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Tina Salama :  » Je ne suis pas opportuniste mais je saisis les opportunités « 

La Tempête des Tropiques Nation POLITIQUE

Tina Salama :  » Je ne suis pas opportuniste mais je saisis les opportunités « 

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Actuellement Chef adjointe des programmes à la Radio Okapi, Tina Salama figure parmi les rares femmes qui ont assumé cette fonction au sein de ce médium à Kinshasa.

Animatrice et journaliste également, elle sait saisir les opportunités qui se présentent à elle. Nommée par l’ancien représentant de la Mission de Stabilisation des Nations Unies en République Démocratique du Congo (MONUSCO), Martin Kobler, au poste d’ambassadrice des Nations auprès de la jeunesse congolaise, elle a assumé cette tâche avec beaucoup de passion.

Licenciée en journaliste, option : politique extérieure à l’Institut Facultaire des Sciences de l’Information et de la Communication (IFASIC) en 2012, Tina Salama travaille à la radio onusienne depuis 2002. Originaire de Bukavu, cette dame qui a connu la guerre a été obligée d’arrêter ses études universitaires en 2ème année de graduat pour se lancer dans le monde du travail, tout d’abord comme stagiaire à la Radio Okapi/Bukavu. Battante, elle a gravi tous les échelons pour occuper son actuel poste de responsabilité tant convoité.

La Tempête des Tropiques : Parle-nous un peu de votre travail en tant que Chef adjointe des programmes à la Radio Okapi ?
Tina Salama : Comme travail, j’ai beaucoup de choses. La radio Okapi a déjà une grosse réputation, et nous devons travailler pour maintenir cette bonne réputation, donner des informations en toute impartialité, être une église au milieu du village, inspirer le changement et être la voix du Congo. Je travaille avec le Chef des programmes pour tout ce qui est programme. C’est nous, en fait, qui gérons l’antenne au quotidien et la clôture à partir de 19h15.

Pour cela, nous avons une grande équipe d’animateurs qui commencent déjà le travail à partir de 5h du matin. Nous avons les chroniqueurs sportifs, les présentateurs de gros magazines d’information…Donc, nous devons savoir tout ce qui passe pour assurer la bonne cohérence à l’antenne. En outre comment gérer le timing, vérifier le cahier des charges des uns et des autres, vérifier également l’habillage, etc.

S’il y a des partenaires qui veulent travailler avec la radio, c’est à nous de les gérer sans oublier la gestion des spots publicitaires. En un mot nous assurons la coordination et la cohérence à l’antenne. Je vais signaler que nous avons aussi un œil sur la musique. Raison pour laquelle, nous devons avoir l’actualité musicale à la radio Okapi parce que beaucoup de gens viennent chez nous rien que pour la musique. Au-delà de tout, nous sommes une radio des Nations Unies.

TDT : Vous êtes parmi les jeunes cadres, est-ce que l’expérience est-elle facile?

TS : Pas du tout. Etre une femme de surcroît jeune et cadre, ce n’est pas évident. Mais je suis fière de moi parce que j’ai gravi tous les échelons étant donné que j’ai commencé au bas de l’échelle. C’est à la radio Okapi que j’ai acquis mon expérience professionnelle même si le début a été assez difficile parce qu’il n’y avait pas de contrat.

J’étais une journalière avec trois dollars par jour et le salaire n’était pas consistant à la fin du mois. Pour moi, ce n’était même pas une question d’argent, mais d’ambition parce que je savais où est-ce que je voulais aller, et je me disais que c’était une belle opportunité d’être acceptée dans une si grande radio, une si grosse boîte, une si grosse machine comme les Nations Unies. Je suis venue à Kinshasa pour faire mes preuves auprès de mes superviseurs hiérarchiques qui m’ont testé dans les différents services.

Je fais le journal en swahili, les émissions pour enfin décroché un contrat jusqu’à devenir cadre aujourd’hui. Je dirais que le parcours n’a pas été facile parce que très peu de femme ont eu à assumer mon actuelle fonction à la rédaction de Kinshasa, à l’exception d’une autre femme qui a démissionné pour aller à l’étranger.

Je dirais que l’expérience fut plus difficile avec des femmes qui ont manifesté de la résistance lorsque j’ai été promue. Cette attitude avait choqué certains des superviseurs hiérarchiques expatriés qui dirigent la radio Okapi de voir que la réaction de ces femmes. Donc, des femmes sont conditionnées à être dirigées par des hommes un peu plus âgés qu’une autre femme, qu’elle ait l’expérience ou pas.

Et pourtant, par rapport à mon ancienneté, ces femmes savaient que je pouvais après avoir accumulé 13 années d’expérience. Ayant commencé toute jeune, c’est tout à fait normal qu’au bout de tant d’années, je sois promue. On ne peut pas évoluer à dix ou à vingt en même temps même si on a commencé ensemble car chacun à son parcours, ses chances et ses prédispositions. J’ai eu des moments difficiles avec certaines femmes qui étaient des amies, des anciennes consœurs puisqu’elles n’ont pas été sympathiques et gentilles à mon égard.

Beaucoup de choses ont été dites derrières mon dos, et si vous n’avez pas de nerf solide, une forte personnalité, surtout une compétence requise, l’on risque de vous tourner en ridicule. Les gens étaient finalement sur mes faits et gestes alors que nous sommes des humains capables de faire des erreurs parce qu’on n’a pas la vérité absolue. Ce n’est pas facile avec les hommes aussi qui pensent dans leur tête que ce sont souvent eux qui ont le droit d’être promu.

Lorsqu’il s’agit d’une femme, ils ont un regard négatif. Je ne vais pas le nier qu’il existe également des gens qui encouragent la femme dans ses ambitions nobles. Il y a beaucoup d’hommes qui m’ont soutenu et encouragé en me rassurant que je serais jugée par rapport à mon travail. Le plus important c’est de pouvoir mériter sa fonction.

Voilà qu’aujourd’hui je l’assume, je me bats au quotidien, et ce n’est pas encore fini. Je suis dans une évolution constante et permanente, j’essaie de me former, de parfaire mes connaissances, d’écouter les uns et les autres, de m’affirmer. Que les gens soient contentes ou pas, il faut s’affirmer et dire ce que l’on pense car pour cela qu’on est manager. Il faut aussi écouter et encourager son équipe. Pour les personnes négatives, il faut leur laisser du temps ; ils vont s’habituer.

TDT : Avez-vous eu un modèle dans la profession?

TS : Beaucoup de modèles je dirais, mais pas vraiment quelqu’un qui serait mon héros ou héroïne. Je ne voudrais pas me mettre sous les pas de quelqu’un, être dans son ombre, être mon seul modèle ou encore faire exactement comme lui, je dis non. Chacun a son expérience, son parcours, et souvent on devient ce que l’on veut plus tard par rapport à tout ces ingrédients pour devenir une personne unique.

Il y a des journalistes qui m’ont inspiré étant partis du néant comme moi sur le plan professionnel et financier. Je ne suis pas venue ici avec des diplômes ou une forte expérience. J’ai tout appris et commencer à zéro, et je suis de ces personnes qui sont déterminées et battantes. Je ne suis pas opportuniste mais je saisie les opportunités.

TDT : Parlez-nous de votre rôle en tant qu’ambassadrice des Nations Unies ?

TS : Avec l’ancien représentant Martin Kobler, il a voulu vraiment travailler avec les femmes et les jeunes. Donc, il voulait se faire représenter par deux onusiens parce que le but était, pour lui, comme le représentant spécial du secrétaire général des Nations Unies au Congo, de se faire représenter par des gens d’ici, travaillant avec lui ayant les connaissances sur la politique onusienne pour aller auprès de la jeunesse congolaise.

Il disait qu’à chaque fois qu’il voulait rencontrer les jeunes dans des universités ou ailleurs, il n’avait pas de contact direct avec ces jeunes et ce sont des professeurs qui parlaient à leur place. Or, ils voulaient un contact rapide avec la population, donc il m’a choisi comme jeune, pour moi la jeunesse est un état d’esprit, après avoir postulé à cette candidature puisque j’avais le profil, un contact facile et connue en tant que journaliste. Avec un autre collègue de la FAO, nous avons travaillé pour faire le lien entre la jeunesse congolaise et les Nations Unies. Kobler voulait les écouter et savoir leurs revendications et attentes par rapport aux actions des Nations Unies.

Nous avons, pendant ce laps de temps, organisé des grandes rencontres avec la jeunesse, visiter des orphelinats, participer au festival Amani et toute autre activité liée à la paix pour sensibiliser les jeunes. Ainsi, nous avons crée de boîtes émail, de pages Facebook pour permettre à ces jeunes de réagir, et le rapport arrivé au bureau de représentant. Ces jeunes nous invitaient aussi dans leurs manifestations. Pour l’instant, Maman Sidikou n’a pas encore la même vision de choses, c’est à lui de nous dire ce qu’il pense de la jeunesse, c’est pourquoi nous avons retardé nos activités.

TDT : Que détestez-vous dans la profession ?

TS : Le coupage, le manque d’impartialité constaté dans le chef de certains journalistes dans le traitement de leurs informations. J’ai vu beaucoup de journalistes se compromettre dans le métier parce qu’ils ont reçu un peu de sous et cela change la façon de rendre le papier alors que nous sommes au service de la population et le 4ème pouvoir. J’en appelle à l’objectivité étant donné qu’un journaliste rend les faits sans partie pris et doit mettre ses

opinions de côté. Le métier n’a plus de valeur et ceux qui n’ont pas fait des études en journalisme, qu’on ramasse de gauche à droite pour devenir journaliste, disent n’importe quoi. On ne se forme plus assez alors qu’un journaliste doit avoir une vaste culture générale. Il faut se former, s’informer et apprendre parce que plusieurs personnes comptent sur nous, nous suivent à la télé, à la radio, nous lisent et risquent d’être déçues par nos lacunes. Tout cela ne nous honore pas et faisons le métier de journalisme par passion afin d’apporter le changement et influencer les jeunes générations positivement.

TDT : Vous êtes une femme ambitieuse. Est-ce que vous avez des ambitions politiques ?

TS : j’en ai eu un moment. Mes ambitions politiques n’étaient pas j’en ai eu un moment. Mes ambitions politiques n’étaient pas pour me positionner ou pour avoir un poste, mais c’était pour apporter un changement dans ce pays. Qu’est-ce que nous allons léguer comme pays à notre postérité ? Je viens de l’Est du pays, je le rappelle toujours, j’ai vécu les guerres et j’en parle en connaissance de cause. Un beau matin, je me suis réveillé sous les obus, j’ai vu des cadavres et j’ai vu ma ville assiégé. D’ailleurs, j’écris un livre intitulé  » ma vie pendant la guerre » ; je compte partager mon expérience. Malgré tant d’années passées, ma mémoire est encore fraîche et je n’ai pas toujours oublié ce que j’ai vécu.

Quand, j’ai commencé ma profession, je suis allais voir une fille de 13 ans qui a été violée par quarante hommes, j’étais également dans des zones contrôlées uniquement par les rebelles, nous nous sommes arrivés par là grâce à un hélicoptère de la Monusco.

Pour apporter le changement, je me dis que c’est par la politique, et je voulais tenter ma chance à la députation nationale en 2011, mais heureusement que je ne l’ai pas fait puisque, pour moi, le climat n’est pas encore propice pour faire la politique dans ce pays à cause notamment de la corruption, de manque de la transparence. On peut avoir la qualification mais on ne passera pas, mais si tu as la chance de passer tu seras obligé de te vendre au plus offrant.

C’est très sale par rapport à mes ambitions. Je mets cette ambition dans un tiroir pour le moment, et j’évolue dans ma carrière de journaliste. L’on peut facilement atterrir dans la politique lorsqu’on a été journaliste à condition d’apporter des nouvelles idées et un esprit de changement.

Propos recueillis par Tantia Sakata

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