Confirmation de la constitutionnalité de la Loi électorale : Le consensus électoral recommandé pour éviter l’enlisement et le blocage
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L’expertise de l’I-AICGD alerte sur l’impossibilité d’organiser les élections provinciales, la possibilité d’écarter des candidatures sans recours juridictionnel effectif, la difficile élection des indépendants, les atteintes au secret de suffrage…
L’Institut Alternatives et Initiatives Citoyennes pour la Gouvernance Démocratique (I-AICGD) a pris acte de la décision de la Cour Constitutionnelle adoptée par quatre juges pour et quatre contre avec la voix prépondérante du Président de la Cour Constitutionnelle et confirmant la constitutionnalité de la Loi électorale.
Pour Me Lumu Mbaya Sylvain, Directeur Exécutif de l’I-AICGD, la nouvelle loi électorale confortée par l’Arrêt de la Cour Constitutionnelle cristallise les constantes comme l’impossibilité d’organiser les élections provinciales sans amendement additionnel, la possibilité d’écarter des candidatures sans recours juridictionnel effectif, l’impossibilité mathématique, sauf cas de miraculeux hasard, pour les candidats indépendants d’être élus dans la quasi-totalité des circonscriptions, la limitation des possibilités pour les candidats de faire campagne.
L’avocat fait également état de la possibilité d’atteintes accrues au secret du suffrage à travers l’assistance au vote et note le mode de scrutin particulièrement complexe, et qui favorise considérablement le parti arrivé en tête au niveau national.
Il y a aussi des possibilités de délais, de blocage et de désordre dans le calcul des résultats en sièges, et rend ce calcul moins transparent, l’affaiblissement de la portée de l’article 14 de la Constitution portant principe de parité homme-femme et le maintien en théorie de l’interdiction du vote électronique (art.237 ter) malgré le recours à la Machine à voter décidé par la CENI.
Pour toutes ces raisons, l’I-AICGD en appelle à la raison et à la bonne foi des acteurs et de l’ensemble des parties prenantes au processus électoral pour la construction d’un consensus électoral, seul capable de conduire le pays à des élections libres et apaisées.
Déception
En effet, l’I-AICGD avait salué la promulgation de la loi électorale le 24 décembre 2017 comme un pas accompli vers la tenue des élections du 23 décembre 2018. Juste après sa publication au Journal officiel le 29 décembre 2017, quatre requêtes ont été déposées devant la Cour Constitutionnelle au cours des mois de janvier et février 2018 par les députés et sénateurs aussi bien de l’Opposition que de la Majorité, et par les partis politiques pour obtenir l’inconstitutionnalité de certaines dispositions de cette loi.
Il s’agit principalement de l’article 146 instituant le seuil de représentativité d’un minimum de 1% de suffrages à obtenir au niveau national pour les législatives nationales et des articles 104, 121 et tout autre qui haussent les frais de candidature, notamment à 1.600.000 CDF (équivalent de 1.000 dollars) par candidat pour les élections législatives nationales.
Faisant suite à ces requêtes, la Cour Constitutionnelle a rendu un arrêt le 30 mars 2018 déclarant toutes ces requêtes non-fondées et, par ce fait même, a confirmé la conformité de la loi électorale à la Constitution.
L’I-AICGD ne compte faire aucun jugement des valeurs ni critique sur ledit arrêt. Cependant, l’Institut a formulé quelques reproches à cet arrêt, et surtout a exprimé sa déception sur les requérants ainsi que les préoccupations persistantes de l’opinion nationale. L’I-AICGD s’interroge quant aux garanties que doit offrir la Cour Constitutionnelle en ce qui concerne la gestion impartiale et indépendante du contentieux des élections à venir.
Il regrette que la Cour Constitutionnelle n’ait pas profité de cette occasion pour notamment recommander au Parlement de corriger l’article 146 de la loi électorale qui n’a pas été modifié lors de la dernière révision afin de le conformer à la nécessité de fonder la répartition des sièges au regard du nombre d’électeurs enrôlés et non plus du nombre d’habitants recensés.
Sans retour de la loi devant le législateur, la CENI n’aura pas de mécanismes clairs pour procéder à la répartition des sièges, sans laquelle les élections provinciales ne peuvent se tenir valablement, a martelé l’Institut.
Crainte de violences imprévisibles
L’I-AICGD tient à attirer l’attention de toutes les parties prenantes sur quelques défis qu’impose la nouvelle loi. L’un des défis majeurs du seuil de représentativité déterminé au niveau national pour les législatives nationales est la disqualification des listes arrivées en tête au niveau local au motif qu’elles n’auront pas atteint celui-ci au niveau national.
Ceci alimenterait, selon l’I-AICGD, des incompréhensions des électeurs et des réactions politiques imprévisibles, les désordres et les violences. L’Institut signale que le nouveau système électoral va favoriser le parti arrivé en tête au niveau national, et cristallise désormais l’impossibilité d’élection des candidats indépendants dans la quasi-totalité des circonscriptions.
L’effet le plus préoccupant de cette modification du mode de scrutin est le risque d’enlisement du processus après les scrutins et de blocage du calcul des résultats afin de les traduire en nombre de sièges et leur répartition.
En effet, cette opération ne peut logiquement débuter dans chaque circonscription qu’à partir du moment où la CENI aura reçu tous les résultats du pays, puisque le quotient par lequel on attribue les sièges dans une circonscription ne peut être calculé que lorsque l’on a déterminé quelles listes ont atteint ou sont au-dessus du seuil au niveau national.
Me Sylvain Lumu note également que le processus est largement contrôlé par la CENI elle-même. Ce qui devient un véritable défi en termes de transparence pour les candidats, les témoins et, même, pour les observateurs qui n’auront pas tout de suite une visibilité complète de la situation sur l’ensemble du pays afin de procéder probablement à calculer seuls les résultats et en sièges.
Par GKM