La situation de la France au Niger de plus en plus intenable
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Par N.T.
Depuis que des militaires nigériens conduits par le chef de la garde présidentielle, le général Abdourahamane Tchiani, ont renversé le président élu du Niger, Mohammed Bazoum, le 26 juillet 2023, les relations entre la France, ancienne puissance coloniale, et les putschistes au pouvoir à Niamey, ne font que se dégrader.
Jusqu’où le président français Emmanuel Macron et son gouvernement vont-ils défier le régime militaire au pouvoir à Niamey?
Le bras de fer qui oppose depuis plus d’un mois les putschistes nigériens à la France a atteint son paroxysme avec l’ultimatum de 48 heures adressé à l’ambassadeur Sylvain Itté, prié de quitter Niamey avant le dimanche 27 août 2023. Paris refuse de rappeler son ambassadeur, affirmant que les putschistes n’avaient pas la légitimité pour l’exiger. La France ne reconnaît pas le régime issu du coup d’État et réclame la libération du président Bazoum et son retour au pouvoir.
Les militaires au pouvoir à Niamey, soutenus par une frange importante de la population, ont dénoncé les accords militaires entre la France et le Niger et souhaitent un départ rapide des militaires français présents dans ce pays du Sahel. La France dispose d’un contingent d’au moins 1 500 soldats au Niger qui est le troisième pays d’Afrique de l’Ouest, après le Mali et le Burkina Faso, à exiger la fin de la présence militaire française. La France avait justifié l’envoi de ses troupes dans ces 3 pays du Sahel par la lutte contre le terrorisme islamiste.
Le Premier ministre nommé par les militaires au pouvoir au Niger, Ali Mahaman Lamine Zeine, a affirmé lundi 4 septembre que des » échanges » étaient en cours pour obtenir un départ rapide des soldats français, tout en espérant obtenir une » entente » avec les pays ouest-africains de la Cedeao qui brandissent la menace d’une intervention armée. Il a affirmé que les forces françaises » sont dans une position d’illégalité » et estimé que » les échanges qui sont en cours devraient permettre très rapidement que ces forces se retirent « .
Pendant ce temps, les autorités nigériennes ont mis sous blocus la résidence de l’ambassadeur de France à Niamey car les provisions ne peuvent plus y pénétrer. La situation difficile dans laquelle se trouve l’ambassadeur Sylvain Itté suscite des réactions, voire des dissensions, au sein de la classe politique française, y compris dans la majorité au pouvoir.
Qu’est-ce qui explique le déclin de l’impérialisme français en Afrique ?
Depuis les indépendances, on totalise près de soixante-dix opérations ou interventions militaires de Paris sur le continent africain. En 2011, il n’y a pas si longtemps, les soldats français intervenaient à Abidjan à l’arme lourde pour renverser le régime de Laurent Gbagbo et installer le poulain de la France, Alassane Ouattara.
Qu’il soit légitime ou non, ce militarisme apparaît pour beaucoup de jeunes africains totalement anachronique et assimilé à une force d’ingérence, voire d’occupation. Avec le franc CFA, la charge symbolique reste extrêmement forte. Allié à l’échec relatif de la lutte contre les groupes djihadistes, il produit énormément de frustrations et de ressentiment.
Le journaliste Frédéric Lejeal, auteur du livre Le Déclin franco-africain. L’impossible rupture avec le pacte colonial (L’Harmattan, 2022), réédité plus tôt en mars 2023, s’est confié le 30 Août dernier au journal Le Point pour expliquer ce déclin de l’influence française en Afrique.
» Dans cette crise multifactorielle qui se joue au Sahel, zone la plus pauvre au monde, la France est au centre des critiques parce que, plus globalement, elle paie en boomerang soixante ans d’interventionnisme en Afrique, d’ingérence politique, souvent pour installer, voire préserver des régimes autocratiques conformes à ses intérêts, une monnaie directement issue de la période coloniale ou encore un discours stigmatisant sur la façon dont les Africains doivent vivre, combien d’enfants ils doivent faire, quel régime politique ils doivent adopter, etc « , a-t-il dit. » La plupart des autres puissances n’ont ni ce récit ni de passé colonial ou s’en sont largement détachés à l’instar du Portugal, de l’Allemagne ou du Royaume-Uni « , a-t-il poursuivi.
D’autres partenaires comme la Chine n’ont pas du tout la même approche et valorisent d’ailleurs l’absence du passé colonial. Du temps de l’ex-URSS, la Russie a financé et appuyé de nombreux mouvements de libération, à commencer par l’ANC de Nelson Mandela. Tout ceci parle aux jeunes générations, a affirmé Frédéric Lejeal.