Fifi Falasi Muliele : « Quand on mérite quelque chose, on le fait mieux »
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Licenciée en Relations Internationales à l’Université de Kinshasa (UNIKIN) en 2002, Mme Fifi Falasi Muliele est Chargée des programmes à la Fondation Hanns Seidel (FHS). C’est depuis 2008 qu’elle évolue au sein de cette Fondation politique allemande qui a ouvert ses portes en Rd Congo en 1979 et possède plusieurs représentations à travers le pays ainsi que dans le monde.
Avant d’assumer son actuelle fonction, Mme Fifi Falasi Muliele était d’abord engagée comme Assistante des projets. C’est en 2004 qu’elle a commencé sa carrière professionnelle en qualité d’assistante de direction au sein de l’Institut des Stratégies pour le Développement Durable (ISDD), partenaire de la FHS.
La Tempête des Tropiques : Pouvez-vous nous résumer votre travail au sein de la FHS ?
FIFI FALASI MULIELE : En tant que chargée des programmes, je supervise les activités des partenaires de la Fondation. Mon travail se résume en trois phases. Premièrement, il s’agit de la planification des activités c’est-à-dire à la fin de chaque année, nous planifions avec ces partenaires les activités de l’année prochaine notamment le budget et le planning des activités.
Deuxièmement, je supervise la mise en œuvre de ces activités sur terrain. Question de vérifier si l’exécution est conforme au programme arrêté, et s’il y a des écarts, comment les corriger. Raison pour laquelle je suis censée faire des visites sur terrain même dans les provinces où se trouvent nos partenaires pour palper la réalité et être également en contact avec la population cible dans le but d’échanger avec elle. Troisièmement, je dois évaluer si les résultats ont été atteints, s’il y a des impacts par rapport aux différentes activités menées par ces partenaires.
LTT : La FHS organise des séminaires de formation pour les femmes. Il s’agit de quelle catégorie précisément de femmes ?
FFM : En fait, la FHS vient en appui au partenaire ISDD. C’est ce dernier qui met en œuvre un programme de renforcement des capacités des femmes politiques. La Fondation n’exécute pas mais elle a tout simplement mis les moyens pour la concrétisation dudit programme.
Et ce programme a été mis en œuvre de manière systématique depuis 2010. Il a commencé avec une cinquantaine de femmes. Grâce à cette formation, ces femmes ont, à ce jour, élevé leur niveau de débat que nous constatons lorsqu’elles sont invitées dans nos autres activités, par exemple des tribunes d’expression populaires… En 2013, la FHS a également financé le déplacement de trois femmes congolaises de Tanzanie à Arusha pour bénéficier aussi des expériences de leurs paires qui ont également suivi des formations organisées par l’autre partenaire de la FHS faisant le même travail que l’ISDD.
Je vous assure que l’expérience a été enrichissante, et j’ai été épatée par le témoignage d’une femme formée et devenue députée. Ici chez nous, l’évaluation doit se faire à long terme parce qu’une fois qu’elles seront votées, nous pourrons les voir à l’œuvre et comment vont-elles apporter un plus au cours de leur mandat.
LTT : Que dire de celles qui pensent encore que la politique est une affaire des hommes ?
FFM : La politique est l’art de gérer la cité. Pour cela, ce n’est pas le sexe qui compte, c’est la tête. Ce sont les motivations et la bonne volonté qui comptent. Moi, je trouve que la femme tout autant que l’homme peut diriger la cité parce qu’elle en a les capacités, elle étudie et travail comme l’homme. Ce n’est pas une matière réservée seulement aux hommes. Même s’il y a parfois des coups bas, des fourberies, des peaux des bananes…la femme peut faire aussi une bonne politique si elle en a le courage et la détermination.
LTT : Pensez-vous que la parité homme-femme est à encourager dans notre pays ?
FFM : La Constitution dans son article 14 prône déjà cette parité mais dans la mise en œuvre on ne voit pas encore l’effectivité de cette loi. Ce n’est pas un plat qui nous ait servi sur un plateau d’or. Donc les femmes doivent continuer à se battre et à travailler ensemble pour pouvoir gagner cette bataille de la parité. Cette parité ne nous sera jamais livrée et nous devons nous battre.
Dans un terrain politique, nous devons nous armer des mêmes armes que les hommes. Je ne parle pas des mauvaises armes mais des valeurs. C’est pourquoi, je suis contre les femmes qui cherchent à bénéficier d’une faveur en lieu et place de mérite. Pour moi, quand on mérite quelque chose, on le fait mieux.
LTT : Comment jugez-vous les parents qui n’instruisent pas leurs filles au nom du mariage ?
FFM : C’est un débat dépassé à mon niveau parce que je suis la 3ème de ma famille après deux garçons, mais j’étais la première à avoir le diplôme d’Etat. « Eduquer une femme, c’est éduquer une nation », dit-on. Je me dis qu’éduquer une femme, c’est ouvrir les horizons à des générations futures parce qu’une femme instruite va aussi militer pour l’instruction de beaucoup d’autres.
Il ne s’agit pas seulement de ses enfants mais de celles qui l’entourent, et elle peut influencer et agrandir le nombre des personnes instruites autour d’elle. Investir dans l’éducation de la femme constitue un atout pour le développement de notre pays. Les parents ne doivent pas seulement privilégier les garçons.
Il ya déjà des campagnes comme ‘’vas-y filles’’, ‘’tous à l’école’’, et si nous continuons dans la même lancée, je crois que notre nation aura au tant de femmes instruites que des hommes occupant, tous les deux, les postes de responsabilité. C’est important d’investir dans l’éducation de deux sexes pour espérer à un avenir meilleur dans notre pays.
LTT : Vous êtes une femme mariée, comment conciliez-vous votre travail avec le ménage ?
FFM : Chaque chose à son temps. J’ai pour modèle une femme de la Bible en la personne de Débora, qui était à la fois juge, prophétesse puis femme mariée. Elle a également amené la bataille contre le Roi de Canaan et gagner une grande victoire. C’est possible de combiner si on sait ménager sont temps. En tant qu’une chrétienne, j’ai notamment des responsabilités à l’Eglise ; donc il n’y a pas que le ménage et le travail. Grâce à Dieu, jusque-là, je m’en sors encore bien. Si on veut, on peut.
Le tout se réside dans la volonté et la motivation. J’en profite également pour remercier mon mari de son soutien, de sa confiance à mon égard et de son ouverture d’esprit. Bien qu’il travaille au plateau de Bateke comme ingénieur agronome et moi à Kinshasa, il ne m’a pas empêché à travailler. Si c’était le cas pour une autre femme, peut être que son époux l’aurait demandé à démissionner.
LTT : Quel meilleur souvenir gardez-vous de votre travail ?
FFM : Je me dis, parmi les meilleures choses qui me soient arrivées, il y a le travail que j’occupe actuellement à la FHS. Mon travail m’a permis de m’épanouir. J’ai visité beaucoup de pays, je suis capable de travailler dans un environnement multiracial, je peux parler avec assurance devant beaucoup de gens, et enfin, j’ai appris certaines choses dans ce milieu professionnel.
LTT : Votre mot de la fin.
FFM : Je vous remercie pour cette interview. J’encourage les femmes, surtout les jeunes filles à étudier, à être formées.
Il n’est pas tard pour apprendre même si l’âge d’aller à l’école est dépassé. Toutefois, l’on peut toujours faire d’autres formations parallèles pour acquérir les connaissances dans un domaine précis. Dans chacune de nous, Dieu a placé un potentiel, c’est à la personne de le détecter pour savoir comment le valoriser pour atteindre les objectifs de sa vie.
Par Tantia Sakata