19 décembre 2016 : des morts de trop !
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Selon Human Right Watch, 26 personnes qui manifestaient pacifiquement avec des sifflets en RDC, à l’occasion de la fin du dernier mandat de Joseph Kabila ont été tuées par des forces déployées par le pouvoir. Des vagues d’arrestations arbitraires également dénoncées
Une très vive tension a été observée dans toutes les provinces de la RDC où des agents de la police et des services de sécurité ont procédé à des vagues d’arrestations et d’ « enlèvements » parmi les membres de l’opposition, de la société civile à l’occasion de la date du 19 décembre 2016 qui marque la fin constitutionnelle du second et dernier mandat présidentiel de Joseph Kabila à la tête du pays.
Selon Human Rights Watch, ONG américaine des droits de l’homme, ces manifestations pourtant pacifiques ont été réprimées dans le sang. L’Ongdh fait état de 26 personnes qui ont tuées à travers le pays par des forces de défense et de sécurité du pouvoir.
Dans un communiqué publié le mardi 20 décembre 2016, Ida Sawyer , Directrice de recherches de HRW pour l’Afrique centrale, confirme qu’au moins 26 personnes ont été tuées lors des manifestations tenues ce jour-là à Kinshasa, à Lubumbashi et dans d’autres villes de la RDC.
Human Rigths Watch reproche aux forces de sécurité de la RD Congo d’avoir réprimé à balles réelles des manifestants utilisant des sifflets.
Outre ces tueries, Me Georges Kapiamba, un autre activiste des droits de l’homme bien connu, a aussi dénoncé des arrestations arbitraires et des enlèvements. Selon lui, depuis le 13 décembre, son organisation a enregistré l’enlèvement et la détention au secret de quatre militants du mouvement Filimbi sans oublier le président fédéral de l’UDPS/Tshikapa qui a été enlevé à Tshikapa alors qu’il est malade. Il a fait état aussi de l’arrestation à Tshikapa de deux chefs coutumiers.
Maman S. Sidikou, Représentant spécial du Secrétaire général des Nations Unies et chef de la MONUSCO, a exprimé sa profonde inquiétude face à ces tueries et vagues d’arrestations et de détentions au cours des trois derniers jours sur toute l’étendue de la République démocratique du Congo (RDC).
Selon la mission onusienne, depuis le 16 décembre 2016, l’Organisation des Nations Unies a recensé 113 arrestations dans le pays, dont des dirigeants et des sympathisants de l’opposition, des activistes de la société civile et des défenseurs des droits de l’homme, des professionnels des médias, ainsi que d’autres personnes.
La plupart de ces arrestations selon la Monusco ont été effectuées par la Police Nationale Congolaise (PNC), l’Agence Nationale de Renseignement (ANR) et la Garde Républicaine, et ont eu lieu à Goma, Kinshasa et Bukavu. Les Nations Unies n’ont pas été systématiquement autorisées à avoir accès aux lieux de détention, afin de vérifier les conditions dans lesquelles se trouvent les détenus.
« Je suis sérieusement préoccupé par les arrestations dont sont l’objet certaines personnes qui ne font qu’exprimer leurs opinions politiques. J’exhorte les autorités nationales à respecter scrupuleusement leurs obligations internationales en matière de droits de l’homme, à créer un climat de tolérance et de respect politiques, en ce tournant décisif de l’histoire de la RDC, et à garantir au personnel des Nations Unies un accès libre et sans restriction à tous les centres de détention.
Je lance également un appel aux autorités compétentes pour un strict respect de la loi, afin de garantir à toutes les personnes détenues une procédure judiciaire équitable, mais aussi pour mettre fin à toutes les détentions à caractère politique », a déclaré le Représentant spécial du SG de l’ONU en RDC.
Maman Sidikou a par ailleurs souligné la nécessité pour tous les Congolais, et en particulier les responsables des institutions judiciaires et des agences de l’Etat en charge de la sécurité, de respecter les lois de la République et d’assurer la promotion et la protection des droits de l’homme, y compris la liberté d’opinion, d’expression et de réunion pacifique consacrée dans la Constitution. Et ce, dans un espace politique ouvert. Car, cela est essentiel pour créer un environnement propice à la tenue prochaine d’un dialogue constructif en RDC.
Le rapport-synthèse de HRW sur ces tueries
La République démocratique du Congo est devenue une poudrière, où des manifestants équipés de sifflets font face aux forces de sécurité, et des groupes armés se mobilisent alors que le mandat du président Joseph Kabila est arrivé à échéance.
Human Rights Watch a confirmé que les forces de sécurité ont tué au moins trois personnes mardi matin dans la capitale, Kinshasa, et des dizaines de personnes ont été arrêtées depuis lundi matin, dernier jour des deux mandats consécutifs du président Kabila autorisés par la Constitution.
À partir de 22 heures environ lundi, le « son des sifflets » a retenti dans de nombreux quartiers de Kinshasa. Des groupes ont investi les rues, sifflant pour signifier à Kabila que son temps au pouvoir se terminerait à minuit. Un « concert de sifflets » a également été entendu dans plusieurs parties de la ville de Lubumbashi, dans le sud du pays.
Dans les deux villes, militaires et forces de police ont été largement déployés et ont tiré des coups de feu dans certains quartiers pour disperser les manifestants qui utilisaient des sifflets.
Le nombre réel de victimes est difficile à déterminer et les signalements sont toujours en cours de vérification. Beaucoup de témoins nous ont parlé de recherches maison par maison menées par les soldats de la Garde républicaine, des jeunes étant arrêtés à leur domicile, et de points de contrôle inhabituels où les forces de sécurité arrêtent des personnes sur les routes, les interrogent sur de possibles liens avec l’opposition politique, confisquant argent et téléphones portables.
Les manifestations au son des sifflets – et la répression – ont été très soutenues dans les quartiers de Selembao, Mont Ngafula, Kimbangu, Ngiri-Ngiri, Ndjili, Masina, Matete et Lemba à Kinshasa et dans le quartier de Kenya à Lubumbashi.
Tôt mardi matin, le leader de l’opposition de longue date et président du parti de l’Union pour la Démocratie et le Progrès social (UDPS) et de la coalition Rassemblement, Etienne Tshisekedi, a transmis un message vidéo posté sur YouTube, dans lequel il lance « un appel solennel au peuple congolais à ne pas reconnaître […] l’autorité illégale et illégitime de Joseph Kabila et à résister pacifiquement [à son] coup d’État ».
D’autres manifestations ont éclaté depuis dans de nombreuses parties de Kinshasa et de Lubumbashi. Les forces de sécurité ont répondu dans de nombreux secteurs en tirant à balles réelles et en lançant des gaz lacrymogènes. Nous avons reçu de nombreux signalements de personnes tuées et blessées mardi matin par les forces de sécurité, et nous travaillons encore à en vérifier l’exactitude. Et les signalements d’arrestations se poursuivent.
À Kinshasa, des manifestants ont brûlé le siège du Parti du Peuple pour la Reconstruction et la Démocratie (PPRD) au pouvoir. Et certaines informations indiquent que des manifestants ont frappé des agents de police à Lubumbashi.
Les « villes mortes » de lundi
Les manifestations qui ont commencé lundi soir sont intervenues après ce qui s’est avéré être une « ville morte » ou grève générale largement suivie à Kinshasa et dans d’autres villes le dernier jour du mandat de Kabila. Militaires, policiers et agents des services de renseignements ont été largement déployés dans les villes du pays – notamment Kinshasa, Goma, Lubumbashi, Bunia, Beni, Walikale, Kindu, Uvira, Kalemie, Mbuji-Mayi, Mbandaka et Lisala – dans une tentative manifeste de réprimer les manifestations. De nombreux résidents n’ont pas envoyé leurs enfants à l’école et sont restés chez eux, alors que les magasins et les bureaux étaient fermés.
Certaines personnes ont tout de même tenté de manifester. Dans la ville de Beni, dans l’est du pays, les forces de sécurité ont tiré en l’air pour disperser les manifestants, mais un manifestant a été blessé par une balle perdue. Human Rights Watch a reçu des rapports dignes de foi selon lesquels plus de 100 personnes auraient été arrêtées lundi, dont 41 à Goma, 28 à Kinshasa, 19 à Bunyakiri, 5 à Bukavu et une à Kalemie.
La plupart des personnes ont été arrêtées alors qu’elles manifestaient, organisaient des manifestations, étaient simplement rassemblées dehors, ou simplement parce qu’elles portaient du rouge – symbolisant la « carte rouge » adressée à Kabila.
Par GKM