Au regard du blocage observé au Centre interdiocésain : Des doutes persistent sur la mise en application de l’accord de la Saint Sylvestre
Partager
Plus de trois semaines après la conclusion de l’accord politique du 31 décembre 2016, les questions excèdent les réponses quant à savoir comment ce compromis sera mis en œuvre, s’il existe une véritable volonté politique de la part du président Joseph Kabila et d’autres dirigeants politiques, et si l’on verra un réel renversement du climat de répression.
Pour rappel, peu après leur signature, de hauts responsables de la Majorité présidentielle (MP) avaient déclaré qu’ils ont signé l’accord « sous réserve », estimant que ce compromis n’était pas inclusif. Certains ont également affirmé que l’accord serait inconstitutionnel, car il interdisant explicitement l’organisation d’un référendum pour modifier la Constitution.
Ces déclarations ont soulevé des inquiétudes quant à l’engagement réel de Kabila à céder le pouvoir, qui est l’enjeu central au cœur de la crise politique actuelle.
Bien qu’il ait assuré les évêques catholiques de son engagement à mettre en œuvre ledit accord, Joseph Kabila n’a pas encore fait de déclaration publique dans ce sens ou signé l’accord lui-même. Ce qui crée des doutes au sein de l’opinion tant nationale qu’internationale sur la mise en œuvre de ce compromis du réveillon. Cette crainte se confirme par le blocage observé jusque-là au Centre interdiocésain où les parties prenantes ne parviennent pas à s’entendre sur le partage des responsabilités au sein du gouvernement de transition.
Jusqu’alors, le premier ministre Samy Badibanga Ntita et plusieurs autres membres de son gouvernement nommés le 19 décembre dernier, n’ont pas non plus signé cet accord.
Un nouveau premier ministre issu de la coalition de l’Opposition/Rassemblement, comme le prévoit l’accord, n’a toujours pas été nommé. Il semble que peu de progrès aient été accomplis jusqu’à présent pour fixer le calendrier de mise en œuvre de l’accord et les modalités de fonctionnement du Conseil national de suivi.
Le président Joseph Kabila pourrait contribuer à dissiper les doutes et les soupçons subsistant autour de l’accord de la Cenco en le signant lui-même et en s’engageant publiquement à respecter ses dispositions, notent les observateurs.
Des médias fermés, des opposants arrêtés et condamnés
Depuis la signature de l’accord, peu de progrès sont observés pour mettre fin à la répression gouvernementale des voix dissidentes comme l’avait déploré le coordonnateur du mouvement citoyen Filimbi, « le partage du pouvoir semble avoir pris le dessus sur la décrispation politique ».
Sept médias congolais proches de l’opposition, ainsi que Radio France Internationale (RFI) à Kinshasa, restent bloqués trois semaines après la signature de l’accord politique du 31 décembre 2016.
L’activiste de LUCHA, Justin Mutabesha, a été libéré après 32 jours de détention à Goma. Le militant de Filimbi Carbone Beni a été libéré après 29 jours de détention secrète à Kinshasa, d’abord dans un camp militaire puis dans un centre de détention de l’Agence nationale des renseignements.
Cependant, au moins neuf autres jeunes activistes pro-démocratie sont toujours en détention, dont ceux de LUCHA, Jean-Paul Mualaba Biaya et Nicolas Mbiya Kabeya à Mbuji-Mayi, Fabrice Mutsirwa, Jacques Muhindo, Faustin Dunia et Glody Ntambwe à Goma ; et les activistes de Compte à rebours Chris Shematsi, John Ngandu et Samuel Bosasele à Kinshasa.
Le mouvement citoyen Filimbi accuse des responsables gouvernementaux de tenter de coopter leur mouvement en organisant une conférence de presse en leur nom. LUCHA a aussi dénoncé des mesures similaires.
Quelques dirigeants politiques de l’opposition se trouvent toujours en détention ou doivent encore être officiellement acquittés des chefs d’inculpation contre eux, y compris pour les sept cas « emblématiques » examinés au cours du dialogue du centre interdiocésain.
L’Etat policier malgré l’Accord
La police est intervenue à deux reprises, avant et pendant une conférence de presse à Kinshasa organisée par des avocats du député national de l’opposition Franck Diongo, condamné à cinq ans de prison le 28 décembre au terme d’un procès expéditif. Plusieurs policiers armés ont arrêté des membres du parti, battu plusieurs autres partisans du MLP et détruit des affiches et photos.
Le 5 janvier courant, Gabriel Kyungu a été convoqué devant le parquet pour vérifier l’authenticité d’une transcription vidéo d’une réunion au cours de laquelle il aurait insulté le président Kabila. Deux jours plus tard, il aurait été empêché de quitter Lubumbashi et de prendre un vol vers Kinshasa.
Il faut signaler que le parlement provincial du Haut-Katanga avait voté, le 27 décembre, la levée de son immunité parlementaire. Gabriel Kyungu a été harcelé à plusieurs reprises depuis qu’il a quitté la Majorité présidentielle en septembre 2015.
Dans le cadre de la décrispation politique, le gouvernement congolais devrait abandonner des poursuites et libérer les activistes et d’autres personnalités arrêtés pour leurs opinions politiques, rouvrir les médias fermés et mettre fin à tout harcèlement des activistes pro-démocratie et de l’opposition politique.
Par Godé Kalonji