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RDC-Rwanda : la médiation angolaise en difficulté

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RDC-Rwanda : la médiation angolaise en difficulté

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Par N.T.

La médiation que l’Union africaine (UA) a confié au Chef de l’Etat angolais, Joâo Lourenço, pour mettre fin au conflit armé entre la République Démocratique du Congo et le Rwanda, est très laborieuse. Alors que la conciliation des points de vue des deux parties est difficile à obtenir par la médiation angolaise, la guerre médiatique que se livre Kinshasa et Kigali vient encore compliquer la situation.

Lors de la 5ème réunion ministérielle de cette année entre la RDC et le Rwanda tenue le 12 octobre 2024 à Luanda, capitale de l’Angola, la médiation angolaise a demandé aux deux parties de s’abstenir des déclarations dans les médias sur le processus de paix en cours pour ne pas compliquer les choses.

La dernière passe d’arme médiatique entre les deux pays a eu lieu vendredi dernier. La Première ministre de la RDC, Judith Suminwa Tuluka, a déclaré que le Rwanda a, pour la première fois, accepté de présenter un plan pour le retrait de plus de 4.000 de ses militaires déployés en République démocratique du Congo. Judith Suminwa l’a dit au cours du forum Rebranding Africa à Bruxelles, alors qu’elle évoquait la position de son gouvernement pour le retour de la paix dans la partie Est de la RDC, notamment à travers le processus de Luanda. Pour la Première ministre congolaise, c’est une avancée significative pour la résolution du conflit qui oppose les deux pays.

Réagissant aux propos de Judith Suminwa, Olivier Nduhungirehe, ministre rwandais des Affaires étrangères a déclaré sur son compte X que son pays n’avait jamais « accepté de présenter un plan de retrait pour plus de 4.000 militaires ». Selon lui, cet engagement ne figurait nulle part dans le compte-rendu de la cinquième réunion ministérielle tenue à Luanda le 12 octobre.

Et pourtant, Il existe plusieurs preuves documentées de la présence de l’armée rwandaise sur le territoire congolais et de son soutien au groupe rebelle M23. Des experts de l’ONU ont confirmé ce soutien, qui a été condamné par plusieurs chancelleries occidentales.

Le Rwanda qui a jusqu’ici reconnu implicitement, mais pas officiellement, sa présence militaire au Nord-Kivu, pose trois principales conditions, qui sont en réalité des prétextes, pour le retrait de ses troupes et la fin de son soutien au M23. La première condition est la neutralisation dans un bref délai par la RDC des rebelles Hutu rwandais des FDLR (Forces démocratiques pour la libération du Rwanda) refugiés au Nord-Kivu et au Sud-Kivu depuis la fin du génocide des Tusti au Rwanda en 1994. Pour Paul Kagame et son régime, ils représentent un danger pour la sécurité du Rwanda. Ils demandent à la RDC de faire en quelques semaines ce qu’ils n’ont pas réussir à faire depuis près de 30 ans. L’Armée a occupé la RDC, et particulièrement le Nord-Kivu et le Sud-Kivu, sous couvert des rébellions de l’AFDL, RCD, CNDP et M23, sans réussir à éradiquer les FDLR. La deuxième condition est le retour en RDC en toute sécurité des Tutsi congolais réfugiés au Rwanda. La troisième condition est la prise en compte par la RDC des revendications des rebelles du M23, majoritairement d’origine Tutsi. Pour cela, le Rwanda exige des négociations directes entre Kinshasa et le M23.

Pourquoi le processus de Luanda ne progresse pas ?

Le processus de Luanda n’avance pas parce que la RDC négocie en position de faiblesse. Le rapport des forces sur le terrain est en sa défaveur. Son Armée a continué jusqu’il y peu à perdre des localités malgré l’appui des forces de la SADC (Communauté de développement de l’Afrique australe) déployées depuis décembre 2023 et des troupes de la MONUSCO (Mission des Nations Unies pour la Stabilisation du Congo).

Le processus de Luanda ne donne pas des résultats escomptés parce que la minorité Tutsi au pouvoir au Rwanda est puissamment armée, financée et appuyée par des grandes puissances occidentales (Etats-Unis d’Amérique, Royaume Uni et Union Européenne) ou par des puissants lobbies miniers dans ces pays. Ces lobbies croient peut-être que les ressources naturelles du Kivu qu’ils se procurent par contrebande dans les zones occupées par l’Armée du Rwanda et des groupes rebelles coûtent moins chères que s’ils se procuraient ces mêmes ressources par voie officielle en passant par Kinshasa. Le Rwanda est un petit pays de près de 27.000 km² sans ressources naturelles considérables. Si ceux qui arment le régime au pouvoir à Kigali font réellement pression sur lui et cessent de le financer, la guerre du Kivu prendra immédiatement fin. La RDC devrait peut-être négocier directement avec ces puissances pour leur permettre de se ravitailler officiellement en minerais stratégiques dans des conditions avantageuses pour les deux parties. Ce qui pourrait mettre à la guerre du Kivu.

Et puis, les puissances occidentales, avec à leur tête les Etats-Unis, ferment les yeux et laissent faire le régime de Kigali qui commet des crimes de guerre et des crimes contre l’humanité dans la partie Est de la RDC depuis 1996 jusqu’à ce jour parce qu’elles ont une dette morale envers le peuple Tutsi. En effet, les Etats-Unis que venaient de subir un revers militaire, voire une humiliation en 1993, à Mogadiscio en Somalie où leurs troupes avaient perdu une trentaine de militaires en une journée, avaient refusé d’intervenir militairement au Rwanda en 1994, entrainant ainsi les autres puissances qui ont adopté la même attitude. Les puissances qui dirigent le monde ont, à travers le Conseil de sécurité de l’ONU, laissé faire le génocide des Tutsi au Rwanda. En trois mois (avril à juillet 1994), près d’un million de Tutsi et de Hutu modérés avaient été sauvagement massacrés par des extrémistes Hutu partisans du régime du président Juvénal Habyarimana tué en avril 1994 dans un crash aérien.