27 ans après le multipartisme, La démocratie est-elle effective en RDC ? Des Congolais s’expriment
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Le 24 avril dernier, la République démocratique du Congo a totalisé 27 ans depuis qu’elle a accédé à la démocratie. Depuis, 477 partis politiques ont vu le jour, de la Majorité et de l’Opposition. Deux élections ont été organisées, en 2006 et en 2011, sans compter plusieurs dialogues depuis la Conférence nationale souveraine jusqu’au Centre interdiocésain en passant par Sun City. Y’a-t-il des avancées ou la RDC a fait un pas en arrière à dater du 24 avril 1990 ? Quelques Congolais ont répondu à cette question
Odon Kianza, 48 ans, professeur, commune de Ngaba : « Il n’y a pas de démocratie en République démocratique du Congo ».
Pour ce professeur d’université, le thermomètre de la démocratie dans un pays c’est la façon dont les pouvoirs exécutif, législatif et judiciaire cohabitent. S’ils sont réellement séparés, cela prouve que la démocratie fonctionne bien dans cet Etat. S’ils sont inféodés, cela veut dire qu’il n’y a pas de démocratie, c’est la dictature. Or, chez nous, le législatif et l’exécutif sont des appendices de l’exécutif. Il ajoute que les richesses du pays ne profitent qu’à un groupe de gens, les élections ne sont ni libres, ni transparentes, ni démocratiques.
Jean-Marie Moele, 45 ans, agent à l’Isam, commune de Barumbu : « La démocratie est un slogan en RDC ».
JM Moele estime que la démocratie en République démocratique du Congo n’est encore qu’un slogan. Il donne comme preuve la crise de légitimité des institutions congolaises depuis l’accession du pays à l’indépendance. Pour lui, cette crise se pérennise jusqu’à ce présent.
Il reconnait néanmoins que sur le plan des partis politiques, il y a des avancées très significatives. Car, avant 1990, le pays n’en avait qu’un, le Mouvement populaire de la révolution (MPR), dont le président fondateur était le Maréchal Mobutu Sese Seko Kuku Ngbendu Wazabanga.
Gaultier Wela, 39 ans, agent dans une régie financière : « La démocratie n’est pas effective dans notre pays »
Gaultier pense que la démocratie n’est pas encore effective en République démocratique du Congo, 27 ans après. Pour lui, les prémices étaient déjà biaisées par le Maréchal Mobutu qui avait décrété le pluralisme politique non pas par sa volonté, mais sous une forte pression internationale. Et bien, selon cet agent travaillant dans une régie financière, les bases n’étaient donc pas solides. Raison pour laquelle, jusqu’à présent, le pays marche à reculons.
Joseph Kusangay, 58 ans, Ministère de l’Environnement, Matete : « La démocratie est inexistante en RDC »
Joseph Kusangay soutient que la démocratie est inexistante en République démocratique du Congo. Il argumente cette thèse par le fait que, selon lui, il n’y a pas de liberté d’expression ni celle de la presse. De même, poursuit-il, la RDC n’est pas un Etat de droit. On y trouve l’impunité, la corruption, l’insécurité généralisée, la corruption, une justice à double vitesse, des arrestations arbitraires, détournements des deniers publics…
Quant aux élections organisées en 2006 et 2011, Kusangay trouve qu’elles n’ont été ni crédibles, ni transparentes.
Kelly Kikwisiya, informaticien, Binza-Delvaux : « C’est la dictature comme à l’époque de Mobutu »
Quant à Kelly kikwisiya, nous vivons une dictature comme à l’époque du maréchal Mobutu. 27 ans après le 24 avril 1990, cet informaticien pense que le bilan est « largement » négatif. Car, avance-t-il, il n’y a pas de liberté d’expression, la population n’a pas le droit de revendiquer ses droits. Des policiers sont toujours là pour réprimer des manifestations pacifiques.
Guy Eale, pâtissier, 42 ans, Masina : « Il y a des avancées significatives »
Contrairement à d’autres intervenants, Guy Eala constate plutôt qu’il y a, sur le terrain, des avancées significatives quant à l’évolution de la démocratie en République démocratique du Congo, 27 ans après le discours du maréchal Mobutu à la Nsele.
Pour lui, le bilan est positif. Il en veut pour preuve la liberté d’expression à travers les médias où des opposants passent pour s’attaquer au chef de l’Etat et critiquer le gouvernement. Reconnaissant qu’il y a beaucoup à faire, ce pâtissier salue également le fait que les opposants tiennent leurs manifestations publiques, alors que cela était impossible à l’époque de la dictature dure de Mobutu, avant 1990.
Jean-Paul Madimba, agent Vodacom, 32 ans, Kinshasa : « La démocratie n’est jamais effective depuis 1990 ».
De son côté, Jean-Paul Madimba ne partage pas l’avis de Guy Eale. Pour lui, la démocratie n’est jamais effective depuis le 24 avril 1990. Car depuis, le peuple n’a jamais exercé son pouvoir comme il l’entend. Pourtant, c’est lui le souverain primaire.
JP Madimba ajoute que les Congolais ne sont pas libres d’exprimer leur opinion, et il n’y a pas de liberté de la presse. Ceux qui parlent à haute voix contre le régime finissent toujours en prison ou en exil, renchérit-il.
Cet agent de Vodacom conclut qu’il ne trouve pas d’opportunité de se rappeler de cette date du 24 avril 1990.
Christine Moseka, étudiante à l’UPC, 25 ans, commune de Kinshasa : « Sur le plan de la démocratie, tout est au rouge » Sans aller par le dos de la cuillère, l’étudiante Christine Moseka coupe court : 27 ans après le discours du Maréchal Mobutu, sur le plan de la démocratie, tout est au rouge. Pour preuve, poursuit-il, les Congolais vivent dans une misère noire sans pareille.
92% de pauvres misérables qui partagent un même environnement avec 8% des personnes scandaleusement riches. Elle estime que les droits de l’homme ne sont pas respectés, le peuple est réduit à sa plus simple expression, au point que les résultats des élections ne sont pas conformes à la vérité des urnes.
Comme on peut le constater, plusieurs Congolais interrogés déclarent qu’il n’y a pas d’avancée significative sur le plan de la démocratie, depuis le 24 avril 1990 lorsque le Maréchal Mobutu a décrété le pluralisme politique. Pour preuve, sept ans après le multipartisme, Mobutu a lui-même été chassé du pouvoir par M’Zée Laurent-Désiré Kabila grâce à une rébellion qui n’a duré que sept mois.
Pourtant, toute alternance devrait désormais s’opérer dans les urnes plutôt par les armes. De même, M’zée est mort assassiné après quatre ans d’exercice du pouvoir, ce qui est contre les principes de la démocratie. En plus il a été remplacé quelques jours plus tard non pas après des élections, mais sur base d’un « testament » qu’il aurait laissé au cas où il mourait.
Aujourd’hui, Joseph Kabila a épuisé ses deux mandats sans pour autant organiser les élections pour son remplacement. La démocratie est donc en péril. Car deux élections seulement ont été organisées, depuis 1990. La première en 2006, la seconde en 2011. Et puis, plus rien.
Autre élément de preuve de cette santé médiocre de la démocratie, c’est le nombre de dialogues organisés depuis 1990 jusqu’à ce jour: Conférence nationale souveraine, Palais de marbre I et II, Dialogue intercongolais, Concertations nationales, Ibiza, Pré Dialogue de Béatrice Hôtel, Dialogue de l’Union africaine, Dialogue du Centre Interdiocésain…
Par Falone Iwondo, Versinie Kusangay, Best Towoshi, Emmanuel Lombula/Stagiaires Ifasic