Me Jean-Claude Katende conditionne l’organisation des élections apaisées par le départ de J. Kabila
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Président national de l’ASADHO et Porte-parole du Front Citoyen 2016
De passage à Paris, Me Jean-Claude Katende, président de l’Association Africaine de Défense des Droits de l’homme (Asadho) a livré à Jeune Afrique le point de vue du Front citoyen 2016 dont il est le porte-parole sur le processus électoral, le dialogue, l’alternance politique….
Après une série de rendez-vous à l’Organisation internationale de la francophonie (OIF) et au Quai d’Orsay, Me Jean-Claude Katende s’est confié, lundi 18 mars, à ce médias français.
L’avocat congolais dirige depuis 2007 l’Association africaine des droits de l’homme (Asadho), l’une des plus vielle organisations non gouvernementales dans ce domaine en RD Congo.
Dans ses interventions, il prône le respect des délais constitutionnels pour la tenue de la présidentielle, prévue initialement fin novembre 2016.
Le combat pour l’alternance démocratique l’a poussé à rejoindre le Front citoyen 2016, plate-forme regroupant personnalités, associations de la société civile et partis politiques opposés au prolongement du mandat du président congolais, Joseph Kabila jusqu’en devenir le porte-parole.
Ci-dessous l’intégralité de son interview à Jeune Afrique
Jeune Afrique : Que vous inspire la saisine de la Cour constitutionnelle par les députés de la majorité notamment sur la question de la fin du mandat du président Joseph Kabila ?
Me Jean-Claude Katende : La majorité fait une chose et son contraire. D’un côté, elle voudrait que toutes ces questions soient débattues au cours d’un dialogue politique, de l’autre, elle porte celle relative à la fin du mandat devant la Cour constitutionnelle.
C’est une démarche qui n’aboutira à rien si la juridiction saisie agit de manière responsable. Suivant la lettre et l’esprit de la Constitution en vigueur en RD Congo, pour que le président sortant reste en fonction, il faut d’abord qu’il y ait un nouveau président élu.
C’est en effet une disposition constitutionnelle qui organise la passation des pouvoirs. Elle ne donne nullement le droit au président sortant de rester en place pour organiser les élections.
Il s’agit donc d’une nouvelle manœuvre de la majorité pour tenter de maintenir le président Joseph Kabila au pouvoir au-delà de son mandat constitutionnel.
Que répondez-vous à ceux qui citent le cas du président du Sénat, Léon Kengo wa Dondo, et de tous les sénateurs, élus pour un mandat de cinq ans en 2007, qui sont pourtant restés en place jusqu’à ce jour ? N’est-ce pas deux poids, deux mesures que de refuser à Joseph Kabila ce qu’on a permis aux autres ?
Il n’appartient pas au président du Sénat ou aux sénateurs d’organiser des sénatoriales. C’est une mission dévolue à la Commission électorale nationale indépendante (Ceni) et au gouvernement qui aurait dû financer l’organisation de ces élections.
Ce sont ces deux institutions qui n’ont pas fait leur devoir. D’ailleurs aucun sénateur ne s’est jamais opposé à l’organisation des élections sénatoriales, alors que la majorité et le chef de l’État sortant bloquent chaque jour la tenue de la présidentielle. En refusant d’octroyer des moyens financiers à la Ceni et de voter des lois nécessaires.
Le président Joseph Kabila est ainsi devenu le blocage au processus démocratique en RD Congo Le président Joseph Kabila est ainsi devenu le blocage au processus démocratique en RD Congo. En conséquence, il doit partir pour que le pays soit à mesure d’organiser des élections crédibles et apaisées.
Il sera ainsi remplacé, en application de la Constitution, par le président du Sénat qui aura pour mandat d’organiser la présidentielle et éventuellement un vrai dialogue politique.
Mais suivant la Constitution, seuls le « décès », la « démission » ou « toute autre cause d’empêchement définitif » constituent des cas de vacance du pouvoir…
La fin du mandat du président de la République peut être en effet considérée comme une cause d’empêchement définitif. Sur quelle base, Joseph Kabila continuerait-il à diriger le Congo après le 19 décembre 2016 ? Après cette date, des Congolais lui diront qu’il ne peut plus gouverner.
Qu’arriverait-il si Joseph Kabila se maintient au pouvoir au-delà de son second et dernier mandat constitutionnel ?
Le président Kabila perdra la légitimité et la légalité. S’il continue à diriger le pays, ce serait une violation de la Constitution.
Et celle-ci, à son article 64, fait devoir à tout Congolais de s’opposer à un individu ou un groupe d’individus qui prendraient le pouvoir par la force ou l’exerceraient en violation de la Constitution. Nous allons ainsi recourir à des moyens démocratiques pour contraindre le président Kabila à partir.
L’opposant historique Étienne Tshisekedi a fait un pas vers le dialogue en envoyant ses émissaires auprès du facilitateur Edem Kodjo alors que le Front citoyen boude toujours ces pourparlers à venir. N’êtes-vous pas là en train de perdre un allié de taille ?
Il n’y a guère de confiance entre Kabila et Tshisekedi
L’Union pour la démocratie et le progrès social (UDPS) d’Étienne Tshisekedi n’ira pas loin dans ce dialogue préconisé par Joseph Kabila. D’abord parce qu’il n’y a guère de confiance entre les deux parties. Ensuite parce que le schéma de la majorité consistant à étendre le mandat du président sortant ne peut être avalisé par l’UDPS, le parti qui s’est toujours battu pour l’alternance démocratique en RD Congo.
Vital Kamerhe privilégie la lutte pour obtenir la présidentielle en 2016 avant de choisir un candidat alors que le G7 se prépare déjà à l’alternance en désignant Moïse Katumbi comme son candidat unique. Qui de ces leaders politiques du Front citoyen prône la bonne stratégie ?
Tous les deux, comme les autres membres du Front citoyen, travaillent ensemble pour deux objectifs : le respect de la Constitution et l’alternance démocratique.
Mais chaque leader, groupe ou parti peut avoir sa stratégie. C’est donc une question de responsabilité : ceux qui se déclarent candidats ne doivent pas oublier que nous devons d’abord obtenir l’organisation de la présidentielle dans les délais.
Et pour remporter ce scrutin, l’opposition devra coûte que coûte se choisir un candidat commun. D’où l’importance également de savoir déjà qui est candidat et qui ne l’est pas.
Tiré de la rédaction internet de Jeune Afrique du 18 avril 2016