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24 ans après la guerre des  » Six jours  » à Kisangani : Grogne autour de l’indemnisation des victimes

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24 ans après la guerre des  » Six jours  » à Kisangani : Grogne autour de l’indemnisation des victimes

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Par DMK

24 ans se sont écoulés depuis que la ville de Kisangani était le théâtre d’affrontements meurtriers entre troupes rwandaises et ougandaises venues en aventure sur le sol congolais. Ces deux armées d’occupation, qui avaient envahi l’Est de la République Démocratique du Congo durant la deuxième guerre du Congo (1998-2003), se sont en effet violemment battues pour le contrôle de Kisangani et de ses ressources naturelles.

Ces combats, à en croire plusieurs sources concordantes, ont fait plus de 1 000 victimes civiles, plusieurs centaines de blessées et de nombreux dégâts dans la ville.

La République Démocratique du Congo avait alors porté l’affaire devant la justice internationale et obtenu la condamnation de l’Ouganda, qui a été aussi sommé d’indemniser les victimes. L’indemnisation de ces dernières a commencé au mois de juin 2024.

Mais, sur place, certaines victimes dénoncent l’opacité entourant la gestion du Fonds pour la réparation et l’indemnisation des victimes des activités illicites de l’Ouganda (Frivao).

325 millions de dollars attendus

En RDCongo, la distribution du Frivao de juin 2000 a débuté dans la province de la Tshopo. Le processus de distribution de 160 millions de dollars reçus par la RDC, sur les 325 millions de dollars attendus est contesté par certaines victimes.
La grande erreur du Frivao est d’avoir commencé le processus d’indemnisation sans avoir recensé d’abord les victimes dans toutes les provinces concernées par cette tragédie.

Débutée le 8 juin 2024, cette campagne de réparation des victimes n’est pas appréciée de tous. On déplore, entre autres, la lenteur de traitement des dossiers. Une victime de cette guerre dite de  » Six jours  » et qui a requis l’anonymat a témoigné sur RFI:  » Depuis qu’on attendait cet argent, on a sorti une seule liste, et c’était le 10 juin qu’on a vu cette liste de 139 personnes qui devaient être payées. Mais, à la date du 2 juillet, à la banque, seulement 139 personnes étaient en attente. Et les victimes deviennent impatientes. « 

Outre la lenteur du processus, les montants même des indemnisations sont souvent jugés trop faibles. Réparties en trois catégories, les sommes forfaitaires varient de 280 à 1 040 dollars US. Elles ne constituent qu’une première tranche, avant que toutes les victimes soient identifiées dans d’autres provinces.

L’arrêt de la Cour Internationale de Justice non respecté

A en croire l’organisation de la société civile Lucha, le processus de Frivao ne respecte pas l’arrêt de la Cour Internationale de Justice (CIJ), organe judiciaire principal des Nations Unies qui avait condamné l’Ouganda en 2022:  » L’arrêt de la CIJ concerne l’espace Grand Oriental comprenant aujourd’hui les provinces de l’Ituri, du Bas-Uélé, et du Haut-Uélé. Frivao devrait donc répertorier les victimes partout là-bas. Malheureusement, Frivao a fait un vice de procédure au lieu de continuer d’abord à enregistrer les victimes. Frivao a procédé à la remise des montants aux seules victimes de Kisangani. « 

Actuellement, d’après l’Agence Congolaise de Presse (ACP) citée et la société civile citées par RFI, 3 163 victimes sur 14 000 identifiées à Kisangani ont été déclarées éligibles à l’indemnisation par le Frivao. Mais seulement quelques 100 personnes ont déjà perçu leur indemnisation !

Indemniser les victimes de Guerre de six jours

Le Frivao a été créé en avril 2023 par le président de la République, Félix Antoine Tshisekedi Tshilombo, pour indemniser les victimes de la guerre de six jours, survenue en 2000 dans ce qu’on appelait jusqu’en 2015 la Province Orientale et qui correspond désormais aux provinces du Bas-Uele, du Haut-Uele, de l’Ituri et de la Tshopo.

Pour rappel, du 5 au 10 juin 2000, les armées rwandaise et ougandaise s’étaient affrontées à Kisangani, agglomération de près d’1,5 million d’habitants située dans le Nord-Est de la RDC. Selon un rapport de l’ONU, plus de 700 personnes, des civils, y avaient été tuées durant ces six jours. Et plus de 400 habitations ont été détruites lors des affrontements.

L’opacité et la grogne qui entourent l’opération d’indemnisation des victimes de cette guerre sont suivies de très près par le nouveau ministre de la Justice, Constant Mutamba, qui vient de demander à l’Inspection générale des Finances de mener une enquête sur ce processus et de lui faire rapport.