Le PPRD dans un jusqu’au-boutisme suicidaire
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Jouant avec le feu
A quelle mystification se livre le PPRD ? En 2006 et en 2011, Joseph Kabila avait concouru sous l’étiquette privée de candidat indépendant à la présidentielle.
Cela montre clairement qu’il n’a pas de parti politique auquel il appartient, ou avec lequel il s’identifie idéologiquement. Il se fait passer pour une élection libre, un franc-tireur. Mais après son élection, Kabila devient l’autorité morale d’une plate forme intitulé » Mouvance présidentielle » (PM) dont le PPRD est la locomotive, c’est-à-dire le parti leader d’une cohorte d’autres appendices satellites.
C’est à ce titre d’autorité morale qu’il convoque et préside des réunions informelles de stratégie dans sa ferme de Kingakati située dans la banlieue à l’est de la ville de Kinshasa, regroupant le PPRD et ses alliés de la MP.
Joseph Kabila ne s’affiche jamais nulle part à Kinshasa ou à l’intérieur du pays, en meetings publics comme président du PPRD ou autorité morale de la MP, même lors de la campagne électorale. C’est de la triche éhontée qui consiste à se défausser d’un parti et d’une plateforme qu’on trouve impopulaires et démonétisés au moment d’élections, mais qui deviennent des instruments politiques largement mis en œuvre seulement dans l’exercice du pouvoir pour faire illusion.
Le PPRD et la MP apparaissent comme des officines conservatrices de conception, d’imagination et de mise en train des mécanismes de confiscation du pouvoir et d’aliénation de la souveraineté nationale.
Avant le scrutin de 2011, le PPRD avait tenu un long conciliabule dénommé université de Kisangani, en marge duquel on était parvenu à concocter le changement de deux tours de scrutin présidentiel en un seul tour, validé par l’Assemblée nationale composée de la majorité automatique du PPRD ; Cette fois ci, le même parti politique vient de tenir un mini-congrès à Mbandaka, chef lieu de la province de l’Equateur, au cours duquel les participants ont démasqué leurs batteries et confirmé ce dont l’opinion les accusait, c’est-à-dire le maintien de Joseph Kabila au pouvoir indéfiniment en le gratifiant d’une présidence à vie.
La démarche consiste à changer le mode d’élection des députés provinciaux et du président de la République de suffrage direct en suffrage indirect. Les députés provinciaux seront l’émanation des conseillers locaux de base, tandis que le président de la république sera élu par les députés nationaux et non plus directement par le peuple congolais. Tout cela implique la révision de la constitution, et, par voie de conséquence, le fameux article 220 de façon biaisée.
On est dans l’embarras
Tête d’affiche du cartel présidentiel, le PPRD est gêné aux entournures jusqu’à la gauche. Le passage de la vitesse supérieure à Mbandaka ne peut guère étonner outre mesure.
C’est le couronnement d’un scénario dont le premier acte préfigurant les travaux d’approche de conservation à jamais du pouvoir en faveur de Joseph Kabila a été la publication d’une élucubration dont l’auteur faisait l’apologie de la révision constitutionnelle objectif.
Mais contre toute attente, la théorie a fait dans l’opinion l’effet du pavé de l’ours, notamment dans les milieux intellectuels et universitaires où l’ouvrage a été disséqué et esquinté. Il y a eu ensuite une série d’autres démarches parallèles d’individus de la mouvance ou du PPRD tendant à conditionner l’opinion.
C’est le cas d’une pétition visant à sensibiliser le peuple à cette révision de la constitution pour l’autocratisation à vie du règne de Joseph Kabila quoi qu’il en soit, il y a certainement loin de la coupe aux lèvres. Au sein même de la plateforme au pouvoir, il y en a qui ne sont pas sur la même longueur d’onde avec les conspirateurs téméraires contre la démocratie et contre la République, au profit d’un pouvoir despotique à vie.
Le PPRD se trouve dans l’embarras caractérisé par l’ambiguïté des déclarations et des discours contradictoires que font certains de ses membres ou de ses alliés. On ne complote pas contre la constitution ni contre la République, selon l’autorité morale. Joseph Kabila respectera la constitution et transmettra le témoin de manière civilisée, déclare la voix de son maître. Nous sommes en 2014, il ya encore deux ans ; pourquoi voudrait-on que Kabila dise oui ou non il partira, alors que nous ne sommes pas encore en 2016, c’est le même porte-parole qui change si brusquement de discours.
On ne peut pas empêcher un parti politique au pouvoir de lutter pour le conserver encore longtemps, c’est toujours la voix de son maître à plusieurs reprises qu’il est cuisiné par la presse. Quant aux démarches parallèles d’individus orientées vers l’instauration d’une présidence à vie en faveur de Joseph Kabila, les thuriféraires de la cour répliquent qu’il s’agit des réflexions personnelles que des gens sont libres de faire et nul ne peut les en empêcher.
On s’installe dans le mensonge et la mystification, mais l’opinion n’est dupe ni aveugle. Le PPRD s’est embarqué dans une galère de jusqu’au-boutisme suicidaire dont il ne saurait démordre pour tout l’or du monde.
Gare aux signaux d’alerte !
Ce n’est pas une mince affaire et le PPRD aurait tord de croire de croire que c’est joué d’avance et se moquer u qu’en dira-t-on. L’effervescence et l’agitation sont perceptibles dans toutes les couches sociales et les sensibilités politiques. Au sein même du PPRD et de la mouvance présidentielle, il y a des gens qui s’opposent énergiquement à la personnalisation du pouvoir par l’instauration d’un règne autocratique à vie incarné par Joseph Kabila.
Ce n’est pas seulement la majorité de l’opinion nationale que le PPRD s’est mis à dos ; même des puissances occidentales qui parrainent des dictateurs en Afrique, ont déjà à plusieurs reprises mis ouvertement Kinshasa en garde contre toute velléité de modification de la constitution et de non respect de l’échéance électorale de 2016. Autant de signaux d’alerte retentissant de l’intérieur comme de l’extérieur auxquels, malheureusement, les apparatchiks du PPRD semblent dramatiquement sourds ! On les voit foncer éperdument dans le brouillard, enivrés par les délices du pouvoir.
Les derniers moments d’un règne vecteur de tares sociales ont toujours été excitants et troublants, privant de la jouissance des facultés normales pour raisonner, comprendre, discerner, juger, réfléchir.
D’aussi loin qu’on s’en souvienne, pareil concert de récriminations contre un système, évoque celui observé aux années 90 sous Mobutu avec le MPR, perçu alors comme présage de sa chute fatale.
En 2011, quand on projetait de réviser la constitution pour ramener le scrutin présidentiel de 2 tours à un seul, il n’y avait pas d’agitation et de protestation aussi généralisées et virulentes comme aujourd’hui.
Des puissances occidentales qui montent au créneau aujourd’hui, haussaient les épaules et disaient que c’était une affaire interne concernant seuls les Congolais entre eux. En d’autres mots, elles cautionnaient discrètement cette révision de 2011. Ce changement d’attitude et de ton qu’elles manifestent à propos de ce qui se passe maintenant, devrait inciter les jusqu’au-boutistes du PPRD à réfléchir et à déchanter.
Par Jean N’saka wa N’saka/Journaliste indépendant