Elections 2017 : la CENCO hausse le ton
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Dans cette optique, les évêques catholiques exigent un déroulement harmonieux de l’enrôlement des électeurs
Les évêques catholiques membres de la Conférence Episcopale Nationale du Congo (CENCO) ont déclaré, vendredi dernier, que la sortie pacifique de la crise actuelle requiert la tenue des élections présidentielle, législatives et provinciales avant décembre 2017, tel que le prévoit l’Accord Politique du 31 décembre 2016.
Les prélats catholiques se sont ainsi exprimés dans un message publié vendredi dernier, au Centre d’accueil CARITAS à Kinshasa, sous le titre « Le Pays va mal. Debout, Congolais ! Décembre 2017 approche », à l’issue de la 54ème Assemblée Plénière Ordinaire, du 19 au 23 juin 2017.
Dans ce document, les évêques affirment qu’aller aux élections suppose l’enrôlement qui s’effectue, malheureusement, avec une lenteur inquiétante et que, bien préparer les élections, c’est aussi se faire identifier et enrôler pour que la Commission Electorale Nationale Indépendante (CENI) dispose d’un fichier électoral fiable pour convoquer les scrutins dans le délai.
Une enquête sérieuse et objective au Grand Kasaï
« Nous condamnons la violence d’où qu’elle vienne et réaffirmons le caractère sacré et inviolable de la vie humaine. C’est pourquoi nous demandons la mise sur pied d’une enquête sérieuse et objective pour établir les responsabilités sur les atrocités commises au Grand Kasaï », ont poursuivi les évêques, condamnant la violence et exigeant la mise sur pied d’une enquête sérieuse et objective pour établir les responsabilités sur les atrocités commises au Grand Kasaï.
Par ailleurs, les évêques ont demandé aux prêtres d’inviter, à partir du 30 juin prochain, le peuple de Dieu, ainsi que les hommes et femmes de bonne volonté fréquentant leurs paroisses respectives à un moment de prière intense et de jeûne pour la Nation « car, pensent-t-ils, la prière doit aussi nous disposer à rendre plus inventives notre solidarité et notre proximité fraternelle avec nos compatriotes vivant dans les zones de conflit en nous mobilisant pour une assistance humanitaire conséquente… que le Seigneur nous donne la clairvoyance de ce que nous devons faire et la force de l’accomplir pour un Congo meilleur qu’aujourd’hui ».
Avant cette conclusion, les évêques ont précisé que, d’une part, ils sont mus par l’Evangile et éclairés par la doctrine sociale de l’Eglise Catholique et que, d’autre part, ils se sont penchés sur les conditions de vie de la population congolaise dont ils ont la charge pastorale.
Corruption, évasion fiscale, détournement… à outrance
Les évêques se disent profondément inquiets et préoccupés par la détérioration continue de la situation socioéconomique critique, qui empire au jour le jour à cause du recul du taux de croissance, de la dépréciation de la monnaie nationale face aux devises étrangères, de la morosité du climat des affaires qui décourage les investisseurs dans un contexte marqué par la corruption, l’évasion fiscale et le détournement de fonds publics à outrance orchestrés par un groupe de compatriotes qui, abusant de leur pouvoir, s’octroient des avantages économiques faramineux au détriment du bien-être collectif.
Sur le plan sécuritaire et humanitaire, les évêques déplorent les atteintes à la dignité humaine et au respect des droits humains, commises au Grand Kasaï où des pertes en vies humaines sont évaluées à 3 383 morts, à cause de la folie meurtrière des hommes armés, sans citer 30 fosses communes, plus d’un million de déplacés internes et 30 000 refugiés en Angola.
Ils dénoncent aussi les cas de 60 paroisses de l’Eglise Catholique profanées et fermées, 31 centres de santé catholiques saccagés, 141 écoles catholiques endommagées et fermées, sans tenir compte du sort des élèves les fréquentant ; 3 698 habitations privées détruites, 20 villages complètement détruits.
Qui a introduit les groupés armés étrangers en RD Congo ?
Les évêques catholiques déplorent également la présence massive, incontrôlée et permanente des groupes armés étrangers sur le territoire de la RDC, notamment des rebelles de la LRA, de l’ADF NALU, des combattants sud-soudanais, des éleveurs Mbororo etc dans les provinces du Bas-Uélé, Haut-Uélé, Tanganyika, Haut-Lomami, Kwilu, Kwango, Mongala et Ituri. « Ce phénomène n’inaugure-t-il pas la mise en œuvre du plan de balkanisation de la RD Congo ? », se demandent les évêques, fustigeant les kidnappings, assassinats à répétition et vols à main armée, des attaques de paroisses et autres structures de l’Eglise Catholique…
En rapport avec les droits humains, les évêques catholiques sont consternés par les restrictions du droit à la liberté d’expression et l’interdiction des manifestations pacifiques, pourtant garantis par la Constitution en vigueur ; par la répression des mouvements de contestation pacifique, allant parfois jusqu’à l’usage excessif de la force dans un pays où les défenseurs des droits humains, les acteurs politiques et sociaux sont victimes d’arrestations arbitraires et où les auteurs de ces crimes jouissent d’une impunité inimaginable.
« Au lieu de la décrispation politique, nous assistons au durcissement du pouvoir. Nous observons, hélas, une absence de l’autorité de l’Etat ainsi que du débat public et responsable sur toutes ces questions ! », S’exclament les évêques, indiquant que la situation misérable dans laquelle croupit le peuple congolais est une conséquence de la persistante crise sociopolitique due principalement à la non-organisation des élections conformément à la Constitution du 18 février 2006.
Accord de la Saint-Sylvestre : une solution
Selon ces hommes de Dieu, l’Accord Politique Global et Inclusif du 31 décembre 2016 contient des pistes de solution à la sortie pacifique de cette crise. « Par manque de volonté politique, la mise en œuvre intégrale de cet Accord est insignifiante.
Au mépris de la souffrance de la population, les acteurs politiques multiplient des stratégies pour le vider de son contenu, hypothéquant ainsi la tenue d’élections libres, démocratiques et apaisées », ont-ils enchaîné, exhortant toutes les parties prenantes à l’Accord à assumer pleinement leurs responsabilités de bonne foi et par amour pour la patrie et rejetant des prétendues solutions mises en place au risque de compromettre la cohésion nationale et de hâter l’implosion du pays cher à feu Patrice-Emery Lumumba.
En outre, les hommes de Dieu ont fustigé le fait que l’Arrangement Particulier qui devait être finalisé pour la mise en œuvre dudit Accord a été vidé de sa substance par les engagements particuliers non inclusifs ; la loi relative au Conseil National de Suivi de l’Accord et du Processus Electoral (CNSA), organe fondamental dans la mise en œuvre de l’Accord, n’a pas été inscrite à l’ordre du jour de la dernière session parlementaire ordinaire.
Ne céder ni à la peur ni au fatalisme !
Déterminés à militer jusqu’à la sortie totale de la crise, les évêques catholiques ont, enfin, affirmé que, pour la cause du Congo et l’avenir du peuple congolais, ils ne se tairont pas, même s’ils ne sont pas écoutés, en dépit des appels lancés maintes fois à la classe politique pour prendre en compte les vraies aspirations de la population. Dans cette optique, ils demandent à toutes les forces vives de la Nation de s’impliquer personnellement, de prendre en main leur destin commun, sous peine de voir leur avenir hypothéqué longtemps.
« …la pire des choses est le découragement !…Il ne faut céder ni à la peur ni au fatalisme. Une minorité a décidé de prendre en otage la vie des millions de Congolais. C’est inacceptable ! « Nous devons prendre en main notre destin commun…
Nous encourageons la poursuite de l’éducation civique et électorale ainsi qu’un engagement actif et pacifique de tous afin d’éradiquer les causes profondes de nos souffrances… nous avons le devoir sacré de nous approprier les lois qui réglementent notre vivre ensemble, notamment l’Accord de la Saint-Sylvestre, l’unique feuille de route solidement fondé sur la Constitution de la République, dont il faut exiger le respect et la mise en application intégrale par les signataires », ont-ils conclu.
Par Marcel Tshishiku