Arrangement particulier signé au Palais du peuple : Joseph Kabila enfoncé dans l’illégitimité
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Les modifications apportées au document signé le 27 avril le rend nul et non-avenu
Eléments à l’appui, Me Jean-Marie Kabengela Ilunga, du Barreau de Kinshasa/Matete, a fustigé les modifications de certaines dispositions de l’«Arrangement particulier» par rapport à son original de la CENCO, qui est une partie intégrante de l’«Accord politique du 31 décembre 2016» rendant ainsi ce dernier document, seule source de légitimité pour les institutions actuelles du pays, nul et non-avenu!
De la nullité du document dit « arrangement particulier »
Tout le monde se souvient de ce que, dans la stratégie de se pérenniser au pouvoir, le camp politique de la Majorité Présidentielle, qui soutient Monsieur Joseph Kabila, alors Président de la République Démocratique du Congo de 2011 à décembre 2016, avait refusé d’organiser des élections, notamment l’élection présidentielle, dans les délais prescrits par la Constitution juste pour tirer profit du vide d’animateur de l’institution « Président de la République ».
Ainsi, arrivé au 19 décembre 2016, date d’expiration du deuxième et dernier mandat du Président Joseph Kabila sans que son successeur ne soit élu conformément à l’article 73 de la Constitution, une crise politique et juridique naquit du fait, non pas du vide juridique ou institutionnel, mais de l’absence d’animateur pouvant assumer les hautes charges de l’Etat en remplacement de Monsieur Joseph Kabila.
En effet, on ne peut parler de vide juridique ou institutionnel que dans la mesure où respectivement, il y a absence de texte régissant une situation et nécessité d’une institution non encore créée ou dont l’existence juridique venait à tomber caduque. Ce n’était pas le cas au 19 décembre 2016, car il existait des textes juridiques ayant mis en place des institutions, notamment le Président de la République. On était donc devant un vide d’animateur d’une institution constitutionnellement établie.
Sentant la menace de la non tenue d’élections, notamment celle présidentielle dans le délai constitutionnel, le Conseil de Sécurité des Nations Unies prit la Résolution 2277 dont le point 10 soulignait l’importance d’un dialogue véritable pour des élections pacifiques, crédibles et conformes à la Constitution, tout en demandant à toutes les parties prenantes nationales, de coopérer avec l’Union Africaine qui avait déjà pris une décision d’engager des consultations sur le dialogue.
Mettant en branle sa diplomatie, le Gouvernement congolais obtint la désignation de Monsieur Edem Kodjo en qualité de facilitateur désigné par la Présidente de la Commission de l’Union Africaine, soupçonné et récusé par le camp de l’Opposition, d’être trop proche du pouvoir de Joseph Kabila. Malgré cette récusation, le dialogue dit de la Cité de l’Union Africaine fut convoqué, tenu et accoucha de l’Accord du 18 octobre 2016 qui souffrait de l’exclusion du Rassemblement des Forces Politiques et Sociales Acquises au Changement et du Front pour le Respect de la Constitution ainsi qu’une partie importante de la société civile.
C’est dans ce contexte que, à l’approche de la date du 19 décembre 2016, date d’expiration du deuxième et dernier mandat de Monsieur Joseph Kabila, les Evêques de la Conférence Episcopale Nationale du Congo(CENCO) reçurent une mission-piège du Président de la République, de faire de bons offices afin d’obtenir un Accord inclusif.
C’est donc, dans ce cadre qu’était né l’Accord Politique Global et Inclusif du centre Interdiocésain de Kinshasa daté du 31 décembre 2016 sous la médiation des Evêques de la CENCO, autrement appelé Accord de la Saint Sylvestre qui renvoyait les points relatifs à la désignation du Premier ministre, à la taille du Gouvernement, à la répartition des postes ministériels et aux autres animateurs d’institutions comme le CNSA, à un Arrangement particulier.
Abordant les travaux pour la signature de l’Arrangement particulier, la Majorité Présidentielle, ne voulant pas lâcher le pouvoir, multiplia des dilatoires au point de remettre en cause même ce qui ne devrait pas faire l’objet de l’Arrangement particulier, notamment la présidence du CNSA après le décès d’Etienne TSHISEKEDI et le nombre de personnes à présenter au poste de Premier Ministre.
C’est ainsi que l’Arrangement particulier ne fut pas signé par les parties prenantes à l’Accord de la Saint Sylvestre et les Evêques firent rapport au Président de la République le croyant de bonne foi pour faire converger les points de vue sur les deux points restés en suspens.
A la grande surprise, tout le monde sera informé par voie des ondes de la Convocation du congrès du parlement pour entendre le Président de la République prononcer un discours sur l’état de la Nation. Convoqué pour le 05 avril 2017, Joseph tint son discours dans une posture que l’on peut reconnaître, de chef de parti politique et non d’un chef d’Etat. Il promit à l’occasion de nommer un Premier Ministre dans les quarante heures qui suivaient son discours. Ce qu’il fit en date du 07 avril 2017 où il nomma Monsieur Bruno Tshibala en qualité de Premier Ministre.
Les assises et discours du 05 avril 2017 n’étaient pas conformes aux articles 119 point 3 et 77 alinéa 3 de la Constitution, en ce que ces dispositions constitutionnelles ne permettent pas au Congrès de se réunir plus d’une fois par an, pour entendre le Président de la République prononcer le discours sur l’état de la nation. En effet, l’article 77 alinéa 3 de la Constitution dispose :
« Il(Le Président de la République) prononce, une fois l’an, devant l’Assemblée nationale et le Sénat réunis en Congrès, un discours sur l’état de la nation. ». Comme l’on peut se rendre compte, le constituant congolais ne dit pas « une fois l’an au moins », mais « une fois l’an ».
Après plusieurs critiques lui reprochant d’avoir nommé un Premier ministre non présenté par le Rassemblement ayant pour chef de délégation au Dialogue, Monsieur Félix Tshilombo Tshisekedi, alors que l’Arrangement particulier qui devrait fixer les modalités pratiques de mise en application de l’Accord de la Saint Sylvestre n’était pas encore signé, le Président de la République demandera aux Présidents de deux chambres, comme ce fut le cas lors des Concertations Nationales, de convoquer les parties à la signature de l’Arrangement particulier.
Le 27 avril 2017, un document appelé « Arrangement particulier » fut signé en violation de l’Accord de la Saint Sylvestre et de la Résolution 2348 du Conseil de Sécurité des Nations Unies et ce, sur plus d’un point.
Des violations des dispositions de l’accord du 31 décembre 2016 :
Il doit être dit d’entrée de jeu que l’Accord du 31 décembre 2016 n’est pas un acte législatif, ni administratif moins encore réglementaire. Il s’agit purement et simplement d’un Acte sous seing privé entre particuliers et par conséquent, régi par les règles de droit privé et non de droit public.
En effet, malgré l’évocation des dispositions constitutionnelles et de la Résolution 2348 du Conseil de Sécurité des Nations Unies, l’Accord de la Saint Sylvestre demeure un acte entre particuliers, en ce qu’aucune des parties prenantes n’avait reçu mandat et n’avait agi en vertu d’un mandat public ou avec la qualité officielle suivant les textes attributifs de compétence.
En tant que tel l’Accord de la Saint Sylvestre et l’arrangement particulier doivent être analysés conformément au Droit privé des contrats et engagements contractuels. Ainsi, nous constatons que le camp présidentiel, dans ses actes de tous les jours, ne s’est pas soucié d’observer l’Accord de la Saint Sylvestre, notamment aux points relatifs à la désignation du Premier ministre, la Présidence du CNSA et les mesures de décrispation.
En effet, on note que le poste du Président du CNSA que l’Accord attribue au Président du comité des Sages du Rassemblement et non à la personne d’E. Tshisekedi fait l’objet de nouvelles discussions remettant en cause ce qui a été décidé dans l’Accord.
De même, les mesures de décrispations arrêtées dans l’Accord, notamment la libération des détenus politiques et l’interdiction de dédoublement des partis et regroupements politiques, n’ont pas été observées par le camp présidentiel qui a non seulement de libérer tous les prisonniers politiques et d’opinion, mais également encouragé le dédoublement du Rassemblement par l’acceptation d’une aile dissidente. Outre les cas relevés ci haut, il se dégage de la démarche de certains politiciens congolais, un comportement éloigné de toute règle de droit en général dont nous indiquons ci-après quelques uns.
1. Du principe selon lequel un acte entre particuliers ne peut être opposé aux tiers non contractant.
Il est un principe en droit des obligations qui consacre la relativité des actes juridiques, en ce qu’un acte juridique ne peut lier que les parties qui se sont engagées et non les tiers, exception faite de la règle de stipulation pour autrui (RES inter alios acta).
Dans l’espèce de l’Accord de la Saint Sylvestre, les parties prenantes à celui-ci étaient d’une part, les signataires de l’Accord du 18 octobre 2016 et d’autre part, les Non signataires parmi lesquels on trouve le Rassemblement des Forces Politiques et Sociales Acquises au changement, ayant pour chef de délégation, Monsieur Félix Tshilombo Tshisekedi, le Front pour le Respect de la Constitution et une partie de la société civile.
En vertu du principe de la relativité des conventions ci haut rappelé, seules les parties prenantes à l’Accord de la Saint Sylvestre agissant en la même qualité et sous le même mandat, avaient qualité de convenir et signer l’Arrangement particulier.
Curieusement, en parcourant le document signé le 27 avril 2017, l’on constate que le Rassemblement des Forces Politiques et Sociales acquises au Changement et la Société civile non signataire de l’Accord de la Cité de l’Union Africaine n’ont pas signé ledit document. En conséquence, ce document ne saurait être regardé comme étant la mise en application de l’Accord de la Saint Sylvestre. Il est donc étranger à ce dernier qui attend toujours la mise en application de certaines clauses qu’il a renvoyées à l’Arrangement particulier.
2. De la règle selon laquelle les conventions sont faites pour exécuter.
Le droit des conventions a consacré une règle exprimée dans la maxime pacta sunt servanda, c’est-à-dire les conventions sont faites pour être exécutées de bonne foi. Ainsi, dans l’Accord de la saint Sylvestre les parties s’étaient accordées au point III. 2. 1, de conférer à Monsieur Joseph Kabila une légitimité transitoire à la tête de l’Etat congolais, en même temps qu’au point III.3.3 elles avaient convenu de conférer à l’Opposition politique non signataire de l’Accord du 18 octobre 2016/ Rassemblement la compétence et la qualité de présenter non pas les et le Candidat Premier ministre, mais le Premier ministre. Il n’est pas non plus dit que le Premier ministre sera issu ou choisi du/dans Rassemblement.
Cependant, dans l’espèce du document du 27 avril 2017, l’on remarquera que ledit document viole l’Accord du 31 décembre 2016 à son point III. 3.3 et 4, en ce que, alors que le point III.3.4 renvoie la compétence des modalités pratiques des principes énoncés notamment au point III.3.3 à l’Arrangement particulier, le document que les auteurs ont appelé « Arrangement particulier » est allé au-delà de la compétence que l’Accord du 31 décembre 2016 avait conférée à l’Arrangement particulier.
En effet, au lieu de fixer les modalités pratiques de mises en application des principes énoncés au point III.3.3, les signataires de l’Accord du 18 octobre 2016 et qui signe le document du 27 avril 2017, vont mettre en place des profils des membres du Gouvernement sans prendre aucune précaution de soumettre l’animateur de la Présidence de la République pendant la période transitoire au même profil.
De même, alors que le point IV.2.2 alinéa 3 de l’Accord du 31 décembre 2016 dit clairement que le CNSA sera présidé par le Président du Conseil des Sages du Rassemblement, les signataires du document du 27 avril 2017 ont trouvé à redire, oubliant que quand un texte de loi ou un contrat renvoie des matières à la dispositions des structures privées, la qualité, et dans l’espèce du Président du comité des sages se rapporte et s’établit conformément aux actes desdites structures privées, et en l’occurrence, celui qui assume les fonctions du Président du Comité des sages du Rassemblement.
Il est cependant, curieux de constater que les rédacteurs du document du 27 avril 2017, contrairement à l’Accord, disent que le Président du CNSA ne sera plus le Président du comité des sages ; mais qu’une fois la liste des membres du CNSA déposée au Président de la république, celui-ci convoquera les membres du CNSA en vue de procéder notamment à la constitution du Bureau.
Voyez-vous la crainte justifiée du Rassemblement ou tout analyste avisé ? Qui peut croire que Joseph KABILA dispose de quinze jours pour convoquer les membres du CNSA et à l’issue du vote, sa volonté ne soit pas faite ? Il faut être d’un autre pays que la RDC pour y croire.
En sus, le problème de qualité de médiateur se pose dans le chef de Messieurs Aubin Minaku et Léon KENGO Wa NDONDO, en ce qu’ils sont artisans de la crise politique actuelle et leurs respectifs partis politiques et plateformes politiques étaient signataires de l’Accord du 18 octobre 2016, outre le fait que les deux personnalités sont reconnues pour avoir été artisanes des Concertations politiques de triste mémoire.
Ayant joué de tels rôles soit directement, soit indirectement, ces deux personnalités ne pouvaient jouer le rôle de médiation dans les discussions où leurs politiques et regroupements politiques ont des intérêts à ceux des autres, sans se mettre en situation de conflit d’intérêt.
3. Du refus d’obéir a la résolution 2348 du conseil de sécurité des nations unies.
La résolution 2348 du Conseil de sécurité des Nations Unies, à ses paragraphes 7 et 34, ii) appuie pleinement et demande à la MONUSCO d’appuyer pleinement la médiation de la CENCO. Cependant, allant à l’encontre de cette résolution, sinon voulant la contourner, le Camp du statu quo, s’accapare des missions dévolues à la MONUSCO par la résolution sus-indiquée, et ce sont deux membres influents du pouvoir en place qui font la ‘’médiation’’ ayant abouti à la signature d’un document appelé ‘’Arrangement particulier’’.
4. De La Violation de La Constitution par les membres du Gouvernement.
En fin, on peut constater que parmi les signataires de l’Accord du 18 octobre 2016, il y a de grands violateurs des textes légaux en vigueur, en ce que, contrairement à l’article 97 de la Constitution qui interdit aux membres du Gouvernement toute responsabilité au sein d’un parti politique, les signataires au nom de la Majorité Présidentielle sont tous des ministres, à l’exception d’un seul qui est ambassadeur, alors que cette disposition a pour finalité de ne pas créer des frustrations au sein de la population.
Car cette population ne doit pas assister à la politisation de la vie sociale et assister à l’utilisation des deniers publics à des fins partisanes. Et bien, voilà des Ministres qui viennent aux discussions à bord des véhicules achetés avec l’argent du contribuable congolais, consommant du carburant acheté par le contribuable congolais, mais pour défendre les opinions de leurs partis et regroupements politiques.
Conclusions :
Pour toutes ces raisons et tant d’autres que chacun des analystes peut ajouter en analysant le document du 27 avril 2017, celui-ci n’est pas l’Arrangement particulier au sens de l’Accord du 31 décembre 2016, car pour l’être, l’Arrangement devrait réunir autant de signatures, sinon de qualités qu’il y a dans l’Accord du 31 décembre 2016. Il revient donc à la MONUSCO, conformément à la Résolution 2348 du 31 mars 2017 du Conseil de Sécurité des Nations Unies, d’appuyer la CENCO dans sa mission de médiation, laquelle a cessé d’être d’essence nationale pour revêtir une reconnaissance internationale en vertu de la résolution pré rappelée.
Et comme tout acte entre particuliers ne peut produire des effets qu’entre les parties audit acte, le document du 27 avril 2017 n’est pas opposable au peuple et ce, conformément au principe de la relativité des conventions. C’est aussi cela la conséquence de la non inclusivité d’un engagement politique.
Mais la crainte dans toute cette gymnastique dilatoire, c’est que, comme l’avait dit Monsieur Mova Sakani, Secrétaire Général du PPRD, le camp Kabila, avec le jeu de débauchage de certains acteurs politiques sans vision ni idéologie, ne s’adonne au jeu de Gouvernement à mandat de trois mois, deux mois… et le vrai Arrangement ne soit finalement signé et le Gouvernement issu de l’Accord et de l’Arrangement soit investi que quelques mois avant la fin de l’année 2017.
La preuve du dilatoire est rapportée par le fait que pour un Gouvernement dont le Premier ministre au goût de Joseph Kabila est nommé le 07 Avril 2017, il faut attendre un mois pour la nomination des membres du Gouvernement. En conséquence, il est demandé une grande implication de la part du peuple congolais afin que les élections devant conduire à la passation pacifique et civilisée des pouvoirs aient lieu avant fin 2017.