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Yumbi : un rapport très accablant de FIDH !

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Yumbi : un rapport très accablant de FIDH !

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Selon les enquêteurs de la Fédération internationale des Ligues des droits de l’homme, ces massacres étaient prémédités. Aussi, invitent-ils les autorités congolaises à faire toute la lumière sur ces crimes, afin d’identifier les responsables et de les traduire en justice

Des dépouilles des victimes des massacres de YumbiDes élections législatives et provinciales partielles se sont déroulées, le  dimanche 31 mars dernier, à Yumbi, un des territoires de la province de Maï-Ndombe, dans un contexte de vives tensions après les massacres survenus dans cette partie du pays entre le 16 et le 18 décembre 2018.

C’est dans ce contexte que les organisations membres de la Fédération Internationale des Ligues des droits de l’Homme(FIDH), à savoir Association Africaine de défense des droits de l’homme(ASADHO), Ligue des Électeurs(LE) et Groupe Lotus s’étaient rendus dans le territoire de Yumbi pour procéder aux enquêter.

Les témoignages recueillis par ces enquêteurs relèvent qu’il s’agissait des attaques, qui selon les sources de la FIDH, étaient prémédités et ont fait de plus de 500 victimes civiles. Selon ces mêmes sources, certaines autorités locales ont soutenu la préméditation de ces attaques.

L’objectif de la mission de la FIDH était de préciser «les types de crimes commis lors de ces attaques à Yumbi», et d’en déterminer les responsabilités présumées, ainsi que  d’évaluer la situation politique et sécuritaire actuelle dans ce territoire de la province du Maï-Ndombe.

Dans ce contexte, ASADHO, LE et Groupe Lotus ont, dans un document, appelé les autorités congolaises à redoubler d’efforts pour faire toute la lumière sur ces crimes, afin d’identifier les responsables et de les traduire en justice. Kinshasa est appelé également à prendre des mesures sécuritaires et d’apaisement pour éviter de nouvelles violences à Yumbi.

Des témoignages qui accusent

Lors de leurs enquêtes, menées du 23 février au 1er mars 2018, les membres des organisations congolaises sociétaires de la FIDH ont pu recueillir une dizaine de témoignages de victimes, et échanger avec des témoins, des représentants religieux et de la société civile, ainsi que des autorités locales.

Ces témoignages ont fait état des attaques de grande ampleur, de potentiels crimes contre l’humanité perpétrés dans cette partie de la province de Mai-Ndombe. Des témoignages qui décrivent la présence des anciens membres des Forces armées congolaises (FARDC), parmi les assaillants qui ont utilisé les armes à feu et de techniques de camouflage. Même l’organisation tactique des attaques a été démontrée.

Identiques dans toutes les localités visées, ces attaques laissent penser que leurs commanditaires avaient une certaine expérience militaire. Enfin, la plupart des personnes interrogées relatent que les propos tenus par certains assaillants donnaient l’intention de détruire la communauté «Banunu», dont les membres ont constitué l’unique cible, à en croire toujours ces sources.

Plusieurs témoignages évoquent aussi que, lorsqu’ils avaient un doute sur l’identité d’une personne, les assaillants n’hésitaient pas à lui demander de préciser son patronyme et/ou sa communauté d’appartenance. D’autres témoins décrivent comment certains assaillants rassuraient les membres de l’autre communauté, «les Batende», qu’ils ne s’attaqueraient qu’aux personnes «Banunu».

« J’ai assisté, impuissant, à un carnage que rien ne saurait extirper de mes souvenirs. J’ai vu ma mère biologique, ma nièce, mon collègue et son épouse, ma sœur de foi et son bébé de deux mois, tous se faire fusiller à bout portant. Mademoiselle et moi-même n’avons eu la vie sauve que parce que nous étions identifiés comme proches de la communauté Batende», témoignage d’un homme recueilli sur place.

D’autres éléments recueillis sur place par les organisations congolaises membres de la FIDH font écho des résultats de l’enquête menée par les Nations unies à travers le Bureau Conjoint des Nations Unies aux Droits de l’homme(BCNUDH).

C’est le cas de cet autre témoignage; «arrivée au Beach‚ j’ai vu plusieurs cadavres décapités qui gisaient au sol et une trentaine qui descendaient tout saignant sur les eaux du fleuve. C’est alors que j’ai aperçu la présence de deux hommes armés de fusils et de machettes, aux visages noircis et cagoulés. Il s’agissait des garçons de la communauté de Batende que je connais parfaitement bien pour les avoir plusieurs fois vus dans le quartier. Du coup‚ l’un d’eux m’a appelé par mon nom propre en voulant savoir où j’étais en train de partir. Je lui ai lui répondu que je voulais traverser à Brazzaville en vue d’échapper à la mort.

Il m’a  répondu que je n’avais plus qu’à prier Dieu [et] de me préparer à rendre l’âme! Sans plus tarder‚ il a tiré à bout portant sur mon bébé et nous sommes tombés à côté d’une pirogue. Alors que je faisais semblant d’être morte‚ il a tiré trois balles de calibre 12 sur ma clavicule gauche et s’en est allé […]», à soutenu d’une femme sur place à Yumbi par les enquêteurs de la FIDH.

«Nous avons tout perdu du fait de cet incident malheureux. Nous avons, moi et mon épouse,  survécu de façon tout à fait miraculeuse. Nous sommes pour le moment logés ici dans la maison de ma belle famille. Il faudra du temps pour nous reconstruire socialement et physiquement. Surtout si le gouvernement central ne mène pas véritablement d’actions en faveur des victimes des atrocités qui viennent d’endeuiller notre cité de Yumbi », encore un témoignage d’un déplacé recueilli sur place.

Des crimes contre l’humanité

Des exactions recensées ont été commises à grande échelle et constituent potentiellement des crimes contre l’humanité: meurtre d’au moins 535 personnes, mutilations y compris sexuelles, actes de tortures et des traitements dégradants et inhumains, pillages, incendies de bâtiments, en grande majorité des lieux d’habitation. Ces crimes ont été, pour la plupart, commis en raison de l’appartenance réelle ou supposée sur des personnes ciblées d’une même communauté de «Banunu». Les auteurs étaient des membres de la communauté de «Batende».

Les conclusions, des enquêtes menées par la FIDH, font état des attaques probablement préméditées, soutenues par des représentants des autorités locales. Alors que les autorités provinciales avaient été alertées de l’imminence d’une attaque, aucune mesure spécifique n’a été prise en matière de prévention et de gestion de violences, déplorent les membres de la FIDH.

D’après les éléments d’informations des organisations congolaises membres de la FIDH, «l’ampleur, la rapidité, l’intensité et la coordination de ces violences témoignent du caractère prémédité de ces attaques». Concernant les résultats de l’enquête, il apparaît évident que «le désaccord sur le lieu de l’enterrement de Mantoma Fedor, chef de la communauté Banunu, n’a été que le déclencheur d’une série d’attaques planifiées.

Surtout que le propre père du chef coutumier Mantoma Fédor, Bompinda Tambo Molomi Wabaniama a été inhumé dans la concession familiale sans que cela ne pose aucun problème à l’époque, note FIDH.  Ces attaques sont intervenues sur fond de rivalités récurrentes entre les deux communautés «Batende» et «Banunu», liées notamment aux droits coutumiers sur l’accès à la terre et aux ressources du territoire.

Un signal positif du Gouvernement

Selon la FIDH, la déclaration de Mme Marie Ange Mushobekwa, ministre congolaise des droits humains, reconnaissant sur les ondes de Radio France Internationale (RFI) les implications d’acteurs politico-administratifs locaux, est un signal positif. Mais seulement les inquiétudes sont relevées d’un avancement incertain des enquêtes si elles sont initiées par les autorités nationales, signale l’organisation internationale.

Les autorités ont procédé à l’arrestation de 14 personnes, principalement sur la base de témoignages récoltés auprès de rescapés ou de témoins des violences. Toutefois, d’après les informations recueillies par la FIDH, aucun commanditaire présumé des attaques ne figurerait parmi elles.

La FIDH encourage cependant les autorités congolaises à poursuivre et étendre leurs enquêtes afin d’identifier les vrais responsables de ces massacres. Elle exhorte, en outre, les mêmes autorités congolaises à faire de la lutte contre l’impunité l’une de leurs premières priorités, ainsi que d identifier et de poursuivre les auteurs de crimes graves, y compris ceux exerçant des responsabilités au sein de l’État.

« En plus des mesures d’enquêtes et les poursuites impératives, les autorités doivent prendre la mesure des tensions existantes entre les différentes communautés et échanger avec les populations sur les mesures nécessaires à un apaisement des tensions, et pouvant contribuer à la reconstruction des liens entre les communautés concernées», conseille l’organisation mondiale.

Dans le cadre toujours de la conclusion des enquêtes, les violences ont, par ailleurs, eu de graves conséquences sur la situation économique, sociale et humanitaire dans le territoire de Yumbi, où près de 16 000 personnes ont été contraintes de se réfugier en République du Congo, tandis que plus de 3 000 autres sont déplacées dans les villages voisins, mais aussi dans la province de l’Équateur. Ces déplacements de populations ainsi que les destructions d’habitations et de biens ont de sérieuses conséquences en matière de disponibilité et d’accès aux ressources alimentaires, aggravées par l’interruption du commerce entre les deux communautés concernées.

Les violences perpétrées à Yumbi ont visé des populations civiles sans défense, dont un grand nombre de femmes et d’enfants, en pleine période électorale. Les liens économiques et sociaux entre les communautés Banunu et Batende sont largement dégradés, rendant difficile tout vivre-ensemble.

Par GKM

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