Affaire Kamuina Nsapu : La justice militaire tenue à élargir ses enquêtes au Kasaï Oriental
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La VSV appelle la CPI à s’autosaisir de la situation dans cette partie du pays où les crimes commis relèvent de sa compétence
La Voix des Sans Voix pour les droits de l’Homme (VSV) a rendu public, hier mercredi 22 mars à Kinshasa, le rapport de sa mission d’enquête menée aux Kasaï Oriental et Central, afin d’établir la lumière sur les violations des droits de l’homme commises par les forces loyalistes dans leur traque contre les éléments armés fidèles à feu le chef coutumier Kamuina Nsapu.
Dans ce document, l’Ongdh confirme qu’il y a bel et bien eu des crimes de guerre commis par des militaires dans cette partie du pays et invite la justice militaire congolaise à élargir ses enquêtes au Kasaï Oriental où, selon la VSV, des crimes similaires ont été commis.
La VSV signale que les crimes ont été perpétrés entre octobre et décembre 2016 dans la province du Kasaï Oriental, précisément dans les territoires de Kabeya Kamuanga et Miabi, plus précisément à la cité de Keenankuna, chef-lieu du territoire de Kabeya Kamuanga et dans les villages de Dikundi, Mupompa, Kapangila, Kabukala, ainsi que dans l’ex cité Lac Mukamba.
Usage disproportionné de la force
L’organisation signale aussi qu’au village de Kapangila, des maisons ont été incendiées, des biens pillés et emportés triomphalement à Keenankuna par certains éléments des Forces Armées de la République Démocratique du Congo. Elle a fait état de nombreuses personnes sommairement exécutées, y compris des innocents, sur simple port d’un habit de couleur rouge.
L’association qualifie les crimes au Kasaï Oriental d’une sauvagerie « d’exécutions sommaires et extrajudiciaires ». Elle déplore l’usage disproportionnée de la force par ces militaires envoyés dans le territoire de Kabeya Kamuanga, qui ont massacré de nombreux miliciens et des innocents, dont certains à l’intérieur de leurs maisons.
Dans son rapport rendu public hier à Kinshasa, l’Ongdh révèle que 33 personnes ont été sommairement exécutées et blessées par balle dans le territoire de Kabeya Kamuanga par des militaires des Forces Armées de la République Démocratique du Congo envoyés sur les lieux.
« Les victimes ont été enterrées entassées comme du bétail dans des latrines avec des pieds ou des mains dehors en vue de terroriser le reste de la population et d’empêcher aux jeunes et aux enfants de rejoindre les miliciens. Toute organisation de deuil était formellement interdite sous peine de subir le même sort », regrette Rostin Manketa, directeur exécutif de la VSV.
Pour lui, au regard des faits graves observés sur terrain par ses enquêteurs, son organisation prend acte de l’évidence des crimes à laquelle sont parvenus les hauts magistrats militaires chargés d’enquêter sur les allégations des tueries de certains éléments des FARDC contre les « miliciens » de Kamuina Nsapu au village de Bena Tshikasu, groupement de Mwanza Lomba, province du Kasaï Oriental.
Son association félicite ainsi l’Auditorat Général Militaire pour son professionnalisme confirmé par la découverte de nouvelles fosses communes dans ces coins prouvant à suffisance la commission des crimes de guerre. La VSV salue l’interpellation suivie de l’arrestation de nombreux officiers dont le Major Nyembo, commandant du 2ème bataillon PM et commandant des opérations sur terrain et consorts impliqués dans ces crimes et espère que justice sera réellement rendue aux victimes et que des réparations conséquentes seront allouées à leurs familles ou à leurs proches. La VSV prie la haute hiérarchie des FARDC de lutter contre l’impunité en extirpant de son sein les éléments qui ternissent leur image.
L’arrivée salvatrice de la Monusco
La Vsv signale que dans le territoire de Kabeya Kamuanga, les populations ne sont rentrées chez elles qu’après l’arrivée salvatrice des contingents de la Mission de l’Organisation des Nations Unies pour la Stabilisation du Congo (Monusco). Tout en dénonçant le recours à la violence, la Vsv fustige et condamne fermement la banalisation de la vie humaine, les atteintes à l’intégrité physique ainsi qu’au droit à la vie perpétrées dans les territoires du Kasaï Central et du Kasaï Oriental par toutes les parties au conflit et surtout par certains éléments des Fardc ayant fait effectivement recours à l’usage disproportionné et excessif des armes.
La CPI appelée à s’autosaisir du dossier
Au regard de la gravité de la situation sur le terrain au Kasaï Central et au Kasaï Oriental, la Vsv exige une enquête internationale complémentaire à celle qui a été menée par les hauts magistrats militaires sur tous les crimes perpétrés dans ces coins du pays, en vue de lutter contre l’impunité des crimes de guerre.
Doté d’un statut d’observateur auprès de la Commission Africaine des Droits de l’homme et des Peuples dont le siège est basé à Banjul, en Gambie, la Vsv invite la Cour Pénale Internationale (CPI) à s’autosaisir de ce dossier afin de mener des enquêtes sur ces crimes relevant de sa compétence, au cas où les enquêtes menées au niveau interne n’aboutissaient pas à la lutte effective contre l’impunité. L’Ongdh exige à l’Etat congolais de procéder à des réparations au profit des victimes pour tous les préjudices subis.
Par Godé Kalonji