Dernières attaques de Kinshasa : Contradiction entre la Police et le Gouvernement
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Le 17 mai dernier, lors de l’attaque de la prison centrale de Makala, le gouvernement avait accusé les adeptes du mouvement politico-religieux « Bundu dia Mayala » de Ne Muanda Nsemi, alors que la police vient d’affirmer que des actes terroristes commis à Kinshasa dont celui de cette prison sont l’œuvre des membres du mouvement Kamuina Nsapu, instrumentalisés par certains politiciens
La Police Nationale Congolaise (PNC) a procédé vendredi dernier à la présentation des présumés auteurs des attaques perpétrées ces derniers temps sur des sites symboliques de l’Etat à Kinshasa, entre les mois de mai, juin et juillet de cette année. Il s’agit, selon le porte-parole de la Police nationale Congolaise, le colonel Pierrot Mwanamputu, d’un échantillon de 15 personnes dont une femme.
Cette cérémonie a eu lieu en présence des autorités politico administratives parmi lesquelles, le vice–Premier ministre et ministre de l’Intérieur, Emmanuel Ramazani Shadary, le ministre d’Etat en charge de la Justice et Garde Sceau, Alexis Thambwe Mwamba, le ministre de la Communication et Médias et porte-parole du gouvernement, Lambert Mende Omalanga, le Procureur général de la République, Flory Kabange Numbi, l’administrateur général de l’Agence Nationale de Renseignements (ANR), le gouverneur de la ville de Kinshasa, André Kimbuta Yango ainsi que les officiers généraux et supérieurs de la Police.
Tshimanga wa Tshimanga, appelé aussi Tshimanga Ben Tshimanga, étudiant en deuxième Labo, a «été présenté comme le cerveau-moteur de ces attaques. D’après le porte-parole de la PNC, Tshimanga a participé à toutes les attaques et ce serait lui qui aurait poignardé mortellement l’administratrice du marché central de Kinshasa, Chantal Mombi Mboyo.
Toujours selon Pierrot Mwanamputu, Tshimanga aurait affirmé avoir été recruté le 14 mai 2017 par la branche kinoise de la milice de Kamuina Nsapu au siège de l’Union pour la Démocratie et le Progrès Social(UDPS) à Kinshasa. Tshimanga serait même agent au protocole du secrétariat général de l’UDPS et se serait présenté à la Police comme étudiant en deuxième graduat à l’Institut Supérieur des Techniques Médicales (ISTM-Kinshasa).
Ces 15 personnes présentées, parmi lesquels une femme, appartiendraient, selon la police, au mouvement Kamuina Nsapu. Ce qui contredit totalement la version donnée par le gouvernent de la RDC à travers son ministre d’Etat en Charge de la Justice et Garde Sceau, Me Alexis Thambwe Mwamba, le 17 mai, le jour de l’attaque de la prison centrale de Makala.
Pour le ministre de la Justice et Garde des Sceaux, cette attaque était l’œuvre des adeptes de Ne Muanda Nsemi qui était venus en masse pour libérer leur leader détenu dans cette maison carcérale. Même le porte-parole du gouvernement avait au cours d’une sortie médiatique pointé du doigt les adeptes de Bundu Dia Mayala d’être à l’origine de cette attaque ayant provoquée l’évasion massive des milliers de prisonniers.
L’UDPS visée
Quelle est la version que l’opinion peut croire au regard de contradiction totale entre la Police et le gouvernement au sujet des vrais auteurs des attaques perpétrées ce dernier temps dans la capitale congolaise. Or l’opinion, tant nationale qu’internationale, espérait qu’après les attaques de la prison de Makala, le 17 mai dernier, de deux commissariats en juin ainsi que du parquet de Matete et plus récemment, l’attaque contre le marché central de Kinshasa, le gouvernement devrait fournir des informations fiables en vue de rassurer les Kinois.
Mais ce qui s’est passé vendredi dernier au Commissariat général de la PNC provoque encore un doute sur l’identité réelle des auteurs de ces attaques. Surtout que la majorité de ces présumés terroristes sont présentés comme des membres de l’UDPS. Ce qui pousse certains observateurs à penser qu’il s’agit d’une cabale orchestrée par le pouvoir contre ce grand parti de l’opposition, dont le chef charismatique, Etienne Tshisekedi, est décédé il y a six mois à Bruxelles et dont le pouvoir s’oppose au rapatriement de la dépouille mortelle.
Ne Muanda Nsemi innocenté
Ainsi, la PNC a lavé de tout soupçon le député Ne Muanda Nsemi, chef du mouvement politico-religieux Bundu Dia Mayala (BDM) dans les attaques perpétrées depuis mai dernier dans la capitale. « C’est ici l’occasion de préciser que toutes les attaques que la ville de Kinshasa a subie au cours des mois de mai, juin et juillet 2017, ont été orchestrés par un réseau terroriste, instrumentalisé du mouvement insurrectionnel opérant sous le label « Kamuina Nsapu » et non par les adeptes de l’ex-mouvement Bundu Dia Kongo, contrairement aux rumeurs relayées par certains médias et réseaux sociaux », a dit le Colonel Pierrot Mwanamputu.
A en croire le porte parole de la PNC, Ne Mwanda Nsemi a bénéficié des « pouvoirs fétichistes » des assaillants de Kamuina Nsapu pour s’évader de la prison de Makala. « Il n’en demeure pas moins que le leader obscurantiste de Bundu Dia Kongo, leader mystico-religieux et fétichiste en a tiré profit pour s’évader de la prison de Makala le 17 mai 2017 grâce aux facilités qui lui ont été présentées par les assaillants terroristes en lui soumettant aux rituels du mouvement Kamuina Nsapu et en le faisant passer entre les jambes de l’assaillant Prince. Donc c’est pour vous dire que le Monsieur (Ne Mwanda Nsemi) qu’on a libéré à Makala, a aussi subi les rituels de Kamuina Nsapu. On lui a aspergé une poudre et a été transporté par les assaillants de Kamuina Nsapu », a –t-il martelé.
Des motocyclistes parmi les assaillants
Les personnes présentées par la PNC sont identifiées, certains comme des motards « wewa », d’autres comme des militants de l’UDPS et d’autres encore comme des assaillants venus de Kananga. Le colonel Mwanamputu a présenté un certain Ferdinand Makenga Tujibikile, un féticheur venu de Tshimbulu, pour implanter le mouvement Kamuina Nsapu. Selon la Police, ces présumés coupables avaient également planifié d’attaquer la prison de N’dolo le 24 juin 2017. Ils auraient même fait le déplacement, mais auraient été dissuadés par le dispositif militaire.
En dehors de Tshimanga wa Tshimanga, présenté comme cerveau moteur des attaques ayant endeuillé Kinshasa entre mai, juin et juillet 2017, les autres présumés assaillants sont les personnes suivantes :
Christian Mutombo Mukadi, Papa Pascal Kabangu Kazadi Shambuy, Kupa kua Nzambi alias Dieudonné, Ngandu Kupa , homme d’affaires de son état, présenté comme le financier des auteurs des attaques, sans oublier Ferdinand Makenga Tujibikila, Paul Mukenge wa Mukenge, agent de sécurité à l’UDPS , Augustin Ntita Katala, Isaac Kamuanga, Mputu Nkongolo, Reagan Lumengi Lungeni, Romain Ntumba Mbuyi, Mme Kapinga Buanga, Papy Ntumba wa Ntumba, Aaron Clément Ntumba wa Ntumba ainsi que François Mazanga Mazarin.
S’agissant de Papa Pascal Kabangu Kazadi Shambuy, il est présenté comme celui dont la parcelle, située au N°206 de l’avenue Kikwit, abritait toutes les réunions préparatoires de ces attaques. Quant à Mme Kapinga, membre de la Ligue des femmes de l’UDPS, elle est accusée d’avoir installé dans sa parcelle familiale à Nsele, le Tshiota, « esprit mystique » qui fait la force de Kamuina Nsapu. Elle a, selon la police, participé à la réunion préparatoire de l’attaque de la prison centrale de Makala et aurait recruté la féticheuse qui aurait transporté Ne Munda Nsemi lors de son évasion de Makala.
Un air du déjà vu
Si on regarde attentivement le profil de ces présumés auteurs des attaques de Kinshasa présenté par la police, il s’observe que la majorité est originaire du Kasaï, réputé fief de l’opposition, dont l’UDPS. Le cas de Mme Kapinga nous rappelle un scenario similaire datant 2013, dans lequel une femme membre influente de l’UDPS, Mme Kabungama, avait été présentée dans le dossier Diomi parmi les assaillants se préparant à attaquer les institutions du pays et ses animateurs.
La police a également rendu publique une liste des présumés auteurs des attaques de la capitale, qui seraient en cavale. Elle a promis une prime à quiconque donnerait des informations permettant leur capture par les forces de l’ordre. Il s’agit, entre autres, de Roger Bondo, Jean-Jacques, Rossy Mukendi Tshimanga et Ngandu Champion. Trois mois après l’attaque du CPRK, un bilan officiel a été révélé. Le colonel Mwanamputu a évoqué le nombre de 4 782 prisonniers évadés et 11 morts, dont trois agents des forces de l’ordre.
Par Godé Kalonji