Droits de l’homme et mouvement syndical : Un groupe de réflexion livre les espoirs et craintes des Congolais après les élections de 2018
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Le « Groupe de Réflexion membres des ONGDH et syndicats » constitué de Bobotobi Ndjoni Amédée, Ifunga Bilo Félicien, Baluishi Kankoshie Jacob, Kinunu Zéphyrin et Mufwenge Kapaya Anselme, a produit un document, dans lequel il se penche sur les espoirs et craintes de la population après les élections intervenues le 30 décembre 2018.Fournie par des hommes en contact avec divers milieux du fait de leurs fréquentations, la réflexion retouchée à certains endroits mérite une attention de la part des gouvernants et gouvernés
Le contenu remanié
Plus de deux mois se sont écoulés après la tenue des élections générales en République démocratique du Congo (RDC). Les moments des agitations sont passés. L’heure est à la réflexion. Le peuple s’interroge : Quel sort lui est réservé durant ce quinquennat qui commence ? Qu’est ce qui peut justifier objectivement ses espoirs ? Que devrait-il craindre ?
La population congolaise voulait une alternance politique pacifique qui serait issue des élections libres et transparentes. Cette population s’est battue durant de longues années avec espoir d’aboutir à une alternance démocratique. Évidemment, cette alternance n’aura de sens que si elle favorise l’alternative dont l’aboutissement sera le changement effectif du système mis en place par le président sortant.
Si la Commission Électorale Nationale Indépendante (CENI) et le Gouvernement congolais ont eu à organiser des élections telles qu’il les voulait, par contre le peuple lui n’a pas eu nécessairement des élections auxquelles il s’attendait. Les frasques de ce processus électoral ont été documentées et fort commentées. En effet, bien qu’ayant abouti à une passation pacifique du pouvoir entre le président sortant et entrant, il y a lieu de déplorer certaines failles enregistrées à l’issue des élections présidentielle, législatives et provinciales.
A titre illustratif :
– Plusieurs fraudes électorales perpétrées
– Retard d’affichage des listes électorales par la CENI
– Beaucoup d’enrôlés n’ont pas retrouvé leurs noms sur les listes électorales ;
– Pas d’affichage des PV dans plusieurs bureaux de vote ;
– Suspension de la campagne électorale ;
– Coupure de la connexion internet et les messageries ;
– Nombre élevé des requêtes introduites à la Cour Constitutionnelle ou aux Cours d’Appel par différents candidats ;
– Le mépris dans le chef de la CENI ;
– Report unilatéral des élections par la CENI dans certains territoires et villes du pays ;
Qui ignore que la RD Congo a un problème d’hommes ? La moralisation de la vie politique est absolument nécessaire si on veut obtenir des hommes capables et intègres à la tête des institutions. Par conséquent, il n’y a rien à attendre de bon d’une grande partie de la classe politique foncièrement corrompue excellant dans la médiocrité.
L’espoir n’est pourtant pas perdu. Tant qu’il sera le peuple, tous les espoirs resteront permis. Le peuple n’est-il pas le souverain primaire ? N’y a-t-il pas une Constitution qui lui reconnaît cette souveraineté et cette primauté sur toutes les Institutions ? N’a t –il pas l’avantage du nombre ? N’est-il pas producteurs des richesses ? Il suffit pour lui de trouver des leaders qui vont transformer ce potentiel en effectivité de pouvoir.
Pour autoriser tous les espoirs, le peuple souhaite que la cohabitation politique entre la Majorité Présidentielle (MP) devenue (FCC) et le Président entrant soit une cohabitation pacifique et surtout productive. Pour qu’il en soit ainsi, il faudra créer un équilibre des forces qui semble fragile aujourd’hui au vu des atavismes et des réflexes prédateurs de la classe politique congolaise.
Le nouveau Président et son gouvernement doivent regarder dans la même direction dans l’intérêt général de la Nation. Les immenses ressources de la RDC n’attendent que des hommes capables et intègres pour en faire un pays fort et prospère.
C’est plus une question de volonté politique que de temps.
Malgré que tous les espoirs soient permis à certaines conditions, évidemment, le peuple a tout aussi les raisons de craindre pour ce quinquennat qui commence. Si la population s’était rendue aux bureaux de vote, c’était pour sanctionner un régime qui l’a paupérisée et opprimée. Fort malheureusement, cette même classe politique décriée tient coûte que coûte à rester aux affaires. Alors, on se trouve dans l’obligation de composer avec cette classe.
Avant les élections = âpres les élections
Pour que le peuple puisse objectivement s’autoriser un espoir de bien-être, le Président Félix Antoine Tshisekedi Tshilombo devrait d’abord réussir l’exploit d’imposer au gouvernement de cohabitation une ligne de conduite qui va dans l’intérêt du peuple. Il doit se construire un leadership fort dont il ne doit tirer la sève que dans le peuple dont les attentes sont très vives et fortes.
S’il s’hasarde à vouloir satisfaire à la fois le peuple et ses « partenaires » du gouvernement de cohabitation, il affaiblira son leadership et échouera inévitablement sur le plan social comme tous ses prédécesseurs présidents. Le quinquennat qui commence s’annonce houleux où par exemple tous les attributs du pouvoir sont confisqués par le président sortant.
En effet, bien que le peuple congolais soit épris de paix et réputé pour sa grande résilience dans la souffrance, est-ce qu’il saura continuer à contenir ses exaspérations et ses frustrations pendant cinq ans ou plus sans une réponse à ses attentes ? Il y a fort à parier qu’une implosion sociale reste probable, d’autant plus que cette majorité présidentielle sortante n’avait pas organisé cette stratégie électorale pour faire le lit de l’ancienne opposition. Lorsqu’on écoute les propos triomphalistes du FCC, on peut déjà connaître où sont les intérêts et à quoi s’en tenir. Wait and see.
On est mieux servi que par soi-même. La seule garantie pour le peuple reste l’option de l’auto-prise en charge. Malheur à l’homme qui se confie en l’homme. Le peuple doit cesser de rester un enfant, il doit grandir. Après 59 ans d’indépendance, le peuple est bientôt sexagénaire, il doit s’organiser en vue de se prendre en charge. Il doit se choisir des leaders engagés et capables à tous les niveaux dans toutes les couches de la société. La société civile congolaise est affaiblie par le débauchage permanent de ses animateurs aux ambitions politiques inavouées. C’est comme si la société civile n’était pour eux qu’une antichambre du pouvoir.
On ne saura terminer ce remue-ménage sans exprimer les préoccupations formulées par certains Congolais lors des séminaires et autres ateliers organisés par les acteurs sociaux. D’aucuns se demandent : presque toutes les élections organisées en Afrique ne produisent que des résultats contestables avec des contentieux électoraux. Pourquoi dès lors, l’Union Africaine (UA) ou l’ONU n’initieraient- elles pas la création des Tribunaux d’arbitrage des contentieux électoraux supranationaux qui auraient Force Contraignante.
Si les élections qui sont l’un des piliers de la démocratie sont de temps en temps contestées, on ne fait qu’apporter du grain au moulin des terroristes et des populistes de tous genres. Ce qui est une menace contre la Paix et Le bien-être des peuples.
En ce qui concerne la RDC, faudrait-on ajouter d’autres organes d’accompagnement ou d’appui de la démocratie en vue de protéger le souverain primaire contre certains abus généralement constatés ?
Toutes ces préoccupations relevées peuvent constituer matières à débats ultérieurement pour prévenir les conséquences des dérapages et failles au lieu d’attendre pour prendre acte.
Fait à Kinshasa, le 04 avril 2019