, surnommé « Douglas » qui signent un protocole d’accord créant l’AFDL.
Ayant pour porte-parole Laurent-Désiré Kabila et soutenue par le Rwanda, cette plateforme politique prit la décision d’intervenir au Zaïre pour mettre fin à la menace des rebelles hutu rwandais des Forces Démocratiques pour la libération du Rwanda (FDLR).
La marche sur Kinshasa
En à peine sept mois la coalition formée des troupes de l’AFDL, fortement soutenue par les armées rwandaises, ougandaises et même de mercenaires érythréens balaient une armée zaïroise démotivée et sous-équipée pour arriver à Kinshasa le 17 mai 1997. Kabila bénéficie d’un contexte régional et international particulièrement favorable.
En plus du Rwanda et de l’Ouganda, il est soutenu par une coalition – incluant aussi l’Angola et le Burundi – bien décidée à chasser Mobutu, au moment où celui-ci est lâché par les Occidentaux qui l’avaient soutenu à bout de bras depuis sa prise du pouvoir le 24 novembre 1965, jusqu’à l’éclatement de l’Union soviétique, fin 1989.
Pendant la conquête, les troupes de l’AFDL, qui avait recruté à tour des bras des enfants et des adolescents, surnommés « kadogo » étaient précédées d’une réputation de discipline, contrastant avec le laisser-aller légendaires des Forces armées zaïroises (FAZ).
Un général major des Forces Armées de la RD Congo (FARDC), ancien de l’AFDL, se rappelle que « les libérateurs » s’accrochaient plus avec les mercenaires blancs qu’avec les troupes régulières. Selon lui, la majorité des villes tombaient entre les mains des rebelles d’alors sans résistance de la part des hommes de Mobutu démoralisés et vomis par la population.
Les gens collaboraient d’autant plus facilement qu’elle en avait assez de se faire humilier, piller et gratuitement tuer par les ex-FAZ indisciplinés. Au plus haut niveau des FAZ aussi les officiers supérieurs en avaient assez du mobutisme, faisant parvenir à la rébellion des informations stratégiques.
Le 16, un Mobutu malade avait précipitamment quitté la capitale pour sa ville natale de Gbadolite, pour ensuite aller mourir sans gloire au Maroc, en septembre de cette même année. Demeuré à Lubumbashi où il s’était proclamé Président de la République 24H après le départ
République 24H après le départ de son prédécesseur, Kabila arrive dans la capitale le 20 mai. Le jeudi 29 mai 1997, Laurent-Désiré Kabila prête serment au Stade des Martyrs de la pentecôte, à Kinshasa. La veille, il s’était attribué, par décret-loi, les pouvoirs – exécutif, législatif et militaire. Il est désormais surnommé « Mzee », littéralement « le Sage » en swahili.
Que de chemin parcouru par cet homme né le 27 novembre 1939 à Jadotville, l’actuelle Likasi dans le Haut-Katanga. D’août 1960 à janvier 1961, le jeune homme se bat contre les gendarmes katangais, dans les rangs de la jeunesse du Parti Balubakat (Jeubakat), le parti regroupant les membres de l’ethnie Luba. Jason Sendwé, chef de la Balubakat, remarque ses talents d’orateur et le nomme « colonel » des jeunesses.
Il sort de l’anonymat en septembre 1963 avec la création du Comité national de libération (C.N.L.), formation politique lumumbiste et révolutionnaire, cherchant à éliminer par la lutte armée le gouvernement de Cyrille Adoula. Il y est secrétaire général aux Affaires sociales, Jeunesse et Sports. Quelque temps plus tard, ses milices se rallient à l’insurrection déclenchée par les forces lumumbistes en juillet 1964, lors de la prise d’Albertville (l’actuelle Kalémie), capitale du Nord-Katanga, par l’Armée populaire de libération, on le retrouve vice-président d’un « gouvernement provisoire » qui ne durera que quelques mois.
Mi-révolutionnaire mi-trafiquant
Au début de l’année 1965, il se replie au Kivu où il est nommé chef des opérations militaires par un pouvoir rebelle contrôlant à cette époque plus du tiers du territoire congolais. Il est toutefois plus présent dans les capitales étrangères d’Afrique orientale (Nairobi et Dar es-Salaam) que dans les maquis qu’il paraît diriger de loin.
De 1967 à 1985, LDK est à la fois le chef « révolutionnaire » incontesté d’un maquis peu étendu situé aux alentours de Hewa Bora dans les montagnes de l’extrême sud du Kivu, mais aussi un commerçant qui tire de substantiels bénéfices du trafic d’or et d’ivoire, dont il détient le monopole dans son maquis. Après l’effondrement de celui-ci en 1985, on perd sa trace. Résidant principalement à Dar es-Salaam, on l’aperçoit aussi à Kampala, en Ouganda, où il entretient des liens amicaux avec le président Yoweri Museveni.
Pendant la longue « transition démocratique » zaïroise (1990-1996), ni lui, ni le parti qu’il a fondé en 1967 dans les maquis du Kivu, le Parti de la révolution populaire (P.R.P.), ne participent à la Conférence nationale souveraine qui doit amener le Zaïre vers la IIIe République et qu’il considérera toujours comme une institution « à la solde de Mobutu ».
Gouvernement
La légitimité du « gouvernement de salut public » mis en place en juin 1997 s’avérera cependant précaire. Accueillis par des Kinois enthousiastes, les nouveaux maitres du pays ne tardent pas à se brouiller avec les turbulents habitants de la capitale. Il faut dire que les « kadogos » et leurs supérieurs se montrent particulièrement hostiles vis-à-vis de leurs compatriotes. Un ex-kadogo raconte que leurs commandants rwandais ont commencé à piller les biens des mobutistes, à maltraiter de paisibles passants sans raison valable, exactement comme les militaires de Mobutu.
Le nouveau pouvoir est vite perçu par les Congolais comme téléguidé depuis le Rwanda et l’Ouganda, les postes clés des Affaires étrangères, de la Sûreté nationale et de l’Armée aux mains de Tutsi d’origine rwandaise et ougandaise.
LDK prend ses distances avec l’AFDL, qui traite même un moment de « conglomérat d’aventuriers et d’opportunistes ». Lorsque, moins d’un an après sa victoire, Kabila, de plus en plus lié à un lobby katangais qui « monte », décide soudainement de se débarrasser de ses encombrants alliés en renvoyant chez eux, en vingt-quatre heures, les officiers et soldats rwandais et ougandais qui l’ont aidé à s’emparer du pouvoir, il est immédiatement confronté à une tentative de coup d’État, suivie par une nouvelle rébellion dans l’Est du pays montée et dirigée une fois encore par des officiers et des soldats des armées rwandaise et ougandaise.
L’appui militaire de pays comme le Zimbabwe, la Namibie, l’Angola et le Tchad est acquis à Kabila. La deuxième guerre du Congo vient de commencer. Elle durera cinq ans. Au total, des centaines de milliers de personnes ont péri dans la violence au Zaïre puis en RDC entre 1996 et 2003.
La guerre s’enlise jusqu’à l’assassinat de Laurent-Désiré Kabila, le 16 janvier 2001, par un de ses propres gardes du corps. Son fils lui succède et tient le pays d’une main de fer depuis son accession au pouvoir.
Par YHR