La présence du président soudanais condamnée
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17ème Sommet du COMESA tenu à Kinshasa
Kinshasa généralement prompt à collaborer pour le transfèrement de ses fils recherchés par la CPI devrait afficher la même attitude vis-à-vis d’Omar El-Béchir en séjour dans un pays signataire du Statut de Rome
Par Godé Kalonji Mukendi
Les organisations de la société civile de la RDC de défense et de promotion des droits de l’homme sous la conduite de Me George Kapiamba, président national de l’Association Congolaise pour l’Accès à la Justice (ACAJ) ont déposé une plainte hier mercredi 26 février 2014 au Parquet Général de la République, pour exiger l’arrestation et le transfèrement du président soudanais Omar El-Béchir à la Cour Pénale Internationale (CPI)comme elles en avaient réclamé la veille à travers un communiqué de presse que nous avons exploité dans notre livraison N° 4844 d’hier mercredi .
Au cours du point de presse qu’ils ont animé au siège de l’ACAJ à Gombe après le dépôt de la plainte à l’office du PGR, les défenseurs des droits de l’homme ont fustigé le comportement des autorités congolaises et ont demandé au PGR Flory Kabange Numbi de coopérer avec la CPI dans le cas Béchir comme ce fut le cas avec Fidèle Babala et d’autres congolais.
Souvent classée parmi les « bons élèves » de la CPI, la RDC – qui a arrêté et remis à la Cour encore récemment un député poursuivi pour « subornation des témoins » – va-t-elle exécuter les deux mandats émis contre Omar el-Béchir ? La RDC est tenue à respecter la position de l’UA sur les mandats d’arrêt émis contre les chefs d’États en exercice, a expliqué Lambert Mende, porte-parole du gouvernement congolais.
« C’est une situation bien délicate », admet Lambert Mende. Contacté par Jeune Afrique, le porte-parole du gouvernement congolais demande aux ONG qui réclament l’arrestation d’Omar el-Béchir de « comprendre que la RDC a non seulement des obligations auprès de la CPI, mais également auprès du Comesa qui a invité le président soudanais dans la capitale congolaise ».
Kinshasa ne va pas arrêter Omar el-Béchir. Mais « cela ne veut pas dire que les autorités congolaises refusent de coopérer avec la CPI », tente de nuancer Lambert Mende. La RDC s’aligne seulement derrière « une position claire de l’Union africaine par rapport aux mandats d’arrêts émis contre les chefs d’État en exercice ». « C’est un cas spécifique », insiste-t-il.
En effet, le président El-Béchir est à Kinshasa depuis le mardi dernier en vue de prendre part au 17ème sommet des chefs d’Etat et de gouvernement du Marché Commun de l’Afrique de l’Est et australe qui s’est ouvert hier mercredi à Kinshasa par le président congolais Joseph Kabila, en présence de quelques présidents africains.
Omar el-Béchir fait l’objet de mandats d’arrêt datant de 2009 et 2010 de la CPI pour crimes de guerre, crimes contre l’humanité et génocide dans le conflit du Darfour, une vaste région de l’ouest du Soudan.
Depuis ces mandats, il a pu voyager dans plusieurs pays africains sans être inquiété. C’est ainsi que ces Ongdh ont saisi la justice congolaise afin d’obtenir de celle-ci l’arrestation et le transfèrement du président soudanais qui a tant défié la justice internationale.
« La RDC, de par ses obligations résultant du traité de Rome instituant la Cour pénale internationale (CPI), qu’elle a ratifié, ne pouvait pas inviter le président El-Béchir et se doit de coopérer avec la Cour et d’exécuter les mandats d’arrêt qu’elle émet », expliquent les signataires dans un communiqué rédigé avant l’arrivée du chef d’Etat soudanais.
« La RDC doit clairement démontrer qu’elle est du côté de la justice et des victimes, pas du côté des suspects », souligne Descartes Mpongo, secrétaire exécutif de l’Action des Chrétiens Activistes des Droits de l’Homme, basée dans la province du Sud-Kivu (est).
» Comme un État partie de la CPI ayant renvoyé sa propre situation à la cour, la RDC doit démontrer clairement qu’elle se trouve du côté des victimes du Darfour, et arrêter Béchir et le transférer à la CPI. « , ajoute-t-il.
En déposant cette plainte hier au bureau du PGR, Me George Kapiamba estime que la RDC a l’obligation d’arrêter et de transférer le président Omar el-Béchir à la CPI, parce qu’il est recherché pour crimes contre l’humanité et crimes de guerre.
» C’est une insulte aux victimes du Darfour que le gouvernement congolais accueille le président soudanais. Il est un fugitif de la justice qui appartient à un seul endroit : La Haye. La RDC aurait dû suivre l’exemple d’autres pays africains y compris le Malawi, la Zambie, le Kenya et l’Afrique du Sud qui ont évité ses visites », a publiée sur twitter Elise Keppler, Directrice associée, Programme de la justice internationale de Human Rights Watch.
« En vertu de la résolution 2098 du Conseil de sécurité, la Monusco (Mission de l’Onu pour la stabilisation de la RDC) se doit d’appuyer les initiatives qui visent à arrêter et à traduire en justice les personnes responsables de crimes de guerre et de crimes contre l’humanité, notamment en coopération avec la CPI ». Pour l’instant, silence radio du côté de la Monusco.
Le responsable de l’unité d’information publique du bureau de La CPI à Kinshasa, Paul Madidi a, au cours du point de presse hebdomadaire de la Monusco demandé aux autorités congolaises de respecter ses engagements en procédant à l’arrestation et au transfèrement du président Omar El-Béchir à la CPI.
Il sied d’indiquer aussi que la délégation des Organisations congolaises des droits de l’homme qui ont déposé une plainte chez le PGR, Flory Kabange Numbi était accompagnée de la presse mais un incident s’y est produit.
Les agents de service de sécurité commis au Parquet Général de la République situé dans l’enceinte de l’immeuble INSS à Gombe ont brutalisé un cameraman de la chaîne Canal Numérique Télévision(CNTV) en la personne de Manix Mbala allant jusqu’à confisquer sa camera.
Me George Kapiamba a promis d’adresser dès ce matin, une lettre de protestation au PGR pour dénoncer le comportement de ces agents de sécurité de l’Etat.
Au nom du Statut de Rome,d’après des analystes avertis, la RDC devrait suivre l’exemple de certains pays africains comme le Malawi en évitant d’accueillir le président soudanais sur son sol.
Les appels de l’Union Africaine de ne pas coopérer à la remise de ce président impliqué dans le génocide au Darfour ne sont pas au dessus des obligations vis-à-vis de la CPI, ont argumenté les mêmes observateurs. Point n’est besoin de rappeler la visite interrompue d’ el-Béchir au Nigeria où il s’était vu contraint de quitter ce pays moins de 24 heures après son arrivée et sans avoir fait sa présentation prévue, face aux manifestations publiques, des communiqués de presse de la société civile nigériane, et l’action officielle des groupes nigérians de contraindre l’arrestation de ce fugitif .