Après la Grande-Bretagne : La Suisse sanctionne des proches de Joseph Kabila
Partager
Il s’agit des généraux Ilunga Kampete, Amisi Kumba dit Tango Four, Ferdinand Ilunga Luyolo, Eric Ruhorimbere, Célestin Kanyama, John Numbi, Kibelisa Roger, Delphin Kaimbi… sans oublier Alex Kande Mupompa, Jean-Claude Kazembe, Lambert Mende, Evariste Boshab, Ramazani Shadary et Kalev Mutond
Cette fois, c’est autour de la Confédération helvétique de prendre des sanctions contre une série de « responsables » congolais. Dans un document de trois pages, sorti mercredi 21 février dont la rédaction de la Tempête des Tropiques s’est procurée une copie, 14 personnalités proches du président Joseph Kabila sanctionnées par l’Union Européenne sont interdites de séjour et de transit en Suisse.
Leurs avoirs sont également gelés. Toutes ces personnalités sont déjà apparues sur les listes des sanctions américaines et/ou de l’Union européenne. Dans la liste nominative des 14 personnalités, on trouve les officiers généraux et de la Police nationale congolaise (PNC) de haut rang ainsi que d’anciens gouverneurs.
Il s’agit des généraux Kampeta Ilunga, chef de la Garde Républicaine, Kumba Gabriel Amisi dit Tango Four (FARDC), Luyoyo Ferdinand Ilunga, chef de l’Unité Anti-émeute de la PNC, Célestin Kanyama Tshishiku, numéro 1 de l’école de formation de la PNC, John Numbi Banza Tambo, Eric Ruhorimbere, Kibelisa Roger, Delphin Kaimbi de la Demiap.
S’agissant de personnalités civiles, il faut noter les noms du professeur Boshab Evariste, ancien ministre de l’Intérieur et de la Sécurité, Alex Kande Mupompa, ancien gouverneur du Kasaï-Central, Jean-Claude Kazembe Musonda, ancien gouverneur du Haut-Katanga Katanga, Lambert Mende Omalanga, ministre de la Communication et Médias et Porte-parole du gouvernement, Emmanuel Ramazani Shadary, ancien ministre de l’Intérieur et Kalev Mutond, Directeur Général de l’ANR.
Ces dignitaires du régime de Kinshasa font état d’atteintes graves aux droits de l’homme, de crimes, de répression violente. Ces Congolais sont considérés comme des responsables directs ayant contribué à la non tenue des élections dans le délai prévu par la Constitution. La décision de la Suisse constitue aux yeux des observateurs un message fort envoyé aux autorités congolaises. Car, ce sont les bras droits de Joseph Kabila qui sont frappés.
A Kinshasa, le gouvernement de la RDC a mandaté une équipe d’avocats belges pour défendre ces personnalités congolaises visées par les sanctions de l’UE. Ces avocats n’ont que quelques jours pour déposer le recours devant le tribunal de l’Union européenne à Luxembourg d’ici le 6 mars.
L’ordonnance de la Confédération Helvétique du 21 Février 2018 portant gel des avoirs et interdiction de séjour en territoire Suisse aux personnalités congolaises sanctionnées par l’UE intervient une semaine après la décision du gouvernement britannique de geler les fonds de ces proches de Joseph Kabila sous sanction de l’Union Européenne.
Le ministre britannique des Finances, John Glen qui répondait à une question de la députée Helen Goodman qui rappelait au gouvernement britannique sa part de responsabilité face aux pays de l’UE, pour avoir exigé le gel de tous les avoirs de ressortissants congolais présentés comme responsables de violations des droits de l’homme en RDC.
Ainsi donc, une somme de 652 millions d’euros est gelée par Londres dans le cadre de l’application de cette mesure de rétorsion vis-à-vis de la RDC.
Le cœur du régime Kabila frappé !
Parmi les personnes ciblées par la Suisse, on retrouve, notamment, le général Amisi Tango Four et le général Kampete, pour leur rôle « déterminant » dans les violences à Kinshasa en septembre 2016. Amisi et le chef de la Garde républicaine, le Général Kampete, ont alors dirigé un centre de commandement des opérations à Kinshasa, indique ce document.
Les généraux auraient donné des ordres aux forces de sécurité sur le terrain qui ont commis des exactions. Notons que la réserve fédérale américaine avait imposé des sanctions contre le Gl Amisi le 28 septembre et l’Union européenne lui en a aussi imposé le 12 décembre 2016. L’UE a imposé des sanctions contre Kampete le 12 décembre 2016.
Quand à Ferdinand Ilunga Luyolo, Chef de l’unité anti-émeute de la police, appelée Légion nationale d’intervention (LENI) de la police congolaise, il était à la tête des troupes impliquées dans un usage excessif de la force pendant les manifestations de Kinshasa en septembre 2016.
Il aurait commandé les unités de la Garde républicaine déployées en uniforme de police pendant les manifestations de septembre 2016, armées de fusils d’assaut et de grenades, et responsables de nombreux meurtres. Les troupes commandées par Ilunga Luyolo sont accusées d’être responsables de la disparition des cadavres des victimes. L’Union européenne a imposé des sanctions contre Ferdinand Ilunga Luyolo le 12 décembre 2016.
Les cas Mobutu, Sany Abacha …
La plupart des dictateurs africains gardent leur argent dans les banques suisses. Les cas des anciens présidents Mobutu (Zaïre) et le général Sany Abacha (Nigéria), Ben Ali (Tunisie), Hosni Moubarak (Egypte), Mouammar Kadhafi (Libye).
Le président Mobutu avait, dans les banques suisses, une somme modique de 520 millions d’Euros. Mais les organisations de la société civile, parmi lesquelles la Nouvelle Alternative pour le Développement (NAD) de Victor Nzuzi, avait mené un plaidoyer auprès des autorités helvétiques et congolaises afin que l’argent de Mobutu gelé en Suisse soit rapatrié en RDC.
Cet appel n’a pas été entendu du fait que le gouvernement de l’époque a refusé d’entrer dans cette affaire en vue de préserver les coalitions politiques scellées entre l’Alliance de la Majorité Présidentielle (AMP) et l’Union des démocrates Mobutistes (UDEMO) de Nzanga Mobutu, alors vice-premier ministre et numéro deux de l’exécutif.
Les tentatives de la Suisse pour restituer au peuple congolais les 7,7 millions de Francs déposés par Mobutu dans les banques helvétiques se sont heurtées à un mur d’avidité.
«La Suisse a constaté avec grande amertume que le gouvernement congolais n’a jamais apporté son soutien», a affirmé Linus von Castelmur, alors ambassadeur suisse en RDC. Selon lui, les autorités congolaises n’ont en effet jamais apporté à la justice suisse les éléments prouvant l’origine illicite des fonds.
Grâce au concours de la Banque Mondiale à travers le mécanisme STAR, le Nigeria a réussi à récupérer les fonds laissés par Sany Abacha en Suisse. Ce qui a fait qu’en 2005, le Tribunal fédéral a décidé que la majeure partie des fonds Abacha (chef d’Etat nigérian de 1993 à 1998) bloqués en Suisse, soit quelque 460 millions de dollars américains, était manifestement d’origine criminelle et qu’elle pouvait, par conséquent, être restituée au Nigeria sans qu’aucune décision de confiscation de l’Etat requérant ne soit nécessaire.
Au total, l’accord pour le principe du monitoring a porté sur 700 millions de dollars américains. Espérons qu’après les élections, le nouveau président s’investira, pour récupérer les avoirs des personnalités congolaises sous sanction de l’UE, gelés en Suisse comme l’a fait le Nigeria pour Abacha.
Par GKM