Experts de l’ONU tués en RDC : Washington somme Kinshasa de collaborer!
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Réagissant à la version présentée à New-York par She Okitundu, l’Ambassadrice Nikki Haley demande à Joseph Kabila de livrer les suspects dont les noms figurent sur la liste qu’elle lui a personnellement remise
L’affaire de l’assassinat de deux experts de l’ONU survenu il y a quelques mois en République démocratique vient de rebondir au Conseil de Sécurité avec la remise en cause par les autorités américaines de la version des faits présentée à ce sujet par les dirigeants de la RDC.
En effet, en marge d’une réunion informelle du Conseil de Sécurité organisée à New-York et portant sur l’évaluation des préparatifs des élections présidentielle et législatives attendues cette année en RD Congo, l’ambassadrice américaine à l’ONU, Nikki Haley, a fait une révélation troublante en affirmant avoir personnellement remis une liste de suspects au président Joseph Kabila lors de leur entrevue en octobre dernier, liste censée lui permettre de faire toute la lumière dans ce dossier.
Cette révélation, Nikki Haley l’a faite en réaction aux déclarations faites, séance tenante, par le Vice-Premier congolais des Affaires étrangères, M. Léonard She Okitundu, concernant l’enquête faite par la RDC sur l’assassinat des deux experts de l’ONU et qui, selon le ministre, présente les miliciens Kamuina Nsapu (alors très actifs au Kasaï) comme auteurs du meurtre des deux experts de l’ONU.
Selon les informations recueillies par RFI, la liste évoquée par l’Ambassadrice américaine à l’ONU et qu’elle affirme avoir remise personnellement en octobre dernier au Chef de l’Etat congolais, comporterait les noms d’individus impliqués dans le meurtre des deux experts onusiens. Et le fait que Kinshasa n’ait, depuis lors, entrepris aucune action sérieuse, signifierait que les dirigeants de la RDC remettaient d’office en cause la version présentée par ces derniers sur les circonstances de la mort des deux experts de l’ONU.
Pour rappel, le 12 mars 2017, l’Américain Michael Sharp et la Suédoise Zaida Catalan étaient tués au Kasaï Central, assassinat imputé par le gouvernement congolais à des miliciens Kamuina Nsapu. Une enquête de RFI et Reuters avait révélé que des agents de l’Etat étaient impliqués dans l’organisation de la mission qui a coûté la vie aux deux experts onusiens.
Le chef de la diplomatie congolaise était-il au courant de la liste de noms que l’Ambassadrice américaine à l’ONU avait remise en octobre dernier à Joseph Kabila? Rien n’est moins sûr. Sinon, She Okitundu ne se serait peut-être pas époumonné à soutenir la version Kamuina Nsapu comme étant la preuve de «l’engagement des autorités congolaises à lutter contrre l’impunité».
On imagine donc l’embarras de She Okitundu lorsqu’il a entendu de la bouche de l’Ambassadrice américaine à l’ONU: « En ce qui concerne le meurtre des deux experts, demandez au président Kabila ce qu’il a fait de ma liste. Je lui ai donné une liste et il n’a pris aucune mesure. Cette liste est ce que nous considérons comme devant faire l’objet d’une enquête. Et c’est une liste très sérieuse en référence à la mort de ces deux personnes »!
Selon un porte-parole de la représentation américaine à l’ONU, il s’agit d’une liste « vérifiée » d’individus impliqués dans le meurtre de l’Américain Michael Sharp et de la Suédoise Zaida Catalan. Nikki Haley l’aurait remise en main propre et à sa demande au président Kabila lors de sa visite d’octobre dernier. « Mais à ce jour, aucune action sérieuse n’a été prise ni par le président Kabila, ni par le gouvernement de la RDC pour enquêter et arrêter les personnes impliquées », a confié ce porte-parole à RFI.
La version soutenue par Kinshasa sur les circonstances de la mort des deux experts onusiens au Kasaï aurait aussi du mal à convaincre la Suède, également concernée par ce double meurtre. Pour les autorités suédoises, leur conviction sur cette affaire dépendra des conclusions de l’enquête que mène le procureur Robert Petit et les experts nommés par le Secrétaire général de l’ONU pour suivre la dite enquête.
Après la révélation faite par l’Ambassadrice américaine à l’ONU, Kinshasa a désormais tout intérêt à collaborer en toute transparence avec l’équipe du procureur Petit concernant les interrogatoires auxquels devront être soumis les suspects dont les noms figurent sur la liste que Mme Nikki Haley a remise personnellement au Chef de l’Etat congolais. Autrement, la version Kamuina Nsapu ne sera plus défendable au siège de l’ONU, à New-York.
Non au vote électronique aux élections en RDC
Il ressort aussi de la réunion informelle tenue par l’ONU, à New-York, que les Etats-Unis ont clairement faire savoir à Corneille Nangaa Yobeluo leur opposition au recours à un système électronique de vote pour les élections présidentielle, législatives et provinciales prévues le 23 décembre en République démocratique du Congo. Cette position a été notamment exprimée par Nikki Haley, l’ambassadrice américaine à l’ONU.
«Nous sommes très préoccupés de voir l’insistance (des Congolais) à vouloir utiliser un système électronique de vote», a affirmé la diplomate au cours de cette réunion informelle axée sur le processus électoral en RDC. Un tel recours représente «un risque colossal» et les Etats-Unis souhaitent le recours à «des bulletins papier pour qu’il n’y ait pas de doutes sur le résultat». «Les Etats-Unis ne soutiennent pas» ce recours à un système électronique, a martelé Nikki Haley.
La diplomate étasunienne a insisté pour que Kinshasa « travaille à libérer les prisonniers politiques », mette fin aux poursuites judiciaires à visée politique et garantisse le droit d’assemblée pacifique et la liberté d’expression. Elle a jugé « complètement inacceptable » la sanglante répression des marches des chrétiens.
Quittant son discours écrit pour répondre directement à She Okitundu, elle a ajouté: « Vous êtes fatigué qu’on parle de la RDC ? » Mais « il n’y a pas de joie à le faire ». Au lieu de « protester contre les commentaires négatifs », a-t-elle dit, « on apprécierait » que le gouvernement congolais « agisse et écoute » les Congolais au lieu de « blâmer les autres ».
Intervenant aussi dans le débat, la directrice Afrique centrale de l’ONG Human Rights Watch, Ida Sawyer a évoqué «la crainte de fraudes lors de ces élections», en réclamant de la «transparence». HRW a aussi déploré le fait que le président Joseph Kabila n’a toujours pas clarifié sa position sur une éventuelle candidature.
Par DwD